À SES INTERLOCUTEURS qui font la moue et qui, parfois, doutent de ses intentions et de sa volonté, Xavier Bertrand assène généralement une formule qui vaut ce qu'elle vaut mais qui a le mérite de doucher les « mauvais esprits » : «Pouvez-vous me citer un engagement, dit-il alors, que je n'aurais pas tenu?» A y bien chercher, on en trouverait, personne n'est infaillible, mais la formule a l'avantage de laisser interloqués ses visiteurs.
A quelques jours de son départ de l'Avenue de Ségur – la date du 26 mars, c'est-à-dire, lundi, est désormais officielle –, le ministre avait, une nouvelle fois, lancé ce message aux médecins réunis au MEDEC : j'ai tenu mes engagements, leur a-t-il lancé.
Péché d'orgueil, comme le disent certains ? «Il faut éviter de faire dans l'autosatisfaction, avait alors répondu le ministre, pour autant,il ne faut faire dans la flagellation.» Xavier Bertrand ne la pratique pas, c'est sûr. Le ministre de la Santé part, en tout cas, avec un bilan que même ses contradicteurs, on l'a vu au MEDEC, jugent le plus souvent positif.
Un connaisseur averti.
Le grand talent de Xavier Bertrand, c'est d'avoir essayé de comprendre et d'appréhender, avant d'agir, ce monde médical dont il ignorait tout ou presque, avant son arrivée comme secrétaire d'Etat à l'Assurance-maladie dans le gouvernement Raffarin, en avril 2004. Certes, la proximité de son ministre de tutelle, le Dr Philippe Douste-Blazy, lui aura été, peut-être, d'une certaine utilité, mais Xavier Bertrand ne s'en est pas contenté : il a consulté les médecins et les professionnels de santé de sa circonscription électorale dans l'Aisne ; il s'est rendu dans les cabinets médicaux et les pharmacies de Paris et de sa banlieue ; il a parcouru les services hospitaliers pour prendre le pouls des praticiens hospitaliers et des autres personnels soignants. Il n'a manqué aucune occasion de s'adresser directement au corps médical dans les multiples réunions organisées, salons ou congrès... Et, surtout, il s'est entouré de personnalités qui ont su lui «apprendre et lui faire comprendre», disent ses partisans, toutes les subtilités et les sensibilités du monde médical.
Dans le même temps, ce ministre qui, chacun le sait maintenant, depuis qu'il est devenu le porte-parole de Nicolas Sarkozy, dort peu – quatre heures par nuit en moyenne –, a travaillé ses dossiers comme peu de ministres avant lui. Tant et si bien qu'il a su très vite s'adresser en spécialiste et en connaisseur averti à ses interlocuteurs qui, plus d'une fois, sont sortis de son bureau assez impressionnés par l'aisance du ministre. «Cela s'appelle de la communication, ironise un syndicaliste qui ne l'a jamais vraiment apprécié, et ça, c'est vrai, il sait faire.»
Ce n'est pas faux. Xavier Bertrand, qui connaît l'importance des médias, a rarement manqué l'occasion de faire passer ses messages auprès des professionnels de santé et de l'opinion ni de mettre en avant ses décisions et ses choix, sans oublier, bien sûr, ses réussites.
Et sans conteste, le ministre de la Santé a connu des réussites. D'abord celles de la réforme de l'assurance-maladie et du parcours de soins. Alors que beaucoup doutaient de l'adhésion des Français au système du médecin traitant, aujourd'hui bien peu d'assurés n'ont pas retourné le formulaire à leur caisse d'assurance-maladie. Même s'il est vrai que les patients en l'occurrence n'avaient guère le choix de refuser, le succès est évident.
Un succès qui va de pair avec le recul des déficits, en particulier celui de l'assurance-maladie. Certes, la promesse de Jacques Chirac de parvenir à l'équilibre des comptes en 2007 ne sera pas tenue, mais l'un des mérites de Xavier Bertrand aura été d'annoncer très vite qu'il en serait ainsi, tout en affirmant que les déficits seraient largement réduits. Ce qui s'est effectivement produit, même si les opinions divergent sur les raisons de cette baisse.
Faut-il prendre aussi comme une réussite ministérielle l'accord tarifaire signé entre l'assurance-maladie et trois syndicats médicaux ? Nul doute que le ministre et ses proches seront tentés de le faire, même si le gouvernement ne participe pas effectivement à la négociation. Il est toutefois clair que Xavier Bertrand a pesé de toute son autorité, qui est grande, on l'a vu, pour qu'un accord soit trouvé et pour éviter un nouveau conflit avec les médecins libéraux à un mois du premier tour de la présidentielle. Mais le C à 23 euros, «qui est une exigence», avait dit le ministre au « Quotidien », ne sera pas une réalité en 2007 ; les généralistes devront attendre 2008 et la réalisation de certaines conditions pour appliquer ce tarif. Ce qui relativise sans doute la réussite du ministre dans ce domaine.
Des cailloux dans le jardin du ministre.
«Je ne laisserai aucun dossier en suspens», a-t-il souvent assuré. Sans doute, le dossier de la FMC obligatoire, vieux serpent de mer, celui de la PDS, malgré certaines imperfections, celui de la reconnaissance de la médecine générale en tant que spécialité, celui de l'incitation à l'installation de médecins dans les zones rurales, celui, le plus emblématique peut-être, de l'interdiction de fumer dans les lieux publics, ont-ils largement avancé et trouvé des solutions, même si elles ne satisfont pas toujours tous les intéressés.
De même, le problème du statut des praticiens hospitaliers – mises à part les questions épineuses de la retraite et de la part variable de rémunération – a-t-il été l'objet d'un compromis qui ne contente pas non plus toutes les organisations syndicales. Mais à l'heure du départ du ministre, il reste encore des chantiers importants en suspens : la RCP qui, malgré un accord-cadre, n'a toujours pas trouvé une solution satisfaisante pour les spécialités à risque, notamment les obstétriciens ; le secteur optionnel qui empoisonne encore les relations entre le gouvernement, l'assurance-maladie et les spécialistes (surtout les chirurgiens) depuis 2004 ; le DMP dont Philippe Douste-Blazy avait escompté de 6,5 à 7 milliards d'euros d'économies «d'ici à 2007», avait-il dit en 2004, (un raisonnement que n'a pas fait sien Xavier Bertrand) et qui ne sera pas mis en oeuvre avant 2008... Sans oublier l'hôpital, qui, malgré les belles déclarations et les plans successifs (Hôpital 2007 hier, Hôpital 2012 demain), n'est pas dans sa meilleure forme.
Autant de cailloux dans le jardin du ministre. Ce qui n'altérera pas sa bonne image et sa notoriété auprès du corps médical qui, à une large majorité, considère qu'il a été un bon ministre de la Santé.
Mission accomplie donc, pour Xavier Bertrand, qui aura réconcilié les médecins avec la droite et refermé les plaies du plan Juppé. Reste à Philipe Bas, qui prendra sa suite pour quelques semaines, à conforter cette image et à fermer les derniers dossiers. Sans doute avec moins d'éclat, tant l'homme est différent.
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