IL Y A URGENCE. Après une campagne qui, pour beaucoup, a été une sorte de fête politique, il faut bien prendre les réalités du pays à bras-le-corps. De la même façon que le scrutin présidentiel a été « historique », par la forte participation, par la nature des enjeux, par la crise sociale profonde de la France d'aujourd'hui, le travail à accomplir est colossal.
La trilogie de l'insoluble.
Autant, dans ces conditions, ne pas perdre de temps.
Nous sommes collectivement face à une trilogie de l'insoluble : chômage, pouvoir d'achat, logement. Le gouvernement de Dominique de Villepin a compris que le logement présentait un problème à part entière parce que la hausse effrénée du prix de la construction et des loyers écarte chaque année des centaines de milliers de personnes de l'accès au logement décent.
On a cru longtemps que l'augmentation du niveau de vie entraîne naturellement l'accès au logement ; on s'aperçoit maintenant que l'impossibilité pour une famille de se loger confortablement provoque un cercle vicieux qui risque de fermer la porte à l'emploi et à la vie sociale. Il devient donc indispensable, dans de nombreux cas, de commencer par la fin, c'est-à-dire que l'Etat doit aider les familles à se loger pour un prix en rapport avec les revenus du foyer, pour maintenir le statu quo social de ces familles. Première décision importante : poursuivre le plan Borloo de construction de logements sociaux et peut-être le renforcer.
Garantir l'emploi.
Pour l'emploi, il nous semble qu'un redéploiement du financement par l'Etat de l'aide à l'emploi devrait permettre non seulement de créer des postes de travail qui coûteraient moins cher aux entreprises, mais de garantir à la personne embauchée que la collectivité ne la laissera pas tomber et lui assurera un revenu jusqu'à ce qu'elle retrouve un nouvel emploi ou qu'elle fasse une autre formation.
Ce qui rebute les gens, c'est le risque de perdre les aides qu'ils reçoivent dès qu'ils ont trouvé du travail, alors que ce travail peut être précaire. La garantie qu'ils seront aidés quoi qu'il arrive les encouragera à tenir bon ou à chercher un autre emploi. C'est le sytème inventé notamment par le Danemark et il a donné d'assez bons résultats.
Pour les retraites et la santé, il est irresponsable de croire qu'on peut conserver les systèmes en l'état si on n'en assure pas le financement d'une manière durable. Il est essentiel que le nouveau gouvernement élimine la notion de durée hebdomadaire du travail et de durée des carrières. Comme la semaine des 35 heures est très populaire, comme les entreprises elles-mêmes ne souhaitent pas détruire un cadre auquel elles se sont péniblement adaptées, il faut simplement rendre leur liberté aux entreprises et qu'elles fixent elles-mêmes le temps de travail après une négociation avec les salariés. Les cas de remise en cause des 35 heures seront rares, mais beaucoup de PME nouvellement créées seront contentes d'obtenir un surcroît de productivité.
La question des retraites ne peut être réglée que par la liquidation des régimes spéciaux et l'allongement des carrières. Tous ceux qui disent le contraire nous mentent effrontément. Les lois Fillon sont bonnes mais elles seront insuffisantes à long terme. Le rendez-vous fixé en 2008 pour réviser le contenu des dispositions doit être tenu. Il n'y aura pas de gouvernement crédible dans ce pays qui n'exigera pas du peuple un effort accru, pourvu que cet effort soit équitablement partagé.
La notion de régime spécial ne doit d'ailleurs pas disparaître. Elle doit être appliquée à tous les métiers particulièrement pénibles.
De la même façon, en ce qui concerne le système de soins, il faut continuer à financer à fonds perdus la CMU et l'Aide médicale d'Etat. Mais l'assurance-maladie doit fonctionner avec un budget plafonné. Ce budget doit correspondre à la somme des cotisations pour une année donnée. Un panier de soins remboursés doit être enfin établi. Le reste doit être à la charge du patient. Inutile de hurler à l'injustice de la médecine à deux vitesses. Les recettes de l'assurance-maladie devraient être suffisantes pour protéger la totalité des citoyens contre les maladies graves et la mort. Pour le reste, les foyers disposant de revenus suffisants devront mettre la main à la poche, sous forme de contribution directe ou par l'entremise d'une mutuelle à laquelle il faudra, de toute évidence, cotiser davantage. Le prix de la consultation et le prix du médicament doivent cesser de dépendre d'accords compliqués qui rendent l'exercice médical insupportable et réduisent l'activité de la recherche médicale.
Il ne s'agit pas ici d'opposer libéralisme à socialisme, mais d'opposer le bon sens à l'irresponsabilité (ou à la démagogie) : de ce point de vue, la TVA dite sociale est un instrument apparemment efficace qu'il ne faut pas négliger. Elle est appliquée en Allemagne depuis le début de l'année et n'a entraîné aucune inflation.
Pour l'Europe, la France doit revenir en force dans l'Union et y jouer un rôle politique de premier plan. Faisons un traité constitutionnel a minima qui tienne compte du « non » de 2005. Et repartons de l'avant. Cependant, il est indispensable que nous atteignions en même temps un taux de croissance qui nous permette de jouer le rôle de locomotive européenne au même titre que l'Allemagne ; laquelle est entrée dans un cercle vertueux : son budget sera équilibré en 2008 (mais oui), son taux de chômage diminue plus vite qu'en France, l'excédent de son commerce extérieur est considérable.
Nos atouts.
C'est une bonne nouvelle, car la croissance allemande aidera la nôtre ; l'Allemagne est en effet notre premier client et notre premier fournisseur. Nous avons des atouts. Nous devons impérativement investir dans la recherche et l'innovation, dans la création industrielle. Nous devons avoir un budget élevé pour la recherche si nous ne voulons pas compromettre l'avenir du pays.
La liste est longue des efforts à fournir, par exemple dans une protection de l'environnement qui serait à la fois un stimulant de la croissance et une source d'emplois.
Le gouvernement issu de la présidentielle et des législatives devra associer les syndicats à toutes ses démarches, ne rien faire sans les avoir longtemps consultés, tenter de les mettre de son côté. Rien n'empêche un gouvernement, quel que soit son penchant, de mettre un terme aux abus de certaines entreprises, de contrôler les réflexes de licenciement, de légiférer en matière de stocks-options et de parachutes dorés, de demander aux directions de n'envisager les licenciements qu'en dernier ressort. Ce n'est pas une question de droite ou de gauche. C'est une question de morale.
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