AVEC UN DOMAINE d’intervention cadré par la loi de 2002 qui détermine clairement ses missions, un budget annuel d’environ cent millions d’euros financé par l’Etat et l’assurance-maladie, l’Inpes, placé sous la tutelle directe du ministère de la Santé, a la lourde tâche de développer des programmes de prévention et de mener à bien ce que Xavier Bertrand, comme l’indique Philippe Lamoureux, appelle «le grand chantier de l’année».
Si la notion de prévention est ancienne, explique-t-il, elle reste toujours émergente. Elle se décline en quatre niveaux : primaire, avant l’apparition de la maladie ; secondaire, quand la maladie apparaît, en jouant sur son évolution ; tertiaire, en réduisant les conséquences ; et, enfin, quaternaire, en fin de vie, par l’accompagnement.
La prévention est également universelle, avec une vision sur l’ensemble d’une population, orientée sur des sujets à risque et ciblée sur l’éducation du patient. Il faut tenir compte de toutes ces entrées pour élaborer un programme global et cohérent.
Un rôle majeur dans le paysage institutionnel.
L’Inpes a fixé ses priorités sur six programmes : les conduites addictives (alcool, drogue, tabac), les maladies infectieuses (sida, hépatites), les maladies chroniques (diabète, insuffisance rénale), la nutrition, la santé mentale et les risques de la vie courante (accidents domestiques).
Le crédit pour ces campagnes est important : seulement 15 % du budget annuel sont consacrés aux frais de fonctionnement, tout le reste est affecté à l’achat d’espaces publicitaires (spots télé et radio, affichages), aux lignes de téléphonie sociale (Sida Info Service ou Tabac Info Service), aux brochures distribuées gratuitement à tous les partenaires médicaux et sociaux, aux enquêtes de comportements (« les baromètres santé » , qui permettent de mieux cerner les besoins).
Intervenant à la fois dans les écoles, les lieux de travail et les lieux de santé, l’Inpes joue un rôle de plus en plus prégnant dans la société française. Pour ce qui est de l’école, un partenariat vient d’être signé avec le ministère de l’Education nationale pour établir un module de santé qui s’intègre dans l’ensemble des programmes enseignés de la maternelle au lycée, car si, jusqu’à présent, les professeurs de SVT (sciences de la vie et de la Terre) et d’EPS (éducation physique et sportive) étaient les mieux placés pour en parler aux élèves, il est souhaitable que tous les acteurs du système éducatif interviennent. Mais il reste à convaincre les rectorats, les établissements scolaires et les enseignants de leur rôle d’intermédiaire dans la diffusion de la prévention.
De même, si les pharmacies et les officines sont des lieux privilégiés pour faire passer les messages de prévention, les médecins, malheureusement encore peu formés à cette idée, restent les interlocuteurs de confiance pour les patients. Ils sont donc prioritaires dans la transmission des informations et surtout dans l’éducation du patient, qui, dans certaines maladies, peut s’automédiquer en suivant un protocole établi avec le praticien.
L’Inpes travaille sur la durée, explique Philippe Lamoureux : «Il a fallu trente ans pour voir les premiers effets positifs de la lutte antitabac et il faudra bien attendre vingt ans pour endiguer l’obésité; la prévention et l’éducation pour la santé sont un travail de fond; communiquer, c’est répéter.» En ce sens, le Pnns (programme national Nutrition Santé) est exemplaire et intéresse maintenant le secteur de la grande distribution et de l’agroalimentaire. Même les mutuelles se sentent concernées.
Une santé publique trop jacobine.
Philippe Lamoureux souhaiterait, à l’instar des pays anglo-saxons ou du Québec, référence en la matière, un maillage plus dense sur le terrain. Travailler avec les réseaux de proximité, les associations régionales de prévention, les collectivités locales est un gage de réussite. Cette articulation des échelles locale, régionale et nationale est à développer impérativement car «quand une campagne est lancée sur le plan national, l’action doit être suivie sur le terrain». Les groupements régionaux de santé publique (Grsp) doivent avoir une plus grande autonomie, l’Inpes ne pouvant y envoyer ses représentants, faute de moyens et de personnel. En matière d’action préventive, décentraliser est nécessaire et efficace, comme le montrent les résultats d’initiatives locales dans le Nord - Pas-de-Calais ou à Nice.
Force de propositions et de recommandations, l’Inpes joue aussi un rôle d’expertise. Mais c’est un long combat que d’infléchir les habitudes des citoyens et des entreprises.
* Issu de l’ENA (promotion « Liberté, Egalité, Fraternité ») et ancien directeur des Affaires sociales.
Pour info : www.inpes.sante.fr, www.essec-sante.com.
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