par André Aschieri, vice-président de l'Agence
LES GRANDES CATASTROPHES écologiques, d'origine naturelle ou (et) humaine, comme le tsunami, les marées noires, Tchernobyl, Bhopal, le réchauffement climatique, préoccupent à juste titre les institutions et les médias. Parce que la question de la survie de l'espèce humaine est posée au travers de la dégradation observée et continue de l'environnement.
Plus localement, mais de façon tout aussi importante, la question de la sécurité sanitaire environnementale a été posée à notre pays. Elle y fait l'objet d'une très forte attente sociale.
Nous y avons répondu, non sans mal, au cours de la mise en œuvre du système de sécurité sanitaire qui a permis la naissance de l'Institut de veille sanitaire (InVS), l'Agence des produits de santé (Afssaps), l'Agence de sécurité alimentaire (Afssa), ainsi que d'autres organismes comme l'EFS pour le sang et l'Irsn pour le nucléaire. Il aura fallu les cris d'alarme répétés de nombreux scientifiques, toxicologues, écotoxicologues, épidémiologistes et une véritable « bagarre » parlementaire, pour que naisse, sur proposition des écologistes, l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale (Afsse).
Un budget en hausse de 250 %.
Dernière-née, dernière installée, regardée souvent d'un mauvais œil par les lobbies économiques et par la Haute Administration, elle a entamé son action depuis son installation à l'automne 2002. C'est-à-dire il y a moins de trois ans. Contrairement à ses devancières, il lui fallait partir de zéro. Un grand défi dans un domaine où les enjeux sont si importants.
Le départ, il y a quelques semaines, de son directeur scientifique lui impose de vivre sa première crise de croissance. Il intervient alors que l'activité de l'agence monte en puissance. Il serait extrêmement dommageable que ce départ, que je regrette eu égard aux compétences du Pr Denis Zmirou, vienne ternir les premiers résultats de l'agence assumée avec un engagement total par sa directrice générale, Michèle Froment-Védrine, ou masquer l'immensité de la tâche qui reste à accomplir.
Aujourd'hui, 64 personnes, pour l'essentiel des scientifiques de haut niveau, sont employées par l'Afsse. Son budget, très faible lors de sa mise en place, atteint déjà 15,4 millions d'euros, en ayant bénéficié d'une hausse de 250 % entre 2004 et 2005.
Les orientations stratégiques de l'agence lui imposent de procéder à l'expertise des risques sanitaires environnementaux dans les domaines prioritaires de santé publique environnementale. Ces activités d'expertise sont conduites dans le cadre de saisines des pouvoirs publics (plan national Santé Environnement, plan Cancer par exemple) ou d'autosaisines. Les priorités fixées pour les mois et années à venir concernent la qualité de l'air intérieur, la pollution atmosphérique, les agents physiques comme les nuisances sonores et, surtout, les dangers et risques sanitaires liés aux substances chimiques. En effet, 100 000 substances chimiques sont produites ou importées en Europe. Seules quelques milliers sont évaluées avant leur mise sur le marché. On les soupçonne d'être à l'origine du fort développement des taux de cancers chez l'enfant et chez l'adulte. Il est urgent de combler le déficit d'expertise en matière de risque chimique. La France doit prendre toute sa part dans le programme européen Reach et la « procédure biocides ».
L'état des saisines réalisées ou en cours depuis 2002 est déjà impressionnant et la place manque pour le reproduire ici. Parmi plus de cent expertises et analyses effectuées ou en cours, citons celles concernant les particules Diesel dans l'air, la présence de cyanobactéries dans les eaux de baignade, les résidus des pesticides, les nuisances sonores, le risque fipronil, la téléphonie mobile, les composés organiques volatils (COV), les légionelles, les fibres courtes d'amiante, les substances reprotoxiques.
L'Afsse a pour mission de mobiliser et de structurer l'expertise publique pour l'évaluation et l'analyse des risques sanitaires environnementaux. Elle le fait dans le cadre de partenariats avec des établissements français ou étrangers. Parmi les quinze organismes avec lesquels le législateur lui demandait de nouer des relations contractuelles, huit ont d'ores et déjà été signataires de conventions (Cstb, Inserm, Ademe, Ineris, Brgm, Inra, Inrs, Ctba, CHU de Nancy). Pour ma part, j'aurais souhaité que certains d'entre eux fussent dès l'origine constitutifs de l'agence. Un jour, le législateur aura l'occasion d'évaluer la nécessité d'un renforcement de ce type. Reconnaître que le paysage « santé environnement » est encore extrêmement fragmenté ne doit pas faire perdre de vue la nécessité immédiate de l'action et de la recherche. La qualité de l'expertise et son indépendance sont à construire quotidiennement. Les lobbies économiques, parfois relayés par des politiques sont à l'affût.
Travailler dans la sérénité.
L'Afsse se doit de travailler dans la transparence et de communiquer sur le fruit de ses recherches.
A l'évaluation de l'impact de la qualité des milieux (eau, air, sol), sur la santé humaine, les pouvoirs publics viennent de décider de confier à l'agence la compétence sur l'étude des milieux au travail. Il s'agit d'un défi sans précédent. L'Afsse a un urgent besoin de travailler dans la sérénité et de voir ses moyens encore renforcés.
Les crises sanitaires d'origine environnementale seront de plus en plus nombreuses et graves. Elles sont encore devant nous. Ne pas mesurer l'importance et le niveau des enjeux de la sécurité sanitaire environnementale, c'est s'exposer encore à être reconnu comme responsable et coupable.
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