DIRIGEANTS, responsables des ressources humaines, membres de comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, infirmières du travail, assistantes sociales ont été nombreux à répondre à l'invitation lancée par l'amSn, service de santé au travail interentreprises de Rouen. Cet accueil reflète bien la forte demande des entreprises, souvent démunies devant l'émergence des risques psychosociaux dans la sphère professionnelle. Stress, harcèlement, souffrance, mal-être, pénibilité, violences… sont entrés dans l'entreprise et l'ampleur de cette incursion ne cesse de croître. L'évolution est suffisamment inquiétante pour que les pouvoirs publics diligentent un rapport sur le sujet ; ce dernier confirme l'importance de ce phénomène de société. L'image obtenue est assez négative, mais pour autant des modèles explicatifs existent et des solutions pour anticiper (et ne pas seulement réparer) sont proposées par les spécialistes de la question. Des médecins du travail et la psychologue de l'amSn ont tenu, lors de ce colloque, à recadrer le vocabulaire usité et y associer les principaux «maux» générés par ces «mots».
Stress : halte aux idées reçues.
L'Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail définit le stress professionnel comme «la conséquence d'un déséquilibre entre ce que l'on demande de faire à une personne et les ressources dont elle dispose pour y répondre». Il induit habituellement des états d'asthénie, des troubles du sommeil ou des syndromes dépressifs. Mais le corps n'y échappe pas. Des pathologies cardio-vasculaires ou musculo-squelettiques peuvent être attribuées à l'exposition chronique au stress.
Il faut se débarrasser des idées reçues :
– le stress au travail n'est pas une affaire personnelle ;
– il n'est pas le fait de personnes fragiles ;
– une organisation de travail peut être structurante ou à l'inverse déstructurante ;
– chacun peut souffrir de stress à un moment de sa vie professionnelle, personne n'est à l'abri, tous niveaux hiérarchiques confondus ;
– le travail n'est pas fondamentalement stressant ;
– il n'y a pas de bon et de mauvais stress, mais du stress aigu ou chronique ;
– se motiver, se dépasser et avancer ne sont pas synonymes de stress.
De l'incivilité aux agressions physiques.
Les violences externes regroupent «les insultes, les menaces, les agressions physiques ou psychologiques exercées contre une personne sur son lieu de travail par des personnes extérieures à l'entreprise (y compris le public, les clients ou les usagers) et qui mettent en péril la santé, la sécurité et le bien-être du salarié». Elles retentissent sur l'état psychologique sous forme d'angoisses, d'appréhensions à se rendre au travail, de perte de motivation ou d'investissement pouvant aller également jusqu'à la dépression. Les actes violents à caractère inopiné associés à un sentiment de mort imminente (comme un hold-up) constituent une entité particulière. Des symptômes immédiats de choc émotionnel (stupeur, prostration, cris, agressivité…) sont souvent suivis de troubles anxiodépressifs, de phobies, d'insomnies ou de cauchemars. Il n'est pas rare de voir s'installer un état de stress post-traumatique caractérisé par des comportements agressifs ou des conduites addictives.
Tout aussi délétères sont les violences psychologiques entre les membres du personnel d'une même entreprise. Elles trouvent souvent leur origine dans l'intensification des tâches et la compétitivité, et aboutissent à l'isolement du salarié.
Le harcèlement moral : entre fantasme et réalité.
Le harcèlement moral correspond à «des agissements (de l'employeur, d'un cadre ou d'un collègue) qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail qui sont susceptibles de porter atteinte aux droits de la personne et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel».
La victime compense alors par une hypervigilance au travail pour éviter toute erreur professionnelle ou une hyperactivité défensive pour contrer les dénigrements sur son travail ou la remise en cause de ses compétences. Anxiété et troubles du sommeil inaugurent habituellement cette situation. Ils sont suivis de terreur à l'idée d'aller travailler, d'idées suicidaires, de cauchemars avec scènes d'humiliation, voire troubles de la personnalité ou dépressions graves si le harcèlement perdure.
Ne pas confondre le harcèlement moral avec :
– des pratiques managériales autoritaires (exigences excessives ou inadaptées à la situation) ;
– les exigences de qualité et de productivité ;
– les agressions ponctuelles ;
– les mauvaises conditions de travail ;
– les évaluations ou les remarques constructives sur le travail.
Dans leurs pratiques, les médecins du travail sont confrontés quotidiennement à ces manifestations de souffrance morale en lien avec le travail. Mais rappelons ici que, bien que tous ces maux fassent référence à des observations issues du milieu professionnel en entreprise, ils touchent, de la même façon, les professionnels de santé et notamment les médecins en exercice libéral…
Conférence tripartite
Le stress, et plus largement les risques psychosociaux au travail, sont au centre de la conférence sur les conditions de travail qui réunit aujourd'hui l'État, le patronat et les syndicats. Elle s'appuiera sur le rapport remis en mars à Xavier Bertrand par le Dr Patrick Légeron et l'économiste Philippe Nasse, qui préconise, entre autres, une expérience pilote de prévention du stress dans la fonction publique, le recensement des suicides au travail et la formation au repérage des problèmes des DRH, des managers, des médecins du travail et des représentants du personnel.
Le Bureau international du travail évalue à 3-4 % du PIB le coût pour les entreprises des maux liés au stress, facteurs d'absentéisme et de turnover importants.
La conférence doit aussi aborder le rôle de la médecine du travail, accusée par certains de ne pas jouer son rôle en matière de prévention des risques et de manquer d'indépendance.
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