La dépendance à l’alcool s’accompagne d’une morbi-mortalité très élevée : elle diminue l’espérance de vie de 22 ans chez les hommes et de 20 ans chez les femmes. L’alcool représente le premier facteur de risque dans le monde, en raison de la charge globale de morbidité chez les hommes de 15 à 39 ans. À court terme, les conséquences de l’excès d’alcool sont multiples tant au point de vue individuel (troubles du comportement, diminution des capacités…) et familial (rejet, problèmes de couple…) que social (coût, violences, accidents… et professionnel (absentéisme, accidents du travail…).
À long terme, l’excès d’alcool est la cause directe de plus de 60 maladies (cirrhose, psychoses, démences, syndrome d’alcoolisation fœtale…) et contribue au développement de plus de 200 affections telles que cancers, maladies cardio-vasculaires, psychiatriques, hépatiques, pancréatiques,…
Comment repérer et diagnostiquer une consommation d’alcool excessive ?
Il faut tout d’abord en parler systématiquement devant tout changement bio-psycho-social, en cas d’antécédents familiaux de dépendance à l’alcool, de précarité, de maladie psychiatrique, d’autres addictions, de situations de stress, de deuils…
L’Audit-C peut être un outil à disposition du médecin généraliste pour l’orienter vers une dépendance ou un mésusage probables. Il s’agit, pour le médecin, de poser trois questions sur la fréquence de la consommation d’alcool et la quantité d’alcool ingérée dans une journée ordinaire et en cas de consommation excessive sur l’année écoulée.
Le diagnostic de dépendance à l’alcool posé par le médecin et reconnu par le patient, l’objectif doit être négocié, entre réduction et abstinence.
Abstinence ou consommation raisonnable : un choix négocié
La diminution de la consommation quotidienne d’alcool fait régresser le poids du risque de mortalité. Ainsi, en situation de mésusage ou de dépendance, un buveur excessif qui réduit sa consommation d’alcool de 3 ou 4 verres par jour réduit le risque de mortalité de 38/10000 lorsque sa consommation quotidienne était de 60 g (6 verres) et de 119/10111 lorsqu’elle était de 96 g (10 verres). « Au-dessous de 30 g/j, les risques – en terme de santé publique – sont mineurs. L’amélioration de la morbimortalité peu marquée chez les faibles consommateurs doit nous obliger à nous s’intéresser plus particulièrement aux buveurs excessifs » précise le Pr Cottencin.
Pour la Société française d’alcoologie, le choix entre réduction et abstinence permet au patient dépendant de fixer son propre objectif thérapeutique et augmente les chances de succès. Le taux de succès à 12 mois dépasse 50 % dans les deux groupes de patients (50 % pour l’objectif abstinence versus 52 % pour l’objectif réduction), avec un pourcentage de succès de 68 % lorsque le choix est en accord avec la préférence personnelle du patient.
Concernant la prise en charge de la dépendance à l’alcool, trois notions ont été soulignées :
– l’abstinence est un objectif qui vise le long terme,
– les interventions psycho-sociales ont leur place à tous les stades de cette prise en charge (motivation, réduction de la consommation et maintien de l’abstinence),
– la grande majorité des sevrages d’alcool peut se faire en ambulatoire.
Il est possible de proposer une réduction de la consommation d’alcool en cas de mésusage et en l’absence de comorbidité hépatique, l’objectif étant de réduire les risques sur la santé. Dans ce contexte, lorsque l’intervention psychosociale ne suffit pas, deux nouveaux médicaments peuvent être utilisés : le nalméfène en première intention et le baclofène en seconde intention.
Lorsque l’objectif de l’abstinence est retenu, d’emblée ou après une phase de réduction de la consommation, il faut veiller à la bonne prise en charge du syndrome de sevrage (benzodiazépines et thiamine). Pour aider au maintien d’abstinence, des médicaments sont disponibles (acamprosate et naltrexone en première intention, disulfirame et baclofène en deuxième intention).
Dans tous les cas, les priorités sont le dépistage et le diagnostic de dépendance par le médecin généraliste et l’objectif à long terme, l’abstinence. Un passage par « la case réduction » est parfois exprimé par le patient, il faut respecter son choix et l’accompagner dans sa démarche.
* Réunion « Rendez-vous du Quotidien » sur « Dépendance à l’alcool : le médecin généraliste au cœur de l’action » organisée à Lille avec le soutien institutionnel des laboratoires Lundbeck.
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