Prévention des anévrismes aortiques chez la souris

Le losartan, un espoir dans le syndrome de Marfan

Publié le 06/04/2006
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«DÈS LORS QUE le losartan pourrait être utilisé dès maintenant dans des situations désespérées, la prochaine étape est d’effectuer une étude clinique bien contrôlée chez les sujets atteints d’un syndrome de Marfan», explique au « Quotidien », le Pr Harry Dietz, généticien et cardiologue à l’université de Johns Hopkins, qui a dirigé ce travail. Il sera en effet important d’étudier l’innocuité de ce traitement chez l’enfant, et spécifiquement chez les sujets atteints du syndrome de Marfan.

Cette étude couronne plus de seize années de recherche de son équipe sur le syndrome de Marfan, années qui ont été marquées par la découverte de la cause génétique en 1991, puis le développement d’un modèle murin avec la collaboration du Dr Ramirez (université du New Jersey, New Brunswick).

«Il est extrêmement intéressant qu’un médicament existant se soit montré capable non seulement de traiter les problèmes du syndrome de Marfan, mais aussi d’interrompre la voie biologique qui les a précipités», ajoute pour sa part le Dr Daniel Judge (Johns Hopkins), l’un des cosignataires de l’étude.

Le syndrome de Marfan, une rare maladie génétique affectant le tissu conjonctif (1 personne sur 5 000), aurait affecté le président Abraham Lincoln.

Des mutations dans le gène de la fibriline 1.

Ce syndrome est causé par des mutations du gène de la fibriline 1, entraînant une insuffisance de cette protéine structurelle du tissu conjonctif.

Cela se traduit par divers troubles : squelettiques (grande taille, longueur des os, laxité des ligaments, scoliose), oculaires (déplacement du cristallin), pulmonaires (pneumothorax), cardio-vasculaires (anévrismes, prolapsus de la valve mitrale)... Le principal danger réside dans l’anévrisme disséquant de l’aorte, potentiellement fatal.

Le traitement actuel repose sur les bêtabloquants, la limitation de l’exercice, la surveillance échocardiographique régulière de l’aorte descendante, et la chirurgie aortique (pose d’une prothèse), lorsqu’elle est indiquée.

Le nouveau travail fait suite a de récents éclaircissements sur la pathogènes du syndrome de Marfan.

La régulation du TGF-bêta.

On a ainsi découvert que la fibriline 1 ne joue pas qu’un rôle structurel dans le tissu conjonctif, mais exerce une autre fonction importante en régulant le TGF-bêta, un facteur de croissance aux multiples influences sur les cellules. Le déficit en fibriline 1 induit une stimulation excessive du TGF-bêta.

De précédentes études prometteuses chez la souris Marfan ont suggéré que l’administration périnatale d’un agent neutralisant le TGF-bêta (anticorps monoclonal) peut prévenir le développement d’anomalies structurelles des poumons ou des valves cardiaques. Toutefois, l’administration de doses élevées d’anticorps anti-TGF-bêta était difficilement réalisable en clinique.

Dans le nouveau travail, publié par « Science », Habashi, Dietz et coll. montrent, tout d’abord, chez la souris Marfan (hétérozygote pour la mutation C1039G du gène Fbn1), que l’excès du signal TGF-bêta est associé au développement de l’anévrisme aortique.

Cette fois-ci, pour bloquer le TGF-bêta, les chercheurs se sont tournés vers un médicament : le losartan, un antagoniste du récepteur de l’angiotensine II de type 1 (AT1). Il a été montré récemment qu’il inhibe le TGF-bêta dans un modèle animal de la cardiomyopathie.

Ce choix était aussi attrayant car le losartan abaisse la TA, ce qui est souhaitable chez les patients porteurs d’un anévrisme aortique, et il est largement utilisé pour traiter l’hypertension artérielle de l’adulte et prévenir les AVC chez l’adulte et l’enfant.

Dans l’une des expériences, de jeunes souris Marfan (âgées de 2 mois) présentant déjà un anévrisme de l’aorte ont été réparties en trois groupes : non traitées, traitées avec un bêtabloquant (le traitement standard du syndrome de Marfan) ou traitées avec le losartan. Les doses de bêtabloquant et de losartan ont été ajustées de façon à obtenir le même effet antihypertenseur. Un quatrième groupe était composé de souris normales non traitées.

Au bout de six mois de traitement par losartan, la paroi aortique des souris Marfan était redevenue normale (architecture, taille). «Essentiellement, le système cardio-vasculaire des souris Marfan était guéri, tandis que le traitement par bêtabloquant ralentissait simplement la croissance aortique mais ne prévenait pas la pathologie aortique», précise le Pr Dietz.

Et d’autres types d’anévrismes ?

L’équipe envisage maintenant de déterminer si ces résultats peuvent avoir des implica- tions dans d’autres formes d’anévrisme de l’aorte. «En effet, au cours des deux dernières années, nous sommes parvenus, avec nos collègues de l’université de Gent (Belgique), à impliquer un excès du signal TGF-bêta dans deux autres syndromes d’anévrisme aortique, appelés syndrome de Loeys-Dietz et syndrome de distorsion artérielle», confie au « Quotidien » le Pr Dietz. «Cela pourrait concerner aussi d’autres formes non syndromiques d’anévrisme. »

Habashi et coll.« Science », 7 avril 2006, p. 117,

> Dr VERONIQUE NGUYEN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7936