Au Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie, les choses sérieuses commencent aujourd'hui. En effet, les 53 membres de l'instance que le Premier ministre a chargée d'élaborer un diagnostic des maux dont souffre la branche maladie de la Sécurité sociale se réunissent pour la première fois depuis leur installation.
Cela se passe ce matin, entre 9 h 15 et 13 h, au Conseil économique et social. L'ordre du jour est l'épineuse question du financement des dépenses de santé ( « Dépenses, recettes, prises en charge », indique le document préparatoire remis aux 53 experts).
Etant donné le mode de fonctionnement arrêté pour le Haut Conseil - chaque thème étudié fait l'objet de deux réunions : une réunion « plénière », consacrée au débat « politique », succédant à une semaine d'intervalle à une réunion purement technique, en « groupes de travail » -, la séance d'aujourd'hui, de l'espèce technique, doit se limiter à un examen de chiffres. Un document de 50 pages a été adressé lundi aux participants - « Nous n'avons eu que trois jours pour le déguster », regrette l'un des « 53 » - qui fait un état des lieux de la situation financière de l'assurance-maladie et rappelle le poids de chacun (qu'il dépense ou qu'il finance) dans l'addition générale.
Invités à se plonger dans la comptabilité, les membres du Haut Conseil vont pouvoir constater des manques dans le dossier qui leur a été remis, éventuellement contester des chiffres ou des affirmations, demander des renseignements complémentaires qui permettront, lors de la prochaine séance (ce sera le 6 novembre), de nourrir la discussion de fond.
La base de travail envoyée aux 53 membres met d'emblée les contestataires à l'aise en les invitant à formuler « les remarques » que ses « nombreuses imperfections » peuvent susciter. Toutes les « contributions » sont les bienvenues, est-il précisé. Même si les quatre petites heures que va durer la réunion ne sont pas compatibles avec de grands discours (elles n'autorisent pas cinq minutes de parole par participant), il y aura certainement des contestations. Car si les grandes lignes du constat qui a été dressé ne sont pas sujettes à caution, il y a, dans le détail de chacune des affirmations formulées, de quoi faire tiquer l'un ou l'autre des acteurs du système de soins.
Un prédiagnostic étoffé
En tout, onze éléments de diagnostic sont posés sur la table. Le premier, macroéconomique, concerne la répartition des dépenses. Le deuxième constate que les dépenses de santé croissent plus vite que le PIB. Le troisième insiste sur le faible dynamisme des recettes de l'assurance-maladie. Le quatrième expose l'importance des facteurs structurels dans le déficit récurrent. Le cinquième établit la nécessité d'un réexamen du système de recettes et de prises en charge (une question qui fera à elle seule l'objet d'un autre « thème » d'étude - qualité et organisation des soins - pour le Haut Conseil). Le sixième rappelle que les dépenses sont très concentrées sur un petit nombre de patients, notamment les patients en ALD. Les septième et huitième évoquent l'universalité et l'uniformité de la couverture assurée par le régime de base. Le neuvième constate la large diffusion des régimes complémentaires et estime que le reste, à la charge des assurés, est « très faible ». Le dixième estime que les prestations des complémentaires sont très différenciées d'un organisme à l'autre et peu lisibles. Le onzième sort des frontières pour affirmer qu'à l'étranger la participation financière des usagers à leurs dépenses de santé passe par différents modes.
« On nous donne d'un seul coup onze éléments de diagnostic. C'est beaucoup, c'est même un peu copieux », remarque Jacques Reignault, le président du CNPS (Centre national des professions de santé), qui siège à ce titre au Haut Conseil.
Mais le document remis aux 53 recueille d'autres critiques que son « épaisseur ». D'aucuns lui reprochent, par exemple, d'être déjà orienté (notamment, parce qu'il met l'accent sur une chasse au gaspi qui ne résoudra pas à elle seule les problèmes de l'assurance-maladie, ainsi que se plaît à le souligner la Mutualité). A sa lecture, d'autres s'interrogent tout bêtement sur l'utilité d'un Haut Conseil auquel l'on remet un diagnostic fourni dans le but qu'il établisse un... diagnostic. N'y a-t-il pas là matière à couper les ailes des experts mandatés par les pouvoirs publics ? Jacques Reignault, en tout cas, « ne dira pas le contraire ».
Michel Chassang, le président du la CSMF, qui représente lui aussi le CNPS au Haut Conseil, est plus pragmatique : « L'état des lieux, les pistes de travail, les différentes propositions des uns et des autres... tout cela est archi connu. Dans ces conditions, que le président du Haut Conseil ait déjà mâché un peu le travail n'a rien d'étonnant. »
Et les médecins libéraux ? Parviendront-ils à faire entendre leur voix au sein du Haut Conseil ? Oui, répondent-ils sans hésiter, plutôt contents d'être logés à meilleure enseigne que d'autres acteurs du système. Le Dr Pierre Costes, président de MG-France, et Michel Chassang, qui représentent directement la médecine libérale au Haut Conseil, font les comptes : il y a les cinq sièges du CNPS, et celui de Claude Maffioli (l'ancien président de la CSMF qui représente l'UNAPL - Union nationale des professions libérale), c'est bien plus que la Mutualité et même que les caisses d'assurance-maladie. « C'est plus de 10 % du total des membres du Haut Conseil, ça devrait permettre de s'exprimer ! », renchérit le Dr Costes. Présents et bien présents, les médecins de ville parleront-ils d'une seule voix, ainsi que le souhaitait Michel Chassang (« le Quotidien » du 13 octobre) ? Il semble que non, Alliance ayant seule répondu « banco » à la proposition de la CSMF d'élaborer une plate-forme commune.
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