Souvent, l'infarctus n'est évoqué que lors de l'ECG (photo BSIP)
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Comme le rappellent les auteurs, l'étude de Framingham a montré que dans 25 % des cas le diagnostic d'infarctus n'est évoqué qu'après lecture de l'ECG. Dans la moitié de ces cas-là, l'infarctus est réellement silencieux ; dans les autres, il existe des symptômes mais ils sont atypiques.
L'équipe de M. F. Dorsch (pour l'EMMACE* Study Group) s'est intéressée aux cas d'infarctus symptomatiques mais sans douleur thoracique, vus dans vingt hôpitaux britanniques (Yorkshire). Parmi 2 096 sujets ayant un infarctus myocardique confirmé, 421 (20,2 %) n'avaient pas de douleur thoracique. L'infarctus n'était toutefois pas silencieux puisque les patients avaient été vus pour divers symptômes : dyspnée (31,8 %), collapsus (16,2 %), gêne non douloureuse de la partie supérieure du corps (13,1 %), arrêt cardiaque (10,5 %), manifestations neuropsychiatriques (5,96 %), transpiration (2,4 %), nausées/vomissements (2,1 %) et sensation de malaise non spécifique (14 %).
Des sujets plus âgés et plus souvent de sexe féminin
Par rapport aux patients ayant des douleurs thoraciques, les sujets symptomatiques mais sans douleur étaient plus âgés (76,6 ans versus 69,1 ans ; p < 0,001), étaient plus souvent des femmes (54,6 % contre 35,3 % ; p < 0,001) et avaient plus souvent un antécédent d'insuffisance cardiaque que les autres (18,6 % contre 6,9 %). Il y avait davantage de diabétiques dans le groupe sans douleur. Les sujets sans douleur avaient une mortalité bien plus élevée que les autres :
- à trente jours : 49,2 % contre 17,9 % ;
- à un an : 61 % contre 26,2 %).
Comment expliquer cette surmortalité ? Au moins en partie, par une différence de prise en charge : les patients sans douleur étaient moins souvent pris en charge dans une unité de soins intensifs (p < 0,001), étaient moins souvent inclus dans un programme de réhabilitation coronaire (p < 0,001), étaient moins souvent suivis par un cardiologue (p < 0,001), avaient moins souvent une coronarographie (p = 0,03). Ils avaient aussi un peu moins de chances d'avoir une procédure de revascularisation mais la différence n'est pas significative (p < 0,201). Enfin, ils avaient moins de chances d'avoir un traitement de sortie par aspirine (p < 0,001) et bêtabloquants (p < 0,001) en prévention secondaire.
Un mauvais profil de risques
« La mortalité précoce et tardive était presque doublée chez les patients sans douleur. La plupart des différences semblent expliquées par le profil de facteurs de risque des patients sans douleur, indiquent les auteurs. En moyenne, ce groupe était plus âgé et avait plus souvent une histoire d'insuffisance cardiaque congestive ou des signes de dysfonction ventriculaire gauche. Ce groupe avait tendance à comporter davantage de diabétiques. Tous ces facteurs ont déjà été associés à un risque accru de décès. »
« Un autre fait intrigant est que le groupe des patients sans douleur est moins à même de recevoir des stratégies de traitement et de prise en charge dont les bénéfices sont prouvés. »
« Une présentation atypique de l'infarctus du myocarde sans douleur thoracique, concluent les auteurs, est fréquente et associée à une mortalité accrue. Cela peut résulter en partie d'un manque d'utilisation des stratégies thérapeutiques bénéfiques. »
« Heart », 2001 ; 86 : 494-8.
* EMMACE : Evaluation of Methods and Management of Acute Coronary Events.
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