De notre correspondante
Réagissant d'abord à quelques cas types proposés par les organisateurs et y mêlant peu à peu leurs propres exemples et leurs propres interrogations, une cinquantaine de généralistes et de pédiatres ont débattu avec deux psychiatres de leur rôle de conseiller des parents en matière d'éducation.
A entendre les médecins, les parents ne sont pas si mauvais que cela. Ils sont surtout moins mauvais que ce qu'ils craignent, même s'ils n'ont pas été formés à éduquer un enfant, et même si la famille est recomposée. En revanche, ils s'interrogent beaucoup et interrogent leur médecin. Mais les parents isolés qui sont eux-mêmes à la dérive posent des problèmes plus difficiles. Comme l'a souligné le Dr Michel Sokolowsky, intervenant comme pédopsychiatre au colloque, à partir du moment où les parents formulent le problème qu'ils se posent, ils apportent déjà un début de réponse : au médecin donc de les aider à s'interroger. Et de repérer les enfants en difficulté en posant des questions sur la vie de l'enfant dans la famille et à l'extérieur.
La répétition de troubles bénins apparaît souvent comme un signe d'alerte : le mal de ventre reste un grand classique chez les écoliers. Un mal occasionnel ne signifie peut-être que le stress lié à un contrôle de math, mais s'il est fréquemment répété, il peut traduire une « peur au ventre », selon l'expression de Michel Sokolowsky, suscitée par de simples moqueries douloureuses, un racket ou des maltraitances d'autres enfants ou d'un adulte.
L'absentéisme, un clignotant
L'absentéisme est un autre repère à prendre en considération. L'arbitrage du médecin est souvent sollicité sur ce sujet dans les conflits qui opposent familles et établissements scolaires : pressés par le chef d'établissement de justifier les absences de l'enfant sous peine de sanctions, les parents demandent alors un certificat au médecin traitant. Certes, le praticien ne doit pas prendre partie dans ces conflits (voir encadré) mais ils doivent lui servir de clignotant pour chercher les causes de l'absentéisme et en discuter avec les parents. L'engrenage vers la drogue et la délinquance commence souvent par l'absentéisme scolaire. Tout en appelant à la vigilance des parents, le médecin doit utiliser les mots avec prudence, pour ne pas stigmatiser l'enfant.
Toute demande de certificat pour être exempté d'activité physique doit également éveiller l'attention du médecin et lui permettre d'engager le dialogue avec le parent demandeur : en dehors de toute raison de santé que le médecin traitant ne saurait ignorer, il peut s'agir d'un repli sur soi ou de complexes physiques tels qu'une obésité vraie ou fantasmée. Autant de raisons que le médecin doit faire émerger tout en convainquant les parents des bienfaits du sport.
Un proviseur qui participait aux débats a souligné la nécessité d'établir des passerelles entre les généralistes et les infirmières, médecins ou psychiatres scolaires, lorsqu'ils existent, pour qu'ils s'avertissent mutuellement des difficultés constatées. Peu de médecins et de chefs d'établissement s'investissent dans les échanges, et les généralistes qui en prennent l'initiative sont souvent membres des associations de parents de l'établissement concerné. « Pour 20 euros, on nous demande beaucoup de choses, mais il faut bien nous ouvrir sur la société », a souligné un participant. D'autres ont fait valoir que ces échanges seraient plus efficaces si les médecins scolaires étaient plus nombreux et connaissaient mieux les élèves, comme c'est le cas dans d'autres pays : cela facilite le contact avec les médecins traitants.
Les généralistes armés de leur bon sens et de leur formation sur le tas (souvent en tant que parents eux-mêmes) se disent démunis et regrettent leur manque de formation psychologique. Face à certains cas « qui coincent », ils ont donc tendance à renvoyer vers le pédopsychiatre, mais ce réflexe n'apparaît pas toujours (même à ces derniers) comme la meilleure solution : « Le généraliste qui connaît bien la famille peut repérer plus facilement les situations qu'un psychiatre qui ne connaît encore personne », estime le Dr Sokolowsky. Une trop grande proximité avec la famille peut toutefois rendre les choses plus difficiles. Le Dr Henri Michel Porte, généraliste et président de l'UREMEC, a cité sa propre expérience avec une famille de patients dont il était sans doute trop proche pour bien la prendre en charge : « Le fils commençait à dériver vers la toxicomanie et je ne savais pas comment montrer à la mère qu'elle était trop étouffante dans sa relation avec lui », se rappelle-t-il. Dans ce cas, l'envoi vers une thérapie familiale peut être, sinon la solution, du moins l'une des tentatives de réponse au problème.
Parents acceptables
Psychothérapeute familial, le Dr Paul-Edouard Vola, qui participait au colloque, a rappelé quelques notions que les généralistes pourront faire passer dans leur clientèle inquiète : essayons simplement d'être des parents acceptables... La dévalorisation de la transmission de la morale « traditionnelle » et des formes les plus rigides de l'autorité ne signifie pas que le laisser-faire règne dans les familles contemporaines. La démocratie a gagné du terrain, les petits comme les grands participent aux décisions, mais « sans confusion des places et des rôles ». « Le patient doit toujours être considéré comme le sujet-ressource, porteur de la solution de son problème. »
Certificats médicaux : point trop n'en faut
Généralistes et pédiatres sont régulièrement sollicités par les parents pour fournir des certificats justifiant l'absence de leur enfant à l'école. Le colloque de Marseille a permis de rappeler que, contrairement aux arrêts de travail des salariés, aucun certificat « d'arrêt d'école » n'est obligatoire en cas de maladie : l'établissement scolaire peut seulement exiger un certificat de non-contagiosité lors du retour d'un élève ayant contracté la scarlatine, la tuberculose ou la teigne. En cas de maladie immobilisant l'enfant à domicile, les parents doivent simplement signifier par écrit le motif de l'absence. Tout au plus le médecin peut-il, le cas échéant, apporter son éclairage sur l'incapacité médicale de l'élève à suivre les cours, sans nuire à la confidentialité qu'il lui doit.
Quant aux absences pour départ anticipé en vacances, retours tardifs ou raisons religieuses, que les parents voudraient justifier par un certificat (plus crédible que leurs propres justifications), « elles échappent manifestement au champ de compétence du praticien, ne peuvent que nuire à l'image de la profession et contreviennent au code de déontologie », a-t-il été souligné.
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