PLUS DE 33 % des femmes, contre seulement 20 % des hommes, de plus de 65 ans développent une maladie d’Alzheimer. Et, à 80 ans, le risque d’être atteint est plus que doublé dans le sexe féminin. «Si, pour analyser ces chiffres, il faut, bien entendu, tenir compte de l’espérance de vie de chacun des sexes, il faut aussi reconnaître que, à âge égal, les femmes sont plus souvent atteintes. C’est pour cette raison que les neurologues ont émis l’hypothèse d’une influence hormonale sur la survenue de certaines pathologies neurodégénératives», déclare le Pr Jacques Touchon (CHU Montpellier, Inserm E361). Des expériences animales ont prouvé qu’une privation brutale d’estrogènes après castration chimique entraîne un déclin de la mémoire associative et verbale ; mais ce déclin est réversible après la réintroduction d’estrogènes. D’un point de vue histologique, la supplémentation estrogénique est à l’origine de phénomènes neurotrophiques et neuroprotecteurs : majoration de la plasticité synaptique, effet direct sur certains neurotransmetteurs, baisse de la formation de complexes bêta-amyloïdes à partir de leur précurseur protéique et, enfin, modulation, dans des zones déterminées du cerveau, des variations du métabolisme glucidique.
Ces données préliminaires ont conduit à des études sur l’homme. Un récent travail de neuro-imagerie a permis de prouver que la supplémentation en estrogènes influence le niveau d’activation des neurones au cours des processus de mémorisation, majore le flux sanguin et module le métabolisme glucidique des régions temporales. La pratique répétée d’IRM fonctionnelles a montré que les estrogènes influent sur l’activité neuronale, plus particulièrement dans les zones anatomiques concernées précocement par la maladie d’Alzheimer.
Discordance.
En dépit de ces données neurologiques pourtant très prometteuses, les études cliniques qui ont été mises en place n’ont pas permis de prouver l’effet protecteur des estrogènes sur les affections neurodégénératives, explique le Pr Touchon. Plus de quarante essais ont déjà été publiés, et leurs résultats ne sont pas toujours concordants.
Ainsi, des études de prévention primaire ont conclu à une diminution du risque chez les femmes traitées par THS, et une métaanalyse incluant dix études, dont huit études-cas et deux études prospectives observationelles, a montré que le risque de maladie d’Alzheimer était réduit de 29 % chez les femmes traitées. L’étude prospective Cache Study, qui analysait le rôle du THS dans l’apparition de la maladie chez les femmes de plus de 65 ans, concluait que la durée du THS était significativement liée à la réduction du risque. Cependant, cet effet n’était significatif que pour les femmes dont le THS était ancien, alors que, en cours de traitement, aucun effet n’était noté.
D’une façon générale, le risque était divisé par cinq lorsque le THS avait été prescrit pendant dix ans et qu’il avait été instauré précocement au moment de la ménopause. Ainsi est apparue une nouvelle donnée importante : le THS serait surtout bénéfique au moment de la ménopause lorsque la déplétion en estrogènes a potentiellement les effets les plus délétères sur les neurones, alors que cette action s’atténuerait quelques années plus tard.
«Les études prospectives contrôlées obligent à pondérer ces résultats. En 2003, l’étude WHIMS (Women’s Health Initiative Memory Study) a conclu à une absence d’amélioration des fonctions cognitives sous THS. L’incidence de la démence était même deux fois plus importante chez les femmes sous traitement hormonal: 40cas dans le groupe traité, contre 21 dans le groupe témoin (soit 23 cas supplémentaires pour 10 000 personnes traitées) », poursuit le Pr Touchon. Ces résultats étaient assez inattendus, car les différentes publications déjà existantes montraient plutôt l’inverse. Toutefois, dans l’étude WHIMS, les cas de démence apparaissent dès la première année. Le rôle des AVC asymptomatiques, plus fréquents dans le groupe traité par estroprogestatifs, a été évoqué : les lésions vasculaires auraient aggravé les lésions neurodégénératives préexistantes.
Pour le Pr Touchon, «il est actuellement exclu de recommander un THS pour protéger de la maladie d’Alzheimer, mais il reste possible qu’un traitement estrogénique substitutif puisse limiter l’effet délétère sur les fonctions cognitives de la chute estrogénique de la ménopause. La durée et les doses optimales du traitement doivent encore être précisées».
Un travail Inserm
Selon une étude menée à l’Inserm de Montpellier et publiée dans le « BMJ » le 1er février 2006, la prescription d’anticholinergiques pourrait provoquer un déficit cognitif léger chez certaines personnes âgées. Sur les 372 sujets âgés de plus de 60 ans, et indemnes de démence, qui ont été interrogés, environ 10 % (soit 30 personnes) prenaient régulièrement au moins un anticholinergique. Près de 80 % de ces utilisateurs réguliers – 24 personnes – étaient atteints de déficit cognitif léger, contre 35 % chez les non-utilisateurs. Ces sujets étaient atteints d’altération du temps de réaction, de la mémoire immédiate ou différée, du langage ou de l’apprentissage. Le suivi sur huit ans n’a pas permis de conclure à une association entre la prise d’anticholinergiques et le risque de démence. «Cette interaction doit être recherchée, en particulier chez les femmes traitées pour des troubles de la continence vésicale», précise le Pr Touchon.
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