L'annonce récente par la Cnam (Caisse nationale d'assurance-maladie) d'une hausse des remboursements de médicaments de 6 % en 2004 n'y est sûrement pas pour rien. Et le gouvernement, actuellement en pleine préparation du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2006, et toujours à la recherche de gisements d'économies, a dans ses cartons trois mesures génératrices d'économies potentielles sur le poste médicament (17,5 milliards d'euros de remboursement, soit 30 % du montant des soins de ville).
Première mesure envisagée : l'instauration d'un forfait de 1 euro par boîte de médicament vendue. C'est Bercy qui tient le plus à cette mesure qui pourrait rapporter entre 500 millions et 2,5 milliards d'euros aux caisses en fonction du montant du forfait (1 euro ou 50 centimes), et de l'instauration ou non d'un plafond pour éviter que les gros consommateurs de médicaments (souvent des personnes âgées) ne soient trop pénalisés. Au ministère de la Santé, compte tenu de l'impact politique d'une telle mesure, on n'est pas très chaud, mais le ministère de l'Economie continuerait « à faire le forcing », selon l'expression d'un observateur averti du monde de la santé. Selon ce même observateur, il n'est pas exclu que Bercy arrive à ses fins, mais cette mesure serait accompagnée d'un plafond suffisamment bas pour ne pas trop pénaliser les patients.
La question des déremboursements.
Mais il existe d'autres pistes d'économies, au nombre desquelles le fameux déremboursement des 221 médicaments réévalués par la Haute Autorité de santé (HAS), et jugés à SMR insuffisant. Sur ce dossier, Xavier Bertrand semble coincé entre le marteau et l'enclume. En effet, soit il suit les recommandations de la HAS et se met à dos l'industrie pharmaceutique qui est en droit d'estimer qu'elle a déjà suffisamment pris sa part dans la politique d'économies (sans compter que cette mesure serait politiquement mal perçue par l'opinion à dix-huit mois de la présidentielle), soit il désavoue cette même HAS qui a recommandé le retrait du remboursement de ces 221 médicaments.
Toujours selon nos informations, Xavier Bertrand a rencontré tout récemment Laurent Degos, président de la HAS, et lui aurait dit en substance que le risque politique d'une telle mesure serait très important au regard des économies attendues (environ 500 millions d'euros). En conséquence, Xavier Bertrand, qui s'est engagé à rendre publique sa décision d'ici à la fin du mois, pourrait bien choisir la voie médiane en optant pour un nouveau taux de remboursement de 15 %, à titre provisoire. Par exemple, jusqu'au printemps 2007, histoire de ne pas insulter l'avenir. Le ministre de la Santé ménagerait ainsi la chèvre et le chou, les membres de la HAS ayant insisté sur le fait que, si « des mesures d'accompagnement du déremboursement devaient être prises, elles devraient être transitoires ».
Il faudra ensuite décider si les mutuelles et les complémentaires, hostiles à ce taux intermédiaire de remboursement, rembourseront ou non la différence à leurs patients. Il faudra également amadouer les médecins libéraux, qui vont devoir faire preuve de pédagogie vis-à-vis de leurs patients et leur expliquer pourquoi le médicament qu'ils leur prescrivent depuis longtemps est déremboursé, ou moins bien remboursé. Notamment pour ce qui est des veinotoniques qui, s'ils sont visés par la réévaluation du SMR, n'en sont pas moins plébiscités par les patients. Au sujet des veinotoniques, des voix s'élèvent ici et là pour faire remarquer que les experts de la HAS chargés de réévaluer les SMR sont dans leur grande majorité des hospitaliers et, à ce titre, peu habitués à traiter ce genre de « petites pathologies ».
Casus belli.
Troisième piste explorée par Xavier Bertrand : celle de la généralisation des tarifs forfaitaires de responsabilité (TFR). Selon Frédéric van Roekeghem, directeur de l'Uncam, cette mesure pourrait rapporter 300 millions d'économies. D'après nos informations, des listes de médicaments « TFRisables » de trois, voire quatre, pages circuleraient actuellement au ministère de la Santé. Mais, si cette mesure était décidée, elle risquerait de provoquer quelques dommages collatéraux. Tout d'abord, le ministre devrait compter avec l'hostilité des pharmaciens d'officine qui se sont engagés résolument dans la substitution et pour qui cette mesure serait un casus belli. Mais la mesure pourrait aussi porter un coup d'arrêt au développement des génériques : si toutes les copies sont au même prix que le princeps, pourquoi les patients ne réclameraient-ils pas l'original ?
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