DES CHERCHEURS de l'Inserm viennent de découvrir un nouveau mécanisme impliqué dans la croissance tumorale et dans la formation des métastases. Dans un modèle murin, ils ont mis en évidence la capacité de certaines cellules tumorales à provoquer l'agrégation des plaquettes et la production subséquente d'un lipide bioactif naturel, l'acide lysophosphatidique (LPA). Relargué dans le microenvironnement tumoral, ce lipide va enclencher des voies de transduction cellulaire qui accélèrent la progression tumorale.
La fixation d'une molécule de LPA sur l'un de ses récepteurs conduit à l'activation de voies de transduction impliquées dans des processus biologiques très variés. Le LPA aurait notamment la capacité de moduler la prolifération, la migration et la survie d'un grand nombre de cellules.
La progression du cancer du sein.
De plus en plus de données suggèrent que le LPA joue un rôle dans le développement et la progression des cancers gynécologiques, de la prostate et des mélanomes. Cependant, la nature des mécanismes par lesquels le LPA agit au cours de la progression tumorale reste assez mal définie. Boucharaba et coll. ont choisi de focaliser leur attention sur l'effet du LPA dans la progression du cancer du sein.
Dans ce but, les chercheurs ont utilisé une lignée cellulaire tumorale très particulière : ces cellules qui dérivent d'une tumeur mammaire humaine ont en effet la propriété de surexprimer l'un des récepteurs du LPA (le récepteur LPA1). In vitro, cette caractéristique les rend particulièrement sensibles à l'effet mitogène du LPA.
En greffant ces cellules à des souris, Boucharaba et coll. ont observé que, in vivo, la surexpression du récepteur à LPA est associée à une augmentation significative de la croissance tumorale et à l'induction de la formation de métastases osseuses. Ce phénomène suggère que du LPA produit dans le microenvironnement tumoral doit stimuler la division des cellules tumorales et favoriser la formation des métastases.
Restait à déterminer l'origine du LPA agissant sur les cellules tumorales. Les chercheurs ont commencé par vérifier si les cellules cancéreuses ne synthétisaient pas elles-mêmes ce LPA. Mais ce n'était pas le cas. La deuxième piste à explorer était celle des plaquettes. Diverses études ont en effet déjà suggéré que les plaquettes pouvaient produire du LPA localement, à proximité de cellules cancéreuses.
Un important relargage de LPA.
Boucharaba et coll. ont confirmé cette hypothèse : dans leur système, les cellules de tumeurs mammaires humaines semblent stimuler l'agrégation plaquettaire. Ce phénomène conduit à l'activation des plaquettes et il est suivi d'un important relargage de LPA. L'interaction du LPA relargué par les plaquettes avec les récepteurs LPA1 localisés à la surface des cellules tumorales conduit ensuite à la sécrétion d'IL6 et d'IL8, deux facteurs connus pour stimuler la résorption osseuse. L'ensemble de ce mécanisme favorise ainsi la formation des métastases osseuses.
Les chercheurs ont poursuivi leur étude en testant l'effet d'une molécule qui inhibe spécifiquement l'agrégation des plaquettes (l'integriline). Comme attendu, il est apparu que, en empêchant la production plaquettaire de LPA, cette molécule réduit significativement la croissance tumorale et freine la formation des métastases osseuses. Un résultat identique a été obtenu sur des souris qui avaient reçu une greffe de cellules tumorale dérivant d'un cancer de l'ovaire.
Le travail de Boucharaba et coll. indique donc de manière convaincante que le LPA plaquettaire joue un rôle important dans la progression tumorale, en particulier dans les cancers du sein et de l'ovaire. Le recours à des antagonistes des récepteurs au LPA présents à la surface des cellules tumorales pourrait donc constituer une nouvelle stratégie antitumorale.
Boucharaba A. et coll., « J. Clin. Invest. », vol. 114, pp. 1714-1725.
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