« Nous repartons de façon décidée. Il ne faut pas se contenter de la routine. La situation est alarmante. » Bernard Kouchner, ministre délégué à la Santé, joint le geste à la parole.
Inscrite dans le cadre d'un plan d'action triennal (2002-2004), la nouvelle stratégie du gouvernement pour lutter contre le SIDA bénéficie d'un financement de 430 millions de francs (65,5 millions d'euros) en 2002, imputé au seul budget du ministère de l'Emploi et de la Solidarité, et réparti de la façon suivante : 170 millions destinés aux actions auprès de groupes ciblés, 106 millions consacrés à la sensibilisation de la population générale et 139 millions allant au programme intégrant les personnes atteintes.
« Très volontariste », selon le ministre délégué à la Santé, la stratégie mise au point par les pouvoirs publics répond aux nouvelles donnes de l'épidémie. Elle cible les groupes les plus exposés (parmi eux, les homosexuels, les étrangers, les toxicomanes, les jeunes et les populations des départements d'outre-mer). La réduction des risques auprès des usagers de drogue représente d'ailleurs le plus gros poste budgétaire (92 millions environ). « Nos actions doivent être ciblées en termes de communication, de mode d'information, au plus près des groupes concernés », a souligné le ministre.
Pour répondre aux besoins des départements français d'Amérique (Guyane, Martinique, Guadeloupe), qui totalisent 4,8 % des personnes touchées par le SIDA et 7,4 % des nouveaux cas de SIDA, pour une population qui représente seulement 1,6 % de la population nationale, le gouvernement lance une campagne spécifique comprenant notamment la diffusion par les télévisions de 5 saynètes de 5 minutes chacune. Ces films mettent en lumière les comportements à risque. Samantha qui travaille à la comptabilité est une bombe. Jean-René ne rêve que d'elle ! Au cours d'une soirée organisée par la radio de Prisca, après avoir bu et fumé, il parvient à l'entraîner chez lui. Au réveil, il ne se souvient plus de rien. Le tout se déroule sur airs de zouk.
« Les actions spécifiques ne doivent pas nous faire omettre de maintenir un haut niveau de vigilance auprès de la population générale », a cependant rappelé Bernard Kouchner. Elaborée en partenariat avec les différentes associations de malades, une affichette, mise à la disposition du terrain (DDASS, associations, CDAG, etc.) à l'occasion de la journée du 1er décembre, diffuse un message d'alerte : « L'épidémie reprend, reprenons le préservatif. » Entre le 1er et le 10 décembre 2001, toutes les chaînes de télévision vont projeter, chaque jour, un nouveau spot TV de 40 secondes qui met en scène 12 personnes d'âge, de sexe et d'origine socioculturelle variés (jeunes, homosexuels, DOM, milieux sociaux différents, etc.), toutes contaminées par le virus du SIDA dans une journée, en France. Sur chaque portrait s'inscrit le prénom et l'âge de la personne. Au total, 120 personnes représentatives des nouvelles contaminations sont actrices des films qui concluent sur le message retenu : « L'épidémie reprend. Reprenons le préservatif. »
Interrogé sur son « point de vue personnel », le ministre délégué à la Santé s'est autorisé à quelques commentaires : « Comme d'habitude dans notre pays, nous sommes pusillanimes et pudibonds. Nous gagnerions peut-être à être plus forts dans nos messages. Mais cette campagne a été décidée avec les associations. Le film destiné aux départements d'outre-mer me semble plus branché sur le sujet. »
Agir en direction des jeunes
Bernard Kouchner a, en outre, insisté sur l'urgence à « agir en direction des jeunes », en milieu scolaire - « mais cela dépend aussi des directeurs d'établissement », a-t-il indiqué -, et hors milieu scolaire - il veut « associer plus encore » la ministre de la Jeunesse et des Sports. Le ministre veut encore renforcer le dépistage. A ce propos, a-t-il fait remarquer, « je ne suis pas sûr que chaque fois qu'ils ont une demande d'examen prénuptial et prénatal, les médecins proposent un dépistage du VIH ». Répondant à l'appel de l'association de lutte contre le SIDA, Act-Up, qui se bat pour « le préservatif féminin à un franc », le ministre a déclaré en substance qu'il n'était pas opposé à étudier la question. C'est-à-dire à évaluer l'intérêt d'une telle mesure et à en chiffrer le coût. Le préservatif féminin est cher (entre 5 et 6 F de prix de revient).
Enfin, la France, a rappelé Bernard Kouchner, « a une place, un rôle dans la réduction des inégalités dans l'accès aux traitements dans les pays en développement ».
Plan triennal : les principales mesures pour 2002
. Renforcer les actions de prévention
- En direction des homosexuels masculins : 19,3 millions de francs sont affectés en 2002, notamment pour renforcer les actions dans les lieux de rencontres et pour une campagne de communication qui doit débuter prochainement avec la presse spécialisée.
- Des personnes prostituées, notamment des mineurs. Des actions seront conduites avec les ministères de l'Intérieur et de la Justice et le ministère délégué à la Famille. « Il doit y avoir un accès aux préservatifs dans les milieux prostitués très jeunes », selon le ministre.
- Des toxicomanes usant de drogues intraveineuses. C'est le plus gros poste budgétaire de la campagne, 92 millions en 2002. Le Stéribox (le kit de prévention contenant notamment des seringues stériles) passe à un euro (6,56 F).
- Du milieu carcéral : 5 millions de francs sont consacrés à la diminution des risques. C'est-à-dire à la formation des personnels pénitentiaires et sanitaires et au renforcement des politiques de dépistage et de suivi.
- Des étrangers vivant en France : un effort financier de 16,2 millions est prévu en 2002 pour l'accès à la prévention, au dépistage et aux soins précoces.
Améliorer la prise en charge thérapeutique des personnes atteintes
Un groupe de travail étudie les modalités de prise en charge par l'assurance-maladie des produits de comblement pour lutter contre les phénomènes de lipoatrophie. Bernard Kouchner promet des propositions prochainement. Par ailleurs, des études sont en cours pour valider des stratégies de traitements séquentiels. Ce qui pourrait avoir des conséquences importantes sur la tolérance et l'observance des traitements. Dans le cadre de la lutte contre l'échappement thérapeutique, le ministre a proposé la création d'une structure européenne de coordination des essais thérapeutiques sur le VIH. Enfin, le dispositif des appartements de coordination thérapeutique (ACT) sera financé par l'assurance-maladie dès 2002 (coût : 26,7 millions).
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