ASSURÉMENT, M. Chirac s’est singularisé : il est en effet le seul, parmi tous les chefs d’Etat et de gouvernement européens, à avoir décidé unilatéralement qu’il fallait poursuivre l’aide aux Palestiniens en dépit d’un gouvernement Hamas qui continue à préconiser la destruction d’Israël. On croit retrouver là les vieux démons de la diplomatie française, jamais à cours d’un geste proarabe, encore que, cette fois, on ne puisse pas dire que l’indulgence à l’égard du Hamas soit le lot des gouvernements de la région : même M. Moubarak, qui s’associe à la démarche de M. Chirac, n’est pas certain que, en négligeant l’obstacle que représente le Hamas, section palestinienne des Frères musulmans, il rende service aux intérêts égyptiens, frappés à plusieurs reprises par le terrorisme intégriste.
La manie de pactiser.
On peut en dire autant du président français qui devrait se souvenir que le Hamas n’est pas seulement l’ennemi d’Israël ; il appartient à la mouvance terroriste internationale et ses meilleurs soutiens sont les autres mouvements du même acabit, par exemple le Hezbollah libanais, et des pays comme la Syrie et l’Iran.
Il est vrai que ce n’est pas la première fois que la France ou d’autres pays pactisent avec des organisations terroristes. Avant que Yasser Arafat n’obtienne le prix Nobel de la paix, il faisait sauter des appareils de ligne et attaquer des écoles israéliennes. La France lui a tellement été reconnaissante d’avoir signé un jour les accords d’Oslo qu’elle lui a pratiquement fait des funérailles nationales, bien qu’il eût relancé l’intifada en 2000, et pour une durée indéterminée. Mais, au moins, Arafat avait-il admis qu’il existe un Etat qui s’appelle Israël. Ce n’est pas le cas du Hamas. Or personne, ni les Israéliens, ni les Etats arabes, ni l’Europe, ni les Etats-Unis, ni les Nations unies, ne contestent les conditions parfaitement démocratiques dans lesquelles le Hamas est parvenu au pouvoir ; tout le monde, en revanche, tente d’expliquer au gouvernement de M. Haniyeh que ses positions politiques sont incompatibles avec les sources mêmes de son pouvoir.
Jusqu’à ce jour, M. Haniyeh a rejeté cette analyse. Il n’en recontre pas moins de vives difficultés : la Palestine n’est pas viable sans aide étrangère ; elle est tenue à bout de bras par les dons de l’Europe et de l’ONU et par le produit des taxes douanières payées par les exportations palestiniennes. C’est Israël qui touche ces taxes et les reverse ensuite à l’Autorité palestinienne ; cet argent, l’Etat hébreu le doit aux Palestiniens. Mais quel gouvernement accepte de reverser la moindre somme à un groupe qui a juré de le détruire ? Israël a donc suspendu le paiement des tarifs douaniers pour ne pas courir le risque d’être combattu par des Palestiniens dotés d’armes achetées avec cet argent.
ON PEUT AIDER LES PALESTINIENS EN CONTOURNANT LE HAMAS
Hypocrisie.
Ce qui a conduit la porte-parole de Benita Ferrero-Waldner, commissaire européenne à l’Aide internationale et à la Coopération, à souligner que les sommes versées par son organisme ne représentent qu’une petite partie des sommes versées par Israël. Cela s’appelle se défiler et même se conduire de façon franchement hypocrite : on ne peut pas parler au Hamas, mais on n’a surtout pas envie d’être accusé de cruauté contre les Palestiniens. Donc, on dit, comme d’habitude, que tout ça, c’est la faute d’Israël.
A quoi il est bon d’ajouter que l’isolement du Hamas est relatif et que quelques gouvernements bien intentionnés vont recevoir ses représentants, par exemple celui de la Norvège : autrement dit, rien n’est vraiment tabou et on officialise un statut très particulier, celui d’un gouvernement qui est élu démocratiquement, mais peut commettre des actes criminels. Tout aussi hypocritement que Mme Ferrero-Waldner, la Norvège affirme qu’elle exige que le Hamas reconnaisse Israël et renonce à la violence.
L’espoir Abbas.
Il est possible que les Israéliens soient satisfaits d’avoir trouvé une bonne raison (mais pas un prétexte) pour ne plus négocier avec les Palestiniens. Mais ce n’est pas sûr : le gouvernement d’Ehud Olmert comprendra de nombreux travaillistes qui sont prêts à reprendre la négociation (ce qui ne manque pas, d’ailleurs, de déclencher de vives critiques dans le parti même de M. Olmert). Il demeure que le Premier ministre israélien a toujours dit très clairement deux choses : qu’il ne pouvait pas négocier avec le Hamas, et qu’il était prêt à appliquer la feuille de route du Quartette (Nations unies, Etats-Unis, Europe, Russie).
Pour tout le monde, Occidentaux et pays arabes modérés, il reste un espoir : c’est Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne. Un espoir ténu. Car, bien que M. Abbas soit un non-violent respecté par tous, y compris les Israéliens, il est déjà plongé dans un conflit très sérieux avec le Hamas. Lundi encore, il rappelait qu’il était en son pouvoir de dissoudre le gouvernement palestinien ; il a annulé une décision de M. Hanyieh de créer une organisation de sécurité qui aurait supplanté et rassemblé les nombreuses polices et milices palestiniennes (une bonne partie de ces 130 000 fonctionnaires qui ne sont pas payés depuis le début de mars).
Dans ce rapport de forces encore feutré entre Abbas et Haniyeh, on ne sait pas qui l’emportera : d’une certaine manière, le regroupement des forces de sécurité palestiniennes mettrait un peu d’ordre dans un chaudron qui menace d’exploser. Malheureusement, le danger de cette réorganisation, c’est l’exclusion du Fatah au profit du Hamas. Et c’est bien pourquoi M. Abbas n’en veut pas. En tout cas, le Hamas, auquel beaucoup de bonnes âmes ont réclamé que l’on accorde du temps, est sur la corde raide : sa popularité peut s’effondrer en quelques semaines ou même quelques jours si l’argent ne circule plus à Gaza et en Cisjordanie. En dehors de la question humanitaire, chacun des protagonistes de cette affaire a le droit de se demander si la démission du gouvernement Hamas n’est pas une solution qui conviendrait à tout le monde. Et, dans ce cas, on voit à quel point la démarche humanitaire de M. Chirac est non seulement prématurée, mais contraire aux intérêts bien compris de la France : nous ne devons pas traiter avec des terroristes, quels qu’ils soient.
Mais si le Hamas se maintient au pouvoir, il doit être possible de venir au secours des Palestiniens en le contournant. Il faut verser les subsides à un organisme international qui se chargera ensuite de les distribuer. Ou bien le gouvernement palestinien accepte cette solution, ou bien il la refuse et signe son suicide. Une chose est sûre : si nous ne restons pas fermes sur les principes, nous finirons par considérer Ben Laden comme un interlocuteur valable.
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