MOINS DE 17 % DU NOMBRE d'essais enregistrés entre 1998 et 2002 - 11 % sur la seule année 2003 : la France est en perte de vitesse sur le terrain de la recherche clinique. Or, comme le dit Pierre Le Sourd, président des Entreprises de médicament (Leem) : « Sans recherche clinique, demain, pas d'accès à des soins de qualité. »
Dans un secteur ultracompétitif, où les délocalisations, vers l'Europe de l'Est notamment, se multiplient en vue de réduire le coût des études, et où la France tarde à traduire en droit national la directive européenne qui donnerait plus de lisibilité aux promoteurs internationaux (« le Quotidien » du 21 mars), créer les conditions du maintien et du développement de la recherche clinique apparaît comme un enjeu clé. C'est tout le but de la démarche menée par Les Entreprises du médicament et les hôpitaux, qui ont compris que l'union faisait la force.
Vendredi, le Leem, les conférences des CHU, les conférences des centres hospitaliers et la FHF (Fédération hospitalière de France) ont donc signé un accord qui étend aux hôpitaux non universitaires le partenariat qui, depuis 2002, lie Les Entreprises du médicament aux CHU. Commentaire de Pierre Le Sourd : « 80 % de la totalité des lits disponibles se trouvent dans les centres hospitaliers ; leur adhésion apporte une contribution potentielle majeure » au dispositif de partenariat en vigueur depuis deux ans. Un partenariat dont l'objectif est double : améliorer l'environnement des essais cliniques promus par l'industrie pharmaceutique dans les hôpitaux, et fédérer tous les acteurs pour définir des propositions et lancer des initiatives communes.
Le délégué général de la FHF, Gérard Vincent, a souligné l'importance d'un tel partenariat, en rappelant combien l'hôpital est un allié précieux pour l'industrie pharmaceutique. L'hôpital dispose d'importantes files-actives de patients, d'un personnel médical et paramédical formé, expérimenté, et de plateaux techniques sophistiqués ; il traite des pathologies variées... Autant d'atouts fort utiles à la mise point de nouvelles molécules, a remarqué Gérard Vincent.
« Un facteur de dynamisme ».
L'extension du partenariat aux 570 centres hospitaliers aidera peut-être la France à recruter des volontaires - trop rares - pour les essais, « grâce à notre maillage et à nos cohortes de patients moins sélectionnés qu'en CHU », a pour sa part observé le Dr Francis Fellinger. Le président de la Conférence des présidents de CME de CH souhaite le développement des essais cliniques dans les établissements non universitaires : « C'est un facteur de dynamisme et d'attractivité pour les jeunes médecins. Inciter les médecins à s'investir dans les activités de recherche, et reconnaître cet investissement personnel, est essentiel. »
Les laboratoires et les hôpitaux signataires ont défini trois actions prioritaires pour les mois à venir : la structuration de réseaux professionnels d'investigateurs (ces médecins ne sont « pas assez disponibles et de qualité variable », d'après les signataires), le lancement d'une campagne d'information du grand public en juin pour vaincre les réticences des patients et de leurs familles vis-à-vis des essais, et la tenue d'assises nationales en novembre débouchant sur de nouvelles propositions visant à promouvoir la recherche clinique française.
L'accord s'accompagne de la création d'un fonds financé par le Leem : pour améliorer l'environnement des essais cliniques dans les hôpitaux publics, les entreprises membres de cette organisation vont verser aux CHU et aux CH une participation à hauteur de 7,5 % du total des surcoûts occasionnés par les essais cliniques, en plus du remboursement des moyens hospitaliers utilisés pour la réalisation de ces essais. Ce fonds pourrait notamment permettre de créer des postes d'ARC (attachés de recherche clinique) dans certains hôpitaux.
Repères
La recherche clinique recouvre trois domaines principaux : les médicaments (57 % des recherches nouvelles), la physiologie et la physiopathologie, et les dispositifs médicaux. En 2003, l'Affsaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) a enregistré 1 098 déclarations de lancements d'essais cliniques concernant des médicaments. Dans 71 % des cas, ces études ont été lancées par des entreprises. Les autres promoteurs peuvent être un établissement de soins, un centre de recherche public (Cnrs, Inserm), un prestataire de services spécialisés (CRO, organisation de recherche clinique) ou une association. Ces recherches portent sur les cancers dans environ 20 % des cas. Ainsi, en France, près de 30 000 malades atteints d'un cancer ont participé à une étude clinique en 2003.
Le système nerveux central fait également l'objet de nombreuses études ; 17,5 % des essais cliniques y ont été consacrés l'an dernier. Dans le domaine des innovations thérapeutiques, les partenariats entre les entreprises du médicament et les hôpitaux sont essentiels, et ne cessent de se développer. En 2001, plus de 4 000 conventions d'ouverture de centres coordonnateurs ou associés d'essais cliniques promus par l'industrie du médicament ont été signés dans les 29 CHU français. Quant aux hôpitaux non universitaires, ils conduisent 750 conventions d'essais par an en moyenne.
> D. CH.
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