La conférence de presse se voulait solennelle. Ce fut la deuxième, en tout et pour tout, depuis le début du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Le sujet en valait la chandelle : la présentation, par Nicolas Sarkozy, du plan Grand Emprunt doté de 35 milliards d’euros. Ce lundi 14 décembre, dans la salle des fêtes de l’Élysée, la quasi-totalité du gouvernement côtoyait les membres de la commission Grand Emprunt, ainsi que les conseillers spéciaux de l’Élysée, dont Henri Guaino, bien marri de n’avoir pu obtenir du président un plan plus ambitieux doté de 100 milliards d’euros. Une absence notable : celle de Michel Rocard, qui a coprésidé avec Alain Juppé la commission Grand Emprunt. Et qui devrait, toujours en compagnie d’Alain Juppé, siéger au conseil de surveillance du Grand Emprunt. Pas d’annonce surprise, au regard des propositions émises par les deux anciens Premiers ministres. Tant en ce qui concerne le montant du GE que les thématiques privilégiées, le président sera resté fidèle à Rocard et à Juppé. Et n’aura pas oublié de gratifier le secteur de la santé sous diverses formes.
Instituts hospitalo-universitaires
La plus emblématique restant la dotation de 850 millions d’euros accordés aux instituts hospitalo-universitaires (IHU). Issus des conclusions du rapport Marescaux (cf. Décision Santé n° 255), les IHU auront pour tâche de revigorer la recherche médicale publique française. « Plus d’argent pour la recherche sur le cancer, les maladies génétiques, Alzheimer, le Sida ! Dans cet ensemble un projet me tient particulièrement à cœur […] c’est celui de la création d’instituts hospitalo-universitaires (IHU) qui rassemblent sous forme de fondations des équipes de recherche de niveau mondial autour d’un projet scientifique cohérent », s’est exclamé le président. Plus spécifiquement, les IHU devront combler un besoin : le recrutement de chercheurs d’excellence. « Ils (les IHU, N.D.L.R.) seront organisés pour attirer des chercheurs de très haut niveau et les placer dans un temps limité dans un environnement très réactif – laboratoires de pointe, chercheurs, post-doctorants, et souplesse de fonctionnement. » Le financement de cohortes fera également l’objet d’efforts particuliers. Un rapport plus circonstancié devrait être rendu dans les jours qui viennent sur ces fameux IHU, et rédigé par le professeur Marescaux.
Télésanté
Outre les IHU, les « sciences du vivant », dont la médecine, pourront bénéficier de lignes de crédits pour lancer des programmes de recherche « ambitieux », notamment dans le domaine des biotechnologies et des nanotechnologies. À ce titre, un Fonds national de valorisation de la recherche, d’un montant d’un milliard sera créé, ainsi que des instituts de recherche technologiques. En tout, 2,5 milliards d’euros seront consacrés à la santé et aux biotechnologies. Mais ce n’est pas tout. Le Grand Emprunt financera également la santé sur son versant numérique. 4,5 milliards du grand emprunt serviront à développer l’économie numérique. « Ce saut technologique va révolutionner nos modes de vie. Il permettra le développement de multiples applications dans le domaine de la santé », a prédit Nicolas Sarkozy. Concrètement, il s’agit de doter un « Fonds national de numérisation » de 2,5 milliards d’euros pour financer « sous forme d’avances remboursables des projets partenariaux public-privé de recherche […] visant le développement de logiciels, d’usages et de contenus numériques innovants, en particulier dans le domaine de l’e-santé ». Bref, la santé n’a pas été oubliée.
Déficits
Et, bien loin de constituer une charge, la présidence semble penser qu’elle peut être source de gains substantiels. Il n’empêche. Les déficits sociaux, en particulier ceux de l’assurance maladie, s’accumulent. Une situation intenable pour la présidence. Donc, parallèlement aux investissements accordés, une conférence est organisée fin janvier sur les déficits publics. Le trou de la Sécu sera dans la ligne de mire : d’un côté, on soutient la recherche sur de grandes pathologies, tout en resserrant la vis sur les déficits. Une démarche de bon sens. Mais ce grand emprunt soulève moult interrogations. Tant il est vrai qu’il vient s’ajouter aux mille-feuilles des divers financements de santé publique. Ainsi, du cancer. Le 2 novembre dernier, Nicolas Sarkozy présentait à Marseille le plan cancer II. Doté de 730 millions d’euros, ce plan fait la part belle à la recherche, en prévoyant une augmentation de 20 % des effectifs de certains spécialistes. Comment ce plan va-t-il s’articuler avec les ambitions affichées du Grand Emprunt en matière de recherche ? Idem concernant les IHU. Le plan cancer II a prévu la mise en place de cinq centres d’excellences destinés « à concourir à l’échelle mondiale dans le domaine de la recherche ». Ces centres d’excellence rentreront-ils en concurrence avec les IHU en cancérologie ? Les supplanteront-ils ? Là encore, la confusion règne. Espérons que le rapport Marescaux sur les IHU dissipera les éventuels malentendus. Dans le domaine du numérique, rien encore n’est tranché. Si le député Pierre Lasbordes, auteur d’un rapport sur la télésanté, peut s’enorgueillir d’avoir vu juste en prédisant que la télésanté serait en partie financée par le Grand Emprunt, des inquiétudes demeurent. Alors que Pierre Lasbordes préconisait une mission interministérielle placée auprès de Roselyne Bachelot pour déployer la télésanté, les arbitrages rendus par la présidence dans le cadre du GE placent la télésanté sous la responsabilité « d’un Fonds national pour la société numérique, établissement public relevant du Premier ministre via le secrétariat d’État chargé de l’Économie numérique ». Même si la convention constitutive de l’Asip (1) donne autorité à cette nouvelle agence pour financer des projets de télémédecine (2)… Le plan Grand Emprunt, s’il est un ballon d’oxygène pour l’investissement en santé, risque aussi de complexifier un peu plus l’écheveau de la gouvernance sanitaire. Un luxe dont se seraient passés les acteurs concernés.
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