AU COMMENCEMENT de cet important travail, le cardinal Alfonso Lopez Trujillo, président du Conseil pontifical pour la famille, pose un diagnostic : la morale contemporaine souffre d'un « obscurcissement », dont l'un des symptômes les plus courants est « la confusion des termes poussée jusqu'à la dégradation ». Selon le patron de ce décastère (ministère du gouvernement du Vatican), la mutation sémantique et l'altération forcée du sens iraient de pair avec le vide anthropologique de notre époque.
Président de la conférence des évêques de France, Mgr Jean-Pierre Ricard explique que le projet d'éditer un lexique pour expurger « les double sens et les ambiguïtés » a germé en 1994, à l'occasion de la Conférence internationale du Caire sur la population et le développement, lorsque des observateurs catholiques ont pris conscience des « manipulations de langage » propres à égarer le public non averti. Le projet initial d'éditer un petit bulletin de décryptage a vite dérapé. Il est en effet apparu nécessaire au magistère d'éclaircir les choses au-delà de la simple phraséologie. Une soixantaine de thèmes ont pour ce faire été répertoriés : des thèmes très actuels, présents dans les débats de société sur la famille (procréation, santé de la reproduction, avortement, couple, mariage, homosexualité) ; sur la vie (démographie, euthanasie, statut de l'embryon, qualité de vie, génomique, sexe sûr) ; sur les questions de bioéthique en général (biotechnologies, comités de bioéthique, consensus informé, moindre mal).
Les auteurs des différents chapitres passés en revue - psychologues, sociologues, théologiens, biologistes, géographes, médecins, juristes, etc. - se sont appliqués, les uns après les autres, à relier leurs sujets à une anthropologie qui se réclame de l'Evangile, contre ce qu'ils dénoncent comme autant d'idéologies. Ainsi, à l'idéologie qui revendique le « libre choix de l'orientation sexuelle », le lexique oppose « la dimension structurante de la différence de sexes » ; au féminisme qui refuse l'aliénation dégradante du mariage, il oppose « le féminisme sain épanoui dans l'amour conjugal » ; au « libre choix de la vie : l'option pro-choice », il oppose le droit à vivre de l'enfant ; à la revendication de l'euthanasie et du « droit à la mort », il oppose « le droit aux antalgiques et celui de demander l'interruption des soins désormais inutiles » .
Au fil des pages, la pratique « funeste » des réductions embryonnaires lors de la procréation artificielle est dénoncée, comme est stigmatisée « la banalisation à l'extrême de de l'avortement par l'introduction de la mifépristone » (RU486).
Quant à la pratique « systématique et répétée » au long de la grossesse du diagnostic prénatal, elle est présentée comme responsable de la multiplication du nombre des avortements.
Amas cellulaire ou organisme autonome ?
Le lexique s'en prend encore à la manipulation qui a conduit à l'appellation « préembryon », qui désignerait un simple amas cellulaire, il affirme que l'embryon préimplantatoire, « loin de n'être qu'un ensemble de cellules interchangeables et juxtaposées, est un organisme autonome, qui envoie ses messages à l'organisme maternel dès sa conception, et prépare ainsi sa propre nidation ».
Jean Paul II déplorait la rupture entre l'anthropologie et l'éthique ; l'acte humain, selon le défunt pape cité en préface, est aujourd'hui systématiquement valorisé, non plus selon des principes objectifs, mais conformément à une réflexion purement subjective. Par sa prétention morale et sémantique, ce lexique ne manquera pas d'alimenter la controverse.
« Lexique des termes ambigus et controversés sur la famille, la vie et les questions éthiques », par le Conseil pontifical pour la famille, Pierre Téqui éditeur, 1 000 pages, 60 euros.
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