Mobilisé dans l'infanterie alors qu'il est encore élève du Service de santé militaire de Lyon, l'aspirant Laby participe dès le début de la guerre aux combats de Champagne, avant de connaître les tranchées de Verdun, puis les batailles de la Somme et de l'Aisne. Plongé dans un univers de boue et de sang, il décrit les atroces blessures des agonisants, dont les plus chanceux ont pu rejoindre les postes de secours bondés où il opère sans relâche pendant des jours et des nuits.
Dans cette apocalypse de « cerveaux sortis du crâne, d'entrailles à l'air libre » et de « plaies du visage béantes, où l'on pourrait mettre les deux poings », Laby comprime des hémorragies à mains nues et voit ses meilleurs camarades mourir devant lui ; il ne referme ce journal terrible que le 14 juillet 1919, lorsqu'il participe au défilé de la Victoire. Il termine ensuite ses études de médecine en 1920 puis s'installe dans l'Aisne, où il meurt en 1982 à l'âge de 90 ans.
Le désir de vaincre
Son récit est d'autant plus précieux que les souvenirs de médecins « de première ligne » sont rares, contrairement à ceux publiés par des médecins de l'arrière affectés aux hôpitaux. Il témoigne aussi du patriotisme enflammé de ce jeune homme de 22 ans qui, comme ses camarades, reste animé, au plus fort des combats, par le désir de vaincre et la haine féroce de l'ennemi. Comme l'explique l'historien Stéphane Audouin-Rouzeau, dans sa préface, ce patriotisme explique comment les « poilus » ont pu tenir si longtemps dans de telles conditions. Rendu plus combatif encore par le martyre de ses hommes, Laby n'exprime aucune émotion à marcher, dans une tranchée prise à l'ennemi, sur « les cadavres élastiques des Boches crevés », ou quand il découvre « la bouillie de Boches » laissée par une salve d'artillerie. Il avoue clairement soigner les Français avant les Allemands et ne se montre guère ému lorsque ses infirmiers donnent du chocolat à des Allemands blessés à l'abdomen pour hâter leur fin.
Cet ouvrage, complété par les dessins et les croquis réalisés par l'auteur pendant des moments de répit, reflète donc la brutalité absolue d'une guerre qui a sombré dans le paroxysme de l'horreur ; il rappelle que pour bien des combattants, le seul moyen de survivre passait justement par une insensibilisation absolue à ces atrocités.
« Les Carnets de l'aspirant Laby », 28 juillet 1914-14 juillet 1919. « Médecin dans les tranchées », présenté par Stéphane Audouin-Rouzeau. Editions Bayard, 350 pages, 144 F (21,95 euros).
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature