LA SANTE EN LIBRAIRIE
« Qu'est-ce qu'un médicament ? » La réponse n'est pas si évidente qu'il y paraît, montre le Pr Béraud, code de la santé publique et réglementation en main.
Et l'ambiguïté régnante ne plaît guère à l'auteur qui, pour sa part, ne laissera planer aucune ambiguïté sur sa propre conception du médicament. Il faut dire qu'une longue fréquentation du médicament lui a permis d'observer l'objet sous des angles très divers, de se faire son opinion et d'accumuler et d'affûter des arguments. Aujourd'hui donc, professeur honoraire à l'université de Bordeaux, conseiller médical du président de la Mutualité française, ancien médecin conseil national de la Caisse nationale d'assurance-maladie des travailleurs salariés, ancien vice-président de la commission de transparence de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, le Pr Béraud entend mettre à plat la situation actuelle du médicament et proposer ses solutions pour lui donner une plus juste place.
Conformément à l'avertissement initial, « loin de fuir la controverse, ce livre la provoque ». Autrement dit, il ne bouscule pas seulement le médicament, mais aussi tout ce qui l'entoure. D'emblée, les patients auront à encaisser les abus dont ils sont victimes du fait de la vente de produits « parfaitement inefficaces » sous le nom de médicaments, et à assimiler l'importance de la pathologie iatrogène ou la fréquence des erreurs médicales, le manque d'indépendance des experts ou la faiblesse du rôle des médicaments dans l'amélioration de la santé de leurs contemporains. Aux médecins revient ensuite d'admettre non seulement leurs erreurs de prescription, mais encore leur permanente incertitude quant à l'utilité d'un traitement pour un malade donné, l'efficacité prouvée n'étant que statistique. Il n'est pas forcément facile non plus d'avaler l'hymne à la non-observance, même atténué par un appel à une bonne relation médecin-malade.
Surconsommation
Cette bonne relation devrait par ailleurs rendre inutile le recours au placebo, parfois utile mais tout de même assimilé par l'auteur à un « mensonge qui guérit ».
C'est ensuite au tour des pharmaciens de voir soulignée la densité française de leurs officines, comme facteur d'une éventuelle surconsommation médicamenteuse, puis au tour de la presse médicale et grand public, des associations de malades, de l'université, des pouvoirs publics, de voir dénoncés les liens qui font d'eux les outils de la promotion du produit industriel qu'est le médicament. Seul, le tiers payant est innocenté du rôle de « facteur d'accroissement des prescriptions » dont on l'affuble souvent, tandis que la revue « Prescrire » apparaît comme « l'exception » en matière de qualité d'information sur le médicament. Le plongeon dans les arcanes administratives qui mènent à la définition du prix des médicaments, de leur remboursement et finalement à l'augmentation permanente des dépenses de santé n'est guère plus réconfortant.
Tout n'est pas perdu pour autant. L'auteur est en effet aussi clair pour dire les solutions qu'il l'a été pour pointer « carences » et « dérives ». Il trace ainsi le chemin d'un médicament à l'efficacité aux contours nettement dessinés par des essais scientifiques, aux indications réglementairement, scientifiquement et conventionnellement établies. Le Pr Béraud verrait volontiers ce médicament transiter par des entrepôts pharmaceutiques de vente par correspondance ou mieux encore par Internet, être prescrit plus rarement par des médecins mieux formés à l'écoute, à des malades plus autonomes et volontiers. Il défend aussi avec vigueur le développement du marché des génériques ou le forfait par classe thérapeutique. Ni l'Europe, ni le monde, ni l'avenir du médicament, n'échappent bien sûr aux intentions encyclopédiques de la collection, pas plus qu'au regard acéré de l'auteur et à sa volonté de clarification.
« Petite Encyclopédie critique du médicament », Pr Claude Béraud. Les éditions de l'Atelier et la Mutualité française, 336 pages, 20 euros.
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