Le jeu pathologique est défini dans le DSM IV comme un « comportement répété et persistant du jeu d'argent exposant à des conséquences sociales, professionnelles et individuelles négatives ». Une dizaine de critères sont retenus. Parmi eux : le besoin de jouer des sommes croissantes pour atteindre l'état d'excitation désiré (« craving ») ; les efforts infructueux pour contrôler ou arrêter la pratique (perte de contrôle) ; l'agitation ou l'irritabilité lors des tentatives de réduction ou d'arrêt (symptômes de sevrage) ; les mensonges aux proches pour dissimuler l'ampleur des habitudes ; les actes délictueux pour financer les pratiques ; la poursuite du comportement malgré ses conséquences destructrices. On retrouve donc un ensemble de critères de la conduite addictive. Ce qui explique que le jeu pathologique est maintenant considéré comme une forme de trouble du comportement s'apparentant à une addiction.
L'offre de jeu ne cesse de s'accroître, aux Etats-Unis comme ailleurs (casinos, machines à sous, multiplication des jeux de grattage...). La prévalence du jeu pathologique est évaluée, selon les études, entre 3 et 6 %.
Chez l'adolescent, le jeu pathologique est souvent associé à l'usage addictif de l'Internet. Une conduite de jeu pathologique devra donc être recherchée chez tous les « accros » du Net. Chez les adultes jeunes, le boursicottage quotidien auprès d'un courtier en ligne, le « day trading », représente un « exutoire en apparence rationnel à la passion du jeu », et correspond parfois à une conduite de jeu pathologique.
Dépression, hypomanie...
Dans beaucoup de cas, jeu et consommation d'alcool sont associés, ou alternés (transfert de dépendance). Les effets de l'alcoolisation sur le jeu pathologique sont redoutables, en raison de la désinhibition entraînée par l'alcool qui peut accroître le comportement pathologique.
Les études montrent qu'une dépression majeure est trouvée chez 76 % des joueurs pathologiques, une hypomanie chez 38 %, une manie chez 8 % et des troubles schizo-affectifs chez 2 %. Les dépressions s'accompagnent d'un risque suicidaire élevé et d'un niveau élevé de détresse sociale. Le sex-ratio est de deux hommes pour une femme.
L'appel à une prise en charge vient souvent du conjoint du joueur, qui consulte son médecin habituel pour des troubles physiques ou psychiques, dus à la situation de tension permanente où il vit en relation avec le risque du jeu. Les joueurs sont souvent en grande difficulté financière et leur ruine, si elle survient, est aussi celle de leur conjoint.
La prise en charge fait appel essentiellement aux thérapies comportementales et cognitives, qui permettent d'obtenir le « sevrage comportemental » souvent nécessaire de façon urgente. Quelques études ont montré l'efficacité des antidépresseurs, mais leur impact est limité. Ils sont, en revanche, très utiles en association au traitement de l'addiction proprement dite, lorsqu'une dépression est présente.
L'illusion de pouvoir maîtriser le hasard
La thérapie cognitivo-comportementale consiste en des programmes structurés se déroulant en étapes précises. On cherche d'abord à repérer les cognitions erronées du joueur correspondant à l'illusion qu'il peut contrôler ou maîtriser le hasard, qui engendre la certitude de gagner et de se refaire. Par exemple : « Mon système de jeu est adapté et efficace », « Il y a peu de différence entre les gains et les pertes quand je joue », « Quand je perds, c'est que j'ai mal joué », etc. On favorise leur prise de conscience et on suscite une motivation du changement. Un objectif du traitement - arrêt total du comportement de jeu - sera établi avec le joueur. On développe des stratégies de prévention des rechutes, notamment en apprenant au sujet à réinvestir sa vie familiale et professionnelle.
Comme les réactions de minimisation ou de déni sont très fréquentes, on utilisera avec profit une échelle standardisée d'évaluation du jeu : la « South Oaks Gambling Screen » est la mieux validée.
Sylvain et coll. rapportent les résultats chez 58 joueurs pathologiques qui ont été suivis pendant douze mois à raison d'une ou deux séances d'une heure par semaine : à six mois, les patients jouaient sensiblement moins. Leur niveau de contrôle comportemental était accru et 86 % d'entre eux ne présentaient plus les critères du jeu pathologique.
Entretiens de Bichat. Communication de J. Adès et M. Lejoyeux, service de psychiatrie, hôpital Louis-Mourier, Colombes.
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