LA PREMIERE LEÇON de ce scrutin, c’est que les règles démocratiques ont été parfaitement observées ; il faut en accorder le crédit à M. Abbas, qui a respecté à la lettre la volonté du peuple palestinien. Lequel a fait probablement un choix regrettable, mais que nous n’avons pas à juger. L’essentiel, c’est que la participation a été forte (près de 78 %), que le Premier ministre en exercice, Ahmed Qoreï, a aussitôt démissionné et que le Fatah, battu, demande, à juste titre, que le parti vainqueur prenne en main toutes les destinées des Palestiniens et ne se contente plus de poser des bombes.
La deuxième leçon, c’est que la victoire du Hamas est le testament de Yasser Arafat, naguère porté aux nues par une opinion internationale peu au fait des réalités. Nous ne croyons pas que les Palestiniens ont voté pour une guerre au finish avec les Israéliens, mais pour avoir une administration décente, pour que la corruption disparaisse, pour que leurs élus s’intéressent au peuple. Ils ont moins voté pour le Hamas que contre le Fatah. Si Yasser Arafat n’avait pas placé son sort personnel au-dessus des intérêts de son peuple, l’Etat palestinien existerait déjà.
Un gel de la paix ?
La troisième leçon, c’est que le Hamas a le choix. Il a encore répété qu’il ne déposerait pas les armes ; effectivement, rien ne l’y contraint. Mais la poursuite de la guerre de harcèlement qu’il livre contre Israël n’apportera que malheur aux deux peuples. La paix sera complètement gelée, le cycle attentats-répression se poursuivra et, surtout, le soutien à Israël des Américains et des Européens, pour lesquels le Hamas est seulement un mouvement terroriste, se renforcera, même si Israël ne fournit aucun effort en direction de la paix.
Bien qu’ils aient accueilli avec stupeur le résultat du scrutin, les Israéliens peuvent entreprendre des actions concrètes aussitôt après leurs propres élections, qui auront lieu à la fin du mois de mars. Si le Hamas ne renonce pas au terrorisme, ils n’auront pas d’autre choix que de continuer sur les traces d’Ariel Sharon, avec l’application d’une politique strictement unilatérale. Il ne faut pas perdre de vue, à ce sujet, que le Hamas ne réunit pas la totalité des terroristes palestiniens. L’attentat de janvier à Tel Aviv a été commis par le Djihad islamique. Les brigades d’Al Aqsa, groupe particulièrement dangereux, se réclament du Fatah. D’autres groupuscules existent, comme le FPLP. L’Autorité palestinienne n’a jamais été capable de contrôler ces groupes : Arafat ne le souhaitait pas parce qu’il pensait que les attentats commis par ses amis lui permettaient d’exercer sur Israël des pressions dont il n’était pas responsable, au moins en apparence ; Mahmoud Abbas n’y parvient pas parce qu’il ne dispose pas de moyens suffisants pour arrêter des terroristes surarmés et informés de ses intentions.
Dans ces conditions, Israël échange un partenaire qui veut la paix mais fait la guerre contre un autre qui fait la guerre mais doit trouver un sens à son combat.
AU PROCHE-ORIENT,LE VENT A TOURNE EN FAVEUR D'ISRAEL
Indiquer les frontières.
La voie qui s’ouvre à l’Etat juif est donc claire, même si elle n’est pas enthousiasmante : Israël finira par indiquer où sont ses frontières, tâche que l’actuel Premier ministre, Ehoud Olmert, considère comme la plus importante. Le fameux mur, qui a tant de détracteurs, se présente, aujourd’hui plus que jamais comme une mesure de salubrité publique pour Israël, dès lors que les tentatives d’agression venues de l’autre côté se multiplieront. La négociation sera gelée. Il est vraisemblable que, si le Hamas ne change pas son fusil d’épaule, Israël évacuera une partie de la Cisjordanie, mais pas toute.
De toute évidence, les Palestiniens obtiendront moins, dans ces conditions, que ce qu’ils peuvent attendre de la fameuse feuille de route des grandes puissances et à laquelle adhère le gouvernement israélien actuel.
Le Hamas peut trouver des soutiens en Iran et en Syrie, obtenir d’eux des financements, il ne pourra rien faire pour améliorer le sort des Palestiniens dans un climat de conflit permanent. Il pourrait donc être tenté par la négociation, à laquelle il ne peut participer que s’il annonce une longue trêve.
Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que Sharon a changé la donne avec l’évacuation de Gaza, saluée dans le monde entier comme un pas décisif vers la paix. La construction du mur, si décriée, est passée au deuxième plan. Le soutien international aux Palestiniens diminue et les arguments d’Israël sont mieux pris en compte. Sharon a gagné une bataille essentielle : celle de la communication, domaine dans lequel Arafat était passé maître. Si le parti de Sharon, Kadima, gagne les élections de mars, le poids du Hamas sera très faible. Et la perspective d’une solution sans les Palestiniens ne doit pas être exclue.
C’est pourquoi il n’est pas impossible que le Hamas se rende compte que la poursuite de la guerre ne lui apporterait rien de bon. Il n’est pas impossible qu’il se pose des questions sur le sens de sa victoire électorale et qu’il préfère alors adopter une autre stratégie. Etant entendu que, au Proche-Orient, les serments éternels ne durent pas, pas plus ceux qui promettent la paix que ceux qui annoncent la guerre.
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