TOUTES SORTES DE RAISONS militent contre l’indiscrétion commise par un député UMP et par « la Dépêche du Midi », le quotidien de Jean-Michel Baylet, radical de gauche et, paradoxalement, mais après tout la presse est libre, allié du PS. D’abord, si Ségolène Royal paie l’impôt sur la fortune, elle n’en a que plus de mérite en souhaitant son maintien ; ensuite, elle paie 862 euros par an au titre de l’ISF, ce qui situe son patrimoine parmi les plus petits et ne lui permet sûrement pas de jeter l’argent par les fenêtres ; de plus, la droite n’a pas à reprendre à son compte les attitudes de la gauche les plus contestables : il ne faut pas reprocher aux gens intelligents, cultivés et capables de gagner de l’argent, sinon, cela reviendrait à dire que personne ne mérite d’en gagner. Il n’est pas du tout étonnant qu’une énarque qui, par définition, a fait de longues études gagne bien sa vie. Les problèmes de la société française ne sont pas encore tels que 63 millions de Français devraient être dans une misère noire.
Sarkozy et son patrimoine.
Par ailleurs, Ségolène, qui a fait une grosse colère, n’a pas tout à fait tort de demander que Nicolas Sarkozy publie à son tour l’état de son patrimoine, ce qu’il s’est engagé à faire incessamment. Et maintenant, on va demander à tous les candidats et peut-être à la classe politique dans son ensemble de nous dire qui paie l’ISF et qui ne le paie pas, combien chacun et chacune des élus gagne par mois, où et comment ils vivent. C’est drôle, mais cela n’a rien à voir avec le fond du problème. La question ne porte pas sur les impôts que paie Ségolène, mais quels impôts elle va nous faire payer. Le plus regrettable, c’est que, dès lors que Ségolène et Nicolas paient l’ISF – et savent que les gens le savent –, ils n’oseront pas y toucher (de peur d’être en conflit d’intérêts), alors que c’est l’un des impôts les plus nuisibles à l’économie française.
Faut-il admettre que la campagne commence mal ? En tout cas, elle a été abordée par un sujet dérisoire, alors que ce qui peut opposer la droite et la gauche déterminera l’avenir immédiat du pays. On préférera s’intéresser au sondage Ifop pour « Paris Match » qui accorde la victoire à Nicolas Sarkozy au deuxième tour par 52 % contre 48 %. Certes, il ne faut pas en tirer de conclusion hâtive, d’autant que le sondage traduit l’effet du congrès de l’UMP et le triomphe de M. Sarkozy lors de cette grand-messe. A noter que François Bayrou obtient 12 % des voix dans ce sondage, plus que Jean-Marie Le Pen (10 %). Le candidat centriste peut s’enorgueillir d’avoir tenu bon : son score s’améliore tous les jours, à tel point qu’on peut se demander s’il ne va pas se retrouver au second tour, ce qui, pratiquement, changerait le cours de l’histoire.
Ségolène Royal, quant à elle, aura d’autres occasions de remonter dans les sondages.
C’est en gros ce qu’elle répond à nombre de socialistes, inquiets du soudain ralentissement de sa campagne. Les pessimistes de son camp estiment qu’elle a raté son voyage en Chine, qu’elle n’a nullement convaincu l’opinion de ses compétences diplomatiques, et que François Hollande a commis une erreur de fond quand il a parlé d’une hausse des impôts sans l’avoir consultée auparavant.
Ségolène ne savait pas.
Mme Royal ne savait pas que son compagnon allait s’exprimer sur un sujet aussi délicat, ce qui l’a obligée à dire que sa religion n’était pas faite en matière fiscale et à charger Dominique Strauss-Kahn d’un rapport sur la question ; M. Hollande, lui, a été contraint de se soumettre publiquement à l’autorité de Madame. Heureusement pour eux, l’attaque sur l’ISF les aura réconciliés.
La candidate socialiste doit-elle attendre le 18 février, comme elle l’a dit, pour exposer son programme ? Elle risque d’être prise de vitesse par Nicolas Sarkozy, qui a déjà la réputation et l’habitude d’aller vite. L’opinion nationale, en tout cas, préférera qu’on lui énumère des idées simples et claires qui lui permettront de se forger un jugement ; la hausse ou la baisse de la pression fiscale ne seront pas étrangères au choix de chaque citoyen, non pas nécessairement parce que les Français veulent payer le minimum d’impôts, mais parce qu’ils croient (ou ne croient pas) à l’efficacité de la redistribution ou aux vertus de l’équilibre budgétaire.
Il est malheureux qu’on cherche à discréditer Ségolène Royal sur une question privée alors que les dossiers sont multiples et d’une ampleur considérable : l’emploi, l’Europe, le pouvoir d’achat, l’éducation, la formation professionnelle (et son coût), la sécurité, le logement, les grands choix diplomatiques, comme les relations avec l’Amérique, la lutte contre le terrorisme, notre rôle au Proche-Orient, ce qu’il faut faire pour l’Iran.
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