À L'ISSUE de la dernière réunion de la commission des comptes de la Sécurité sociale (CCSS), Roselyne Bachelot et Éric Woerth avaient constaté un dérapage probable des dépenses d'assurance-maladie cette année à hauteur de 700 millions d'euros environ par rapport à l'objectif fixé (ONDAM). Pour autant, ils avaient alors décidé de reporter à plus tard l'éventualité d'un plan de redressement (« le Quotidien » du 20 juin).
Après avoir adopté des postures contradictoires ces dernières semaines, la ministre de la Santé et son collègue au Budget et aux Comptes publics s'apprêtent maintenant à faire «des annonces autour du 30juillet», indique-t-on du côté de Bercy, sans plus de précisions. Mardi, Roselyne Bachelot et Éric Woerth ont conjointement entamé une phase de concertation avec la Mutualité française. Ils la poursuivront la semaine prochaine en recevant les représentants des syndicats de salariés et du patronat, afin «de parvenir à un diagnostic partagé sur les comptes de l'assurance-maladie et d'enrichir les propositions destinées à revenir progressivement à l'équilibre» à l'horizon 2011, conformément au voeu du Premier ministre, François Fillon.
Le gouvernement reprend donc la main après la remise des propositions de l'Union nationale des caisses d'assurance-maladie (UNCAM) pour réduire le déficit de la Sécu de 4,1 milliards d'euros en 2008 à 2,8 milliards en 2009. Les deux ministres visent aussi, bien sûr, à calmer le jeu auprès des partenaires sociaux et de la Mutualité française (dont les mutuelles protègent 38 millions de personnes) au lendemain du pataquès provoqué par l'affaire des affections de longue durée (« le Quotidien » du 26 juin).
La proposition initiale du patron de l'UNCAM, Frédéric Van Roekeghem, qui consistait à diminuer de 100 à 35 % le taux de remboursement de tous les médicaments à vignette bleue prescrits aux patients en ALD, a été finalement biffée du plan définitif de l'assurance-maladie pour 2009. Dans une interview aux « Échos », Roselyne Bachelot a enterré cette idée que maints observateurs avaient assimilée à un ballon d'essai téléguidé par le gouvernement. «La question du remboursement des médicaments permettant de pallier certains effets désagréables du traitement principal est délicate, car on ne peut pas dire que ce soient des médicaments de confort. C'est une notion inappropriée à la réalité des ALD», a-t-elle déclaré. La ministre a rappelé le principe d'un régime ALD garantissant une «prise en charge à 100% par l'assurance-maladie», c'est-à-dire sans ticket modérateur remboursé par les complémentaires, du moins «pour les traitements relevant de la pathologie en question».
Roselyne Bachelot entend cependant faire participer les ALD aux efforts d'économies collectifs de plusieurs façons : maîtrise médicalisée des dépenses ( «usage systématique» de l'ordonnancier bizone), recherche d'une plus grande efficience dans les stratégies de soin et de traitement* et, enfin, amélioration de la prévention et de l'éducation thérapeutique des patients. En outre, la ministre est aussi en phase avec l'assurance-maladie sur la nécessité d'une révision des critères d'entrée et de sortie de la liste des ALD, même si elle se garde bien à ce stade de viser expressément les diabètes non compliqués, ni l'hypertension artérielle (HTA) sans maladie cardio-vasculaire avérée…
En revanche, Roselyne Bachelot ne s'est pas privée de critiquer les calculs de l'UNCAM. Elle «craint que le compte n'y soit pas», en raison de la sous-estimation du rythme tendanciel de progression des dépenses par les caisses. «Revenir à l'équilibre en 2011 supposerait de faire non pas 3, mais 4milliards d'euros d'économies par an dès 2009», a estimé la ministre. «Il manque alors dans cette hypothèse 1milliard d'euros» au plan de l'assurance-maladie, «dont l'essentiel sera repris par le gouvernement», a-t-elle nuancé.
Inquiétude des médecins.
Un discours qui ne manque pas d'inquiéter en tout cas les syndicats de médecins libéraux, d'autant que les professionnels de santé pourraient faire les frais de la chasse aux nouvelles économies cet été et dans le prochain PLFSS. Pour le président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), Michel Chassang, ce «tour de vis supplémentaire» risque de «peser sur les négociations conventionnelles» qui reprennent aujourd'hui même.
Le Syndicat des médecins libéraux (SML) juge «irréalisable» l'objectif de 4 milliards d'euros d'économies supplémentaires en un an. Face au «choc sanitaire» des ALD, le SML reproche au gouvernement de se focaliser sur les dépenses sans explorer un élargissement de l'assiette des recettes (stock-options…). À défaut, prévient le SML, «on change de système pour aller vers une logique assurantielle» (par un transfert sur les complémentaires), ce qui nécessite alors «un véritable débat politique».
* Sur la base des recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) qui vient d'installer justement sa nouvelle « commission Evaluation économique et de santé publique » (« le Quotidien » du 13 juin).
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