PHILIPPE DOUSTE-BLAZY, ministre de la Santé et de la Protection sociale et son secrétaire d'Etat, Xavier Bertrand, n'ont pas manqué de s'en féliciter en plein mois d'août : le Conseil constitutionnel, saisi par plus de soixante députés de l'opposition, a donné son feu vert à l'application de la réforme de l'assurance-maladie. Non pas que les ministres aient vraiment craint ce recours, mais le fait que la haute instance ait donné quitus au texte du gouvernement est un succès pour MM. Douste-Blazy et Bertrand, à qui certains avaient promis les foudres du Conseil constitutionnel.
Il n'en a donc rien été et les membres du Conseil ont au contraire rejeté les arguments de l'opposition sur le dossier médical personnel et la mise en place du médecin traitant.
Deux réserves.
Les « sages » ont cependant exprimé deux réserves que le gouvernement devra prendre en compte, mais qui ne remettent pas en cause la philosophie même de la réforme.
La participation forfaitaire de 1 euro à chaque consultation à la charge de l'assuré ; la réduction du niveau de remboursement en cas de refus du patient de donner accès à son dossier médical ; la majoration du ticket modérateur en cas de consultation directe d'un médecin autre que le médecin traitant ; enfin, le dépassement d'honoraires lors de la consultation directe d'un spécialiste, ne devront pas, par leurs montants, explique le Conseil, remettre en cause l'un des principes de la Constitution « qui garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé ».
En clair, l'égalité devant l'accès aux soins devra être garanti, exige le Conseil. Ces préoccupations, ont aussitôt dit les ministres, « rejoignent la volonté du gouvernement d'assurer à chacun le libre accès à des soins de qualité ».
La deuxième réserve est plus formelle : le Conseil rappelle simplement que le cadrage pluriannuel des dépenses, comme le prévoit la réforme dans son article 39, ne pourra être approuvé par une loi de financement de la Sécurité sociale sans que ne soit modifiée la loi organique relative aux lois de financement. Tant et si bien que, pour 2005, le projet de financement de la Sécurité sociale (Plfss) qui sera discuté à l'automne par les parlementaires ne concernera, sans doute pour la dernière fois, que le budget et les dépenses 2005. Le Plfss 2005 restera donc dans un cadre annuel.
70 décrets ou arrêtés.
Après avoir franchi l'obstacle du Conseil constitutionnel, le gouvernement a publié sa réforme dans l'édition du 17 août du « Journal officiel ».
Reste à l'appliquer. Ce ne sera pas le plus simple. Pas moins de soixante-dix décrets ou arrêtés sont indispensables à la mise en musique de la loi et à sa traduction sur le terrain. Mais Philippe Douste-Blazy veut aller vite. Il a promis que 80 % de ces textes seraient prêts avant la fin de l'année. Néanmoins, les mesures les plus spectaculaires et les plus emblématiques de ce texte, comme le dossier médical personnel, le système du médecin traitant ou la contribution forfaitaire de 1 euro, ne seront sans doute pas prêts avant janvier 2005, voire plus tard.
Ce n'est pas réellement inquiétant, dans la mesure où le gouvernement souhaite que la loi entre en application au début de l'année prochaine. Mais il convient de ne pas trop traîner si l'on veut que les effets sur les comptes, que certains mettent déjà en doute, soient visibles assez vite, notamment avant les prochaines échéances électorales. Or 2007, c'est demain.
Parmi les textes qui devraient être publiés plus rapidement, en tout cas avant la fin de l'année, figurent ceux qui concernent les nouvelles instances de pilotage du système de protection sociale, c'est à dire « la gouvernance ».9Ainsi devrait être créée la Haute Autorité de santé, chargée entre autres d'évaluer périodiquement les produits, les actes et les prestations. Ses décisions permettront d'agir sur le remboursement ou le déremboursement des médicaments et des actes médicaux. Devrait également voir le jour cet automne, peut-être dès le mois de septembre, l'Union nationale des caisses d'assurance-maladie (Uncam) qui coordonnera les actions des trois caisses d'assurance-maladie et qui aura la lourde tâche de négocier et de signer des accords avec les professions de santé. Son rôle sera primordial dans la réussite de la réforme. D'où l'importance de son directeur général, qui aura de larges pouvoirs et qui sera nommé en Conseil des ministres.
La mission est donc d'importance pour le gouvernement et son ministre de la Santé. Et les bruits persistants sur un éventuel remaniement ministériel et la « promotion » de Philippe Douste-Blazy qui pourrait être appelé à des fonctions ministérielles plus élevées, peuvent inquiéter les professionnels de santé qui verraient mal le pilote de la réforme quitter son poste au milieu du gué.
« L'écriture des décrets va conditionner la mise en forme de cette réforme », expliquait il y a quelques jours le président de la Confédération des syndicats médicaux français (Csmf), le Dr Michel Chassang, pour qui « ça peut aller dans le bon comme dans le mauvais sens ». C'est dire l'attention particulière que les médecins prêteront à la publication des textes d'application. « On n'a jamais vu de chantiers aussi importants », ajoutait même, non sans quelque emphase, le président de la Csmf. Une manière d'affirmer qu'un changement de ministre ne serait guère apprécié avant la mise en place de la réforme.
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