« L 'INCIDENCE des infections nosocomiales varie selon les continents et les pays. Au sein même de chaque pays, des variations sont notées selon les hôpitaux et parfois selon les services hospitaliers examinés », rappelle le Pr Richard Wise (Birmingham). En Grande-Bretagne par exemple, environ 9 % des patients hospitalisés, soit près de 100 000 personnes, sont atteints chaque année d'infections nosocomiales causant directement la mort de près de 5 000 malades et contribuant au décès de 15 000 autres. Aujourd'hui, comme c'était déjà le cas dans les années cinquante, ce sont les bactéries Gram positives (staphylocoques, streptocoques et entérocoques) qui sont majoritairement en cause dans ces affections. En effet, si dans les années soixante-dix et quatre-vingt, les bactéries Gram négatif (E. coli, Klebsiella et Pseudomonas aeruginosa) étaient au devant de la scène, l'émergence de résistances des bactéries Gram positif aux antibiotiques couramment utilisés a transformé le paysage bactériologique hospitalier.
La prise de conscience des infectiologues vis-à-vis du problème des résistances bactériennes a conduit à la mise en place de protocoles d'utilisation des antibiotiques en milieu hospitalier. « Il est actuellement admis qu'un traitement antibiotique approprié est la base du traitement des infections nosocomiales. Le choix des molécules employées doit être guidé par l'isolement et l'antibiogramme des germes en cause », rappelle le Pr Wise.
Mais ces examens bactériologiques demandent généralement 72 heures pendant lesquelles il est mis en place un traitement antibiotique en se fondant, de façon empirique, sur les germes le plus souvent rencontrés dans les infections en cause.
Ne pas relâcher les efforts de prévention
Au cours des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, les molécules le plus utilisées pour traiter les infections nosocomiales ont été les bêtalactamines, les aminoglycosides, les fluoroquinolones, le métronidazole et les macrolides. Mais, récemment, les bactéries Gram positif ont développé des résistances à la plupart de ces médicaments. C'est pour cette raison que les infectiologues se sont tournés vers les glycopeptides (connus depuis 1959), les streptogramines (synthétisées au début des années soixante) et plus récemment vers une nouvelle famille, les oxazolidinones dont le premier représentant, le linezolide, sera bientôt mis sur le marché en France.
« Mais la mise sur le marché d'un nouvel antibiotique ne doit pas inciter les médecins à réduire leurs efforts de prévention », a expliqué le Dr Dominique Monnet (Copenhague, Danemark). En effet, on ne peut pas exclure que des résistances se développent aussi, tôt ou tard, contre cette nouvelle classe d'antibactériens. « La seule stratégie payante à long terme reste donc la prévention, tant les bactéries se révèlent ingénieuses à l'arrivée de toute nouvelle thérapie », insiste l'infectiologue. On sait en effet que le même processus se répète de façon systématique dans le monde bactérien : dans un premier temps, le simple fait d'administrer une substance antibactérienne entraîne l'élimination des bactéries qui y sont sensibles et laisse subsister des souches naturellement résistantes qui, dès lors, se multiplient sans obstacle. Par ailleurs, au contact d'un antibiotique, les bactéries développent rapidement des résistances contre lui, par exemple en produisant des enzymes capables d'inactiver l'antibiotique. Enfin, elles peuvent transmettre cette capacité à leurs voisines grâce à des fragments de matériel génétique - plasmides ou transposons).
Pour le Dr Monnet, « le Danemark pourrait représenter un exemple facilement reproductible de stratégie efficace dans la lutte contre le développement des résistances aux antibiotiques ». Dans ce pays, en effet, on rencontre moins de 0,5 % de staphylocoques dorés résistants à la méthycilline contre 30 % au moins au sud de l'Europe. Le secret ? Depuis vingt-cinq ans, on y respecte probablement mieux qu'ailleurs les mesures d'hygiène dans les milieux hospitaliers et surtout on y exerce un contrôle très strict sur la prescription des antibiotiques. L'infectiologue danois souligne qu'il est maintenant essentiel non seulement de mettre en place des réseaux internationaux de surveillance du phénomène (une vingtaine est déjà mise en place), mais surtout d'en harmoniser les procédures et la méthode. Combinée à l'arrivée de nouvelles substances antibactériennes prometteuses, cette approche rationnelle pourrait permettre de sortir un jour de ce qui reste encore un cauchemar pour les médecins.
« The treatment of Infections Acquired in Hospital : Towards a Rational Approach », un symposium organisé par les Laboratoires Pharmacia.
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