Le maïs transgénique n'atteint pas les papillons monarques

Publié le 19/09/2001
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« Ces articles montrent que l'on ne peut pas faire de généralités sur les organismes génétiquement modifiés, explique au « Quotidien » Denis Bourguet, chercheur à l'Institut national de la recherche agronomique (INRA). Tous n'expriment pas la même toxine. Il faut prendre en compte l'expression intérieure du pollen, l'événement, ainsi que l'endroit où sont plantées les cultures », commente-t-il à propos de six articles publiés récemment par la revue « Proceedings of the National Academy of Science »*, qui concluent que le papillon monarque aurait finalement peu à craindre des toxines insecticides produites par le maïs transgénique Bt pour se protéger d'un insecte ravageur, la pyrale.

Il y a deux ans, une étude de la revue « Nature » avait pourtant jeté le trouble dans le monde de l'agrochimie (« le Quotidien » du 26 mai 1999). Menée par une équipe américaine de l'université de Cornwell, à New York, elle tendait à démontrer le danger mortel du maïs transgénique Bt (du nom de la bactérie qu'il produit, Bacillus thuringiensis) pour les monarques, papillons migrateurs fort appréciés aux Etats-Unis et au Canada.
Au cours d'un essai en laboratoire, l'équipe de chercheurs avait découvert que des chenilles du papillon, élevées sur des feuilles de laiteron (plante dont les tiges et les feuilles contiennent un latex blanc) enduites de pollen de maïs transgénique, « se nourrissaient moins, avaient un développement plus lent et souffraient d'une plus forte mortalité que les chenilles élevées sur des feuilles de pollen de maïs non modifié ou de feuilles sans pollen ». Quelques jours après la publication de ces résultats, qui avaient été très vite repris par les pourfendeurs des OGM, le Pr John Losey, coordinateur de l'étude, avait pris la peine de préciser qu' « il serait déplacé de tirer des conclusions sur le risque pour les populations de papillons monarques en milieu naturel simplement sur la base de résultats préliminaires ».
Les six articles qui viennent d'être publiés dans la revue de l'Académie des sciences américaine honorent cette prudence.

Plusieurs variétés

Les chercheurs ont tout d'abord évalué la concordance entre la période de pollinisation et la présence des larves de monarques dans les champs. Ils ont ensuite mesuré la concentration des grains de pollen transgéniques sur les feuilles de laiteron. Plusieurs variétés de maïs ont été étudiées : le Mon 810 et le Bt 11 ainsi que le Bt 176. Pour les deux premières, la concentration minimale pour observer un effet sur les larves de lépidoptère était de 1 000 grains par centimètre carré. En revanche, le Bt 176 semble néfaste à des concentrations de 5 à 10 grains, ce qui implique la possibilité d'un « impact significatif » en conditions réelles.
Pour Denis Bourguet, cette différence entre les variétés de maïs n'est pas un hasard. « Le Bt 176 a été le premier commercialisé, reprend-il. De toute façon, cette variété n'était pas très active contre la pyrale. Les autres constructions de maïs ont une toxicité moindre. »
Les chercheurs ont enfin calculé la probabilité pour les larves d'être exposées à ces pollens. L'opération a été faite pour l'Etat de l'Iowa : 2,1 % des larves pourraient y ingérer les grains toxiques et 0,41 % risqueraient d'en ressentir les effets. Les projections indiquent que si l'ensemble des récoltes étaient représentées par la variété 176, quelque 6,1 % de la population de monarques seraient menacés. Mais cette proportion tombe à 0,05 % avec les variétés moins toxiques. Les chercheurs concluent donc que « la population de monarques potentiellement exposée à des niveaux toxiques de pollen transgénique est négligeable et diminue, dans la mesure où la variété 176 - qui représente moins de 2 % des plantations de maïs - sera abandonnée en 2003 ».
Toutefois, certains notent que les papillons monarques pourraient indirectement être touchés par les cultures OGM. En effet, certaines variétés sont conçues pour résister à des herbicides totaux qui éradiquent totalement les mauvaises herbes dont le laiteron, nourriture de prédilection de ces papillons.

La nécessité d'études plein champ

Comme le souligne Denis Bourguet, si la publication des ces six articles ne clôt pas le débat sur les OGM, elle a pourtant l'avantage de montrer la nécessité de poursuivre les expérimentations. « On ne peut pas déduire l'impact réel en population naturelle d'études effectuées en laboratoire, ajoute-t-il. On ne peut donc pas se passer des plantations en plein champ. Ces articles montrent que l'exposition des papillons aux niveaux de toxiques de pollen transgénique est négligeable. Mais cela ne veut pas dire que l'effet est nul. Cet effet peut être faible. On ne pourra jamais dire que celui-ci est égal à zéro. » Tout est question de doses. Comme pour les résidus de pesticides contenus dans les fruits ou dans les légumes, les doses ne sont pas assez importantes pour qu'il y ait un danger à court terme. Mais personne ne peut être sûr de ce qui se passera à long terme.

*PNAS, version électronique.

Stéphanie HASENDAHL

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6971