Évaluation

Le management par les talents

Publié le 26/03/2012
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Pour toute organisation, la nécessaire adaptation à un environnement professionnel complexe et mouvant, rend de plus en plus difficile le management d’équipe. L’hôpital n’échappe pas à ce contexte : les réformes et les incertitudes liées aux changements des pratiques d’évaluation de la performance hospitalière engendrent pour les équipes soignantes des défis inédits dont la réussite est liée au degré de cohésion et d’implication des acteurs.

Du besoin des entreprises de favoriser leur croissance en se concentrant sur les personnes qui créent le plus de valeur ajoutée, est née cette tendance nouvelle que sont la recherche et la gestion des talents.

L’enjeu est d’identifier les talents présents dans l’équipe qui sont ou seront nécessaires à la réussite d’un projet ou d’un changement et de les combiner afin d’augmenter l’implication et la motivation des personnes. En d'autres termes, il s’agit de développer une approche qui valorise l’humain et mobilise ses points forts au bon moment. Cette stratégie repose sur l’observation et le dialogue ; elle responsabilise davantage le salarié.

La gestion des talents, un thème émergent en GRH

La gestion des talents compense les limites de l’approche compétence, parce qu’elle répond aux préoccupations, aux aspirations et aux valeurs actuelles, qui ont changé par rapport à celles des générations précédentes.

L’évolution dans la hiérarchie n’étant plus la principale source de reconnaissance, ainsi, le « nouveau manager » devra aider son équipe à entretenir ou à atteindre les conditions de son épanouissement, plutôt qu’à gravir les échelons. Il devra, en cernant les talents de ses collaborateurs, encourager leurs aspirations et leurs initiatives et leur offrir un espace d’exploration. La dynamique entre le salarié et le manager, entre l’évalué et l’évaluateur, s’en trouvera modifiée favorablement.

Mieux vaut travailler ses points forts que s’acharner à travailler ses points faibles

Comment trouver dans notre activité professionnelle une satisfaction durable et atteindre l’excellence ? Nous devons avant tout comprendre ce qui fait de chacun de nous un individu unique, car nos meilleures chances de développement et d’épanouissement résident dans les domaines où nous possédons les meilleurs atouts.

« Peu d’entre nous savent quels sont véritablement leurs talents et leurs points forts », affirme Yva Doually, cadre expert, cadre supérieur de santé et coach professionnel certifié. Il est vrai que la plupart du temps, nous sommes plutôt conscients de nos faiblesses, auxquelles on nous enjoint de remédier. « Or l’objectif n’est pas de posséder une multitude de points forts, mais d’exploiter ceux que nous nous connaissons », ajoute Yva Doually.

Notre personnalité serait donc un immense gisement de productivité et de satisfaction personnelle qu’il suffirait de savoir explorer pour identifier nos points forts. À l’inverse de nombreuses théories de développement personnel, les comportementalistes de l’institut américain Gallup proposent de miser sur nos talents. Leurs enquêtes sur le meilleur moyen de maximiser le potentiel des individus, conduites auprès de 3 millions d’individus dans 63 pays, ont abouti à une liste de 34 thèmes qui, au travers de cinq moteurs dominants de la productivité, définissent les talents humains. Cette liste de talents est une base de travail visant à progresser de façon gratifiante, puisque chacun de nous en posséderait au minimum cinq.

Le paradoxe du plaisir au travail

Peut-on éprouver du plaisir au travail ? Dans le contexte hospitalier mouvant que nous connaissons, où l’interrogation domine, les deux termes semblent antinomiques. En effet, la notion de plaisir renvoie à la jouissance et à l’intime, par opposition au travail qui évoque plutôt la contrainte et le collectif. Mais si le travail est l 'opportunité de satisfaction, en créant le sentiment d’exister, alors il devient également source de plaisir et d’engagement : la prise de responsabilité par exemple donne du sens à l’action ; travailler ensemble offre l’écho d’une reconnaissance personnelle. La fonction la plus « ingrate » peut prendre alors une tout autre dimension.

« Les prédispositions des individus sont détectables dès l’enfance : on les observe dans les comportements des tout-petits face à une situation donnée », affirme Yva Doually.

Les trois C du manager : cadrer, conduire, conclure

Au sein de toute organisation, la gestion des équipes renvoie au juste positionnement du manager et à sa légitimité en tant qu’encadrant. Le management du changement, par exemple, parce qu’il est source d’insécurité, ne reçoit généralement pas l’adhésion unanime. À l’hôpital en particulier, le système est composé de multiples facteurs aux logiques différentes et le changement ne revêt pas la même signification, selon la logique dans laquelle on se situe.

Dans quelle mesure un manager peut-il s’appuyer sur la résistance au changement pour conduire ce changement ?

À la condition de mener une démarche d’analyse de l’intelligence collective (définie comme la capacité cognitive résultant des interactions entre les individus mobilisés autour d’un même objectif), l’énergie contenue dans les objections et oppositions peut être mobilisée au profit du projet collectif.

Il appartient donc au cadre dirigeant de conscientiser les capacités, les talents généralement banalisés de chacun, y compris les siens propres, et de les intégrer dans sa pratique managériale pour renforcer ses capacités à dynamiser et à fédérer l’équipe.

« Connais-toi toi-même »

En conclusion, l’un des secrets de la réussite et du bonheur dans le travail résiderait dans la recherche des talents comme activateur de la motivation et marque de reconnaissance des compétences de chacun.

L’incitation à s’interroger sur soi-même ne s’impose donc pas moins aux temps modernes qu’à Socrate en son temps.

Sylvie Favier

Source : Décision Santé: 283