Après avoir claqué la porte de la Sécu, tout en se gardant bien de rendre cette décision irréversible, le Medef passe à la deuxième phase de son offensive et prend date pour une réforme complète de la Sécurité sociale.
Aujourd'hui à 11 heures, au siège parisien de l'organisation patronale, Ernest-Antoine Seillière et Denis Kessler, respectivement président et vice-président délégué du Medef, présentent en effet leurs orientations « pour une nouvelle architecture de la Sécurité sociale ».
Selon nos informations, la patronat va notamment proposer une alternative radicale au système d'assurance-maladie aujourd'hui en vigueur en France, un « après-Caisse nationale d'assurance-maladie » qui signerait la disparition du monopole public de la CNAM, mais sonnerait aussi le glas du rôle des partenaires sociaux.
Un violent réquisitoire
Pour justifier leur réforme, les responsables patronaux vont prononcer un violent réquisitoire contre l'organisation actuelle de la Sécurité sociale. Le Medef fait en effet le constat d'un système cinquantenaire arrivé « à bout de souffle ».
Pour l'organisation patronale, cette crise grave se traduit notamment par la difficulté croissante de trouver des administrateurs motivés dans les caisses, en raison de la « mainmise » de l'Etat sur la Sécurité sociale ; ce qui aboutit finalement à une confusion totale des rôles et responsabilités des différents acteurs.
Selon le Medef, les ponctions imposées par l'Etat à la Sécu (notamment pour financer les 35 heures, mais pas seulement) sont la preuve évidente de la perte complète de pouvoir et d'autonomie des partenaires sociaux et du renforcement du rôle de l'Etat. Le Medef n'ayant eu, affirme-t-il, aucun écho gouvernemental à ses dix « mesures de clarification » formulées en juin pour réformer la Sécurité sociale, il propose cette fois de changer de braquet. Au risque de s'exposer à de vives critiques.
Un cahier des charges de l'Etat
Le Medef devrait expliquer aujourd'hui qu'il refuse autant le système étatique que la privatisation sauvage de la Sécurité sociale (déréglementation) et qu'il ne croit pas non plus à la régionalisation, pourtant souvent présentée comme une panacée. Pour ce qui est du système d'assurance-maladie, il préconise un système intermédiaire d'ouverture tempérée à la concurrence entre plusieurs grands opérateurs publics et privés. Dans le dispositif imaginé par le Medef, l'Etat conserverait ses grandes « fonctions régaliennes », autrement dit, il garantirait l'universalité de la protection sociale, la non-sélection du risque maladie, la garantie viagère et le financement socialisé (avec la CSG comme base de financement intégral). Outre ce cahier des charges strict que chaque gestionnaire devrait respecter, l'Etat définirait le panier de soins, c'est-à-dire les prestations de base qui doivent être remboursées dans tous les cas.
Mais une fois ces conditions posées, le jeu libéral de la concurrence aurait lieu entre différents assureurs publics et privés (mutuelles, compagnies d'assurances, caisses primaires, etc.), chargés de gérer le risque maladie à leur manière. Pour les patients, les remboursements de prestations seraient donc obtenus dans le cadre d'un choix de l'organisme assureur, public ou privé. Le Medef affirme en substance que la compétition entre ces grands opérateurs (qui, selon lui, seront au maximum une dizaine à terme) sera source de performance, de transparence et même de diminution des coûts pour l'ensemble du système de soins.
Quels contrats?
Même si l'Etat garantit le respect des règles du jeu, certains ne manqueront pas de dénoncer ce pari de la loi du marché appliquée au domaine de la santé. Ce qui, pour aller vite, a été possible pour le téléphone (ouverture à la concurrence dans le respect d'un cahier des charges fixé par une autorité de régulation avec baisse des coûts à la clé) est-il transposable à la gestion du risque maladie ? Rien n'est moins sûr. Reste à savoir surtout ce que signifierait cette petite révolution pour les professionnels de santé, qui ne manqueront pas de faire le rapprochement avec les programmes HMO américains. Le Medef assure que, dans son système, les médecins et tous les autres soignants pourront signer des contrats souples extrêmement variés avec les opérateurs en place, y compris en ce qui concerne leur mode de rémunération (salariat, paiement à l'acte, éléments de capitation, etc.). Mais les professionnels de santé auront-ils une réelle offre de choix et pourront-ils, surtout, l'exercer en toute connaissance de cause ? La question mérite à ce stade d'être posée.
Quel que soit l'accueil réservé au projet audacieux du Medef, le patronat a, d'une certaine manière, réussi son coup. Certes, il quitte la Sécu, mais il se défend de pratiquer la politique de la terre brûlée, puisqu'il propose (en testament) une réforme présentée comme visionnaire. Même si cette dernière n'a guère de chances d'être retenue par les pouvoirs publics, au moins le Medef aura-t-il pris date. C'est pour lui essentiel dans le cadre de la refondation sociale qu'il anime depuis plusieurs mois.
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