En Russie, rien n'est plus facile que de faire fortune, rien n'est plus aisé que de faire faillite. Car Vladimir Poutine joue, avec les oligarques, un jeu très simple qui consiste à les ruiner dès qu'ils sont parvenus à s'enrichir.
C'est ainsi qu'il s'est débarrassé de quelques magnats de la presse et du pétrole, aussitôt après son arrivée au Kremlin. Ceux qu'il menaçait de prison ont pris le chemin de l'exil. Mais en même temps, le nouveau tzar de la « démocratie » russe affirmait son pouvoir. Dans le camp de son prédécesseur, Boris Eltsine, auquel, pourtant, il doit tout, il a fait le vide.
Comme la Russie regorge de richesses naturelles, comme elle doit impérativement exporter pour vivre, comme elle ne peut accroître sa production que grâce aux investissements étrangers, M. Poutine laisse se conclure des affaires. Il est plutôt satisfait d'un taux de croissance élevé et d'une ascension des valeurs boursières qui fait de Moscou un point d'attraction malgré le danger politique, menace permanente pour l'économie.
En faisant arrêter pour « fraude fiscale » Mikhaïl Khodorkovski, patron d'une compagnie pétrolière nommée Youkos, en envoyant les agents du fisc saisir 40 % des actions de la société, M. Poutine a inquiété les investisseurs étrangers, les actionnaires russes et tous les citoyens de son pays qui se remettent à peine d'une crise où beaucoup ont perdu leur chemise.
Ce qui gêne M. Poutine, ce n'est pas la richesse insolente et fulgurante de certains ; M. Khodorkovski a décidé de soutenir le parti d'opposition Yabloko, qu'il finançait presque entièrement. Pour Poutine, le pluralisme démocratique ne doit pas exister. Il a donc liquidé un parti politique qui risquait de le gêner. Et en plus, ça marche. M. Khodorkovski a démissionné de ses fonctions et s'il est sage politiquement, il est probable qu'il ne restera pas longtemps en prison. On croirait revivre une scène stalinienne.
Entre-temps, les actionnaires ont été rassurés par la démission du malheureux patron de Youkos et la Bourse revient à ses niveaux d'avant son arrestation.
Ce qui est extraordinaire, c'est que le cynisme du président russe ne lui coûte jamais rien. Il ne tente même pas de travestir ses coups de force et ses violations du droit le plus élémentaire (qu'il s'agisse des oligarques ou des Tchétchènes). Il passe aux actes sans ciller. Et s'assure de la sorte un pouvoir qui ressemble beaucoup à celui de ses prédécesseurs. Comme si l'effondrement du marxisme-léninisme n'avait en rien changé les méthodes qu'il mettait en vigueur. Comme si Staline était ressuscité, mais sous un autre nom.
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