Grève des gardes de nuit des généralistes qui pourrait bientôt s'accompagner d'une grève des gardes de week-end, grève des gardes des internes et des résidents (voir page 6), agitation chez les infirmières libérales qui réclament des revalorisations tarifaires représentant 1,5 milliard de francs : à quelques mois des élections présidentielle et législatives, Elisabeth Guigou se trouve prise dans la spirale des revendications des professionnels de santé.
Une spirale à laquelle elle a elle-même contribué en accordant satisfaction - ou partiellement satisfaction - ces derniers mois aux personnels des hôpitaux, aux praticiens hospitaliers, aux cliniques, aux obstétriciens et en approuvant un accord prévoyant pour les masseurs kinésithérapeutes l'annulation des baisses d'honoraires qu'ils avaient subies ces derniers mois. Sous la pression des communistes et des professions de santé, elle a ainsi accordé en peu de temps près d'une dizaine de milliards à ces différents secteurs (voir ci-dessous).
La participation des généralistes à la grève des gardes de nuit pour obtenir une revalorisation des consultations et des visites est difficile à apprécier globalement. Selon les estimations du Dr Chassang, président de l'UNOF, qui a été à l'origine de ce mot d'ordre, la grève serait suivie à 80 %. La situation ne semble pas poser de problèmes majeurs en termes de permanence de soins, sauf dans les villes où SOS-Médecins s'est joint au mouvement, comme à Lille (voir page 4). Dans de nombreux départements, les préfets ont procédé à des réquisitions.
Les revendications des généralistes, qui demandent que la valeur de la consultation soit portée de 115 F à 131,20 F (20 euros) et celle de la visite de 135 F (145 F dans certaines villes) à 196,79 F (3O euros) représenteraient une somme totale de 7,9 milliards de francs, selon la CNAM (dont six milliards environ à la charge de l'assurance-maladie). Soit une augmentation de 20 % des revenus des généralistes, selon la CNAM. Une estimation que la CSMF juge surévaluée.
Incertitudes pour les libéraux
Après avoir cédé aux revendications de différents secteurs de la santé, Elisabeth Guigou est-elle disposée à lâcher du lest en faveur des généralistes ? Après avoir un moment laissé entendre qu'il ne ferait pas la sourde oreille à leurs revendications, le gouvernement, ces derniers temps, s'est montré plus réticent en faisant valoir que, sur les dix dernières années, les tarifs des consultations avaient été revalorisés dans des proportions supérieures à l'inflation.
« On est dans une situation paradoxale, commente de son côté le Dr Claude Pigement, délégué national du PS à la santé ; d'un côté, tout monde reconnaît que 115 F pour une consultation, ce n'est pas énormément bien payé, compte tenu de l'investissement intellectuel des praticiens ; d'un autre côté, compte tenu de l'effet volume et de l'augmentation du nombre d'actes, il y a une forte augmentation des dépenses des soins de ville. »
Et le Dr Pigement de formuler, à titre personnel, une proposition qui pourrait permettre, selon lui, de mettre un terme au conflit actuel : profiter du passage à l'euro pour faire passer la consultation de 115 F (17,53 euros) à 118,07 F (18 euros). Reste à avoir comment les syndicats de généralistes accueilleraient une revalorisation de 3,07 F, très éloignée de leurs revendications.
Pour l'instant, Elisabeth Guigou n'a pris aucune mesure concrète de nature à apaiser la grogne persistante des praticiens libéraux. Elle s'est contentée de proposer une réforme du système des conventions avec l'assurance-maladie, prévoyant de n'appliquer le système, très contesté, des lettres clés flottantes que pour le cas où l'assurance-maladie et les syndicats professionnels ne parviendraient pas à élaborer une convention médicale.
Elle vient d'ailleurs de rédiger une nouvelle version de ce projet de réforme du système de convention médicale et de régulation des dépenses de médecine de ville (voir page 7). Cependant, cet amendement gouvernemental, qui doit être discuté dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, n'est pas de nature à satisfaire les syndicats de praticiens libéraux.
Prise dans cette spirale des revendications du monde de la santé, Elisabeth Guigou dispose pourtant d'une petite marge de manœuvre financière : les rentrées de cotisations sociales sont supérieures aux prévisions pour 2001, compte tenu d'une augmentation de la masse salariale plus importante que prévu (de l'ordre de 6,5 % au lieu des 5,9 %). Ce sont plusieurs milliards supplémentaires qui vont se retrouver dans les caisses du régime général. Une amélioration qui, compte tenu de l'effet report d'une année sur l'autre, jouera également pour 2002.
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