Si dans la plupart des cas, la présence localisée du méningocoque dans la gorge est sans aucune conséquence, elle peut accidentellement conduire à une méningite ou un choc sceptique. Comment cette bactérie spécifique à l’homme, présente à l’état non-pathogène dans la gorge de porteurs sains (5 % à 30 % de la population) envahit la circulation sanguine à partir du nasopharynx et provoque une bactériémie compliquée d’une méningite ? Dans un article publié dans Science du 11 février 2011, l’équipe Avenir dirigée par Guillaume Duménil au sein de l’unité mixte de recherche Inserm 970 (Université Paris Descartes) vient d’identifier le mécanisme en cause. On sait que les méningocoques sont dotés de structures particulières : les pili. Ils leur permettent à la fois d’adhérer aux cellules de la gorge, de s’y multiplier et de former des agrégats. « Nous avons étudié de près la protéine principale qui compose les pili : la piline » explique Guillaume Duménil. Son équipe a découvert que la protéine subissait différentes modifications au cours du temps. Parmi elles, l’une s’est avérée plus intéressante que les autres : l’ajout d’un phosphoglycérol. Ce groupement chimique une fois greffé à la piline donne le signal de dissémination.
Des bactéries isolées de la colonie partent « en éclaireur »
À partir de ces premiers résultats, les chercheurs ont découvert la présence du gène qui permet le transfert du phosphoglycérol sur la piline : le gène pptB. Ce gène fonctionne à plein régime seulement lorsque la bactérie est au contact des cellules qui tapissent la paroi de la gorge. « L’emballement » du gène pptB provoque l’ajout du phosphoglycérol à la piline. Celle-ci perd alors l’une de ses propriétés essentielles : sa capacité à former des agrégats. En conséquence, certaines bactéries se détachent de la colonie et se disséminent peu à peu. Cette stratégie va être utilisée par la bactérie à la fois pour coloniser d’autres endroits de la gorge et pour traverser les cellules qui la tapissent. « On pourrait presque comparer ce phénomène à la formation de métastases cancéreuses » souligne Guillaume Duménil. C’est la première fois que des chercheurs identifient avec autant de précision la cascade d’événements qui conduit la bactérie dans la circulation sanguine. C’est une première étape. « On sait dorénavant comment le méningocoque passe de la gorge au sang. Nous espérons pouvoir démontrer que ce processus est identique lorsque la bactérie passe du sang au cerveau et déclenche une méningite » conclut Guillaume Duménil.
Si les chercheurs parviennent à trouver des molécules qui bloquent la dissémination, ils pourraient détenir là un outil à la fois préventif (blocage de la colonisation de la gorge et du passage vers la circulation sanguine) et thérapeutique (limitation de la colonisation des vaisseaux sanguins et de la transmission au cerveau). Rappelons que Neisseria meningitidis est un diplocoque Gram négatif aérobie responsable de 75 % des méningites bactériennes chez les individus de moins de 25 ans. Les taux de morbidité les plus élevés sont observés chez les enfants de 6 mois à 4 ans (43 %) et chez les adolescents.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature