Idées
Ici, nous voyons un patron qui houspille sa secrétaire toute la journée, elle n'a pas apporté le bon dossier, visiblement c'est une « gourde » ; mais le soir venu, il lui rappelle à quel point elle est précieuse à leur collaboration. Là, une femme crible son mari de remarques dévalorisantes, lente mise à mort qui le conduira au suicide. De cette progressive destruction d'un être humain par un autre, Yves Prigent dévoile les mécanismes et le résultat.
Le but du pervers est de couper l'autre de ce qui lui est cher : aimez-vous tel romancier, il vous expliquera qu'il n'écrivait en fait que pour payer ses dettes. Il faut aussi atteindre l'autre dans ce qu'il a de symbolique : le sens du jugement chez un magistrat, le courage du soldat, le style de l'écrivain. « On met en cause ce qui les fait être, dit l'auteur c'est-à-dire parler et désirer, dans ces grands flux de langage qui leur préexistent et qui leur survivront, c'est-à-dire leur humanité. » Car tel est le but du bourreau : séparer l'homme de toute humanité, en faire un pantin affolé, en proie à ce que l'auteur nomme un état de sidération psychique qui souvent le conduira au suicide ou dans l'un de ces états post-traumatiques que la psychiatrie classe dans son DSM IV.
On le voit, il s'agit de tout autre chose que du simple chagrin, car « l'effet du Mal tel qu'on le ressent relève de la douleur absolue, c'est-à-dire de l'épreuve insupportable sans visage, sans mots... » Pourquoi sans visage ? Alors qu'il y a si souvent dans les exemples donnés un persécuteur précis, et que Prigent fait un portrait de la personnalité perverse ? Ne prête-t-il pas au Mal une transcendance un peu chrétienne qui le lierait à la finitude humaine ?
En tout cas, un livre dérangeant, qui établit vers la fin une distinction intéressante entre la morale qui donne un cadre général, et l'éthique qui est appel au respect et à la dignité de l'homme. Comme le droit, la morale est insuffisante : à la suite d'un divorce, l'un des ex-conjoints peut manipuler l'enfant dont il a la garde, tout en restant dans le cadre du droit et de la morale.
Reste un dernier aspect, insuffisamment scruté : pourquoi devient-on sadique ?
Desclée de Brouwer, coll. « Psychologie », 257 p., 19,50 euros.
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