XAVIER BERTRAND devra trancher. Et on doute qu’il soit ravi de le faire.
Le verdict de la commission de la transparence qui dépend de la Haute Autorité de santé (HAS) sur le service médical rendu (SMR) de 240 médicaments et qui conclurait à une efficacité insuffisante de 145 d’entre eux, met une forte pression sur le gouvernement et le ministre de la Santé. La décision de la HAS doit être rendue publique demain ; mais, depuis quelques jours, les commentaires vont bon train.
On sait que c’est la troisième vague de déremboursements qui est ainsi proposée. La première qui touchait des produits réellement peu efficaces et souvent peu connus a soulevé une faible contestation. Contrairement à la deuxième, qui concernait des veinotoniques. Le gouvernement avait alors décidé de ne pas suivre entièrement la HAS puisqu’il a inventé pour ces produits un taux de remboursement à 15 % tout en décidant de rembourser à ce taux les 62 veinotoniques en question jusqu’au 1er janvier 2008. Une manière de permettre aux industriels concernés de s’adapter à la situation nouvelle.
Des médicaments sur ordonnance.
On prête au ministre de la Santé l’intention de rééditer son opération pour la troisième vague de déremboursements, notamment pour les vasodilatateurs. Mais la situation est inédite, dans la mesure où la nouvelle vague concerne des médicaments délivrés uniquement sur prescription, et que, dès lors, certains s’interrogent sur les critères qui ont poussé les experts de la commission de la transparence à proposer le déremboursement de médicaments nécessitant une ordonnance médicale pour être dispensés par une pharmacie.
L’argument a fait mouche auprès de certains responsables gouvernementaux qui pourraient le faire valoir pour s’opposer à la proposition de la commission de la transparence. En tout cas, ce n’est pas un secret d’Etat que de révéler que le ministre de la Santé n’est pas favorable au déremboursement total des vasodilatateurs pour des raisons aussi bien médicales et sociales qu’économiques et politiques.
Le gouvernement craint que la suppression du remboursement de ces spécialités se traduise par un transfert de prescription vers d’autres spécialités, certes plus onéreuses, mais qui, surtout, pourraient perturber les patients, notamment les personnes âgées, habituées à prendre un vasodilatateur qu’elles supportent bien et qui les rassurent.
De même, ces patients, au revenu parfois modeste, pourraient éprouver des difficultés à se procurer les médicaments sans être remboursés. A cet égard, la récente enquête menée par « 60 Millions de consommateurs » et montrant que le prix des médicaments déremboursés avaient tendance à s’envoler pourrait être un argument de poids pour que le ministre les maintienne dans la liste des produits remboursés.
Les conséquences économiques d’une telle décision ne seraient pas nulles pour les entreprises qui les mettent sur le marché. Des entreprises la plupart du temps françaises et qui ne manqueraient pas de plaider leur cause auprès du gouvernement. Il est évident que le déremboursement d’un médicament comme le Tanakan, proposé par la HAS, porterait un coup à son fabricant, le Laboratoire Ipsen. Même si le dynamisme de cette entreprise va l’amener à mettre prochainement sur le marché de nouveaux médicaments performants, les conséquences d’un déremboursement de Tanakan seraient sérieuses, puisque ce médicament, avec un chiffre d’affaires de près de 90 millions d’euros, représente une large part du résultat annuel de l’entreprise. Mais d’autres industriels français, aussi importants pour l’économie nationale et l’emploi que Servier, Pierre Fabre ou sanofi-aventis sont également concernés.
Enjeu politique.
Enfin, il est évident que, à six mois des élections présidentielle et législatives, la décision de dérembourser des médicaments n’est pas la meilleure façon d’accroître sa popularité. Le ministre de la Santé ne le sait que trop bien.
On se souvient d’ailleurs que Xavier Bertrand a dit à plusieurs reprises qu’il n’était pas question de pénaliser une nouvelle fois les assurés sociaux, et qu’il a pris les devants dès septembre en prévenant qu’il serait très attentif aux conditions de mise en oeuvre d’une éventuelle vague de déremboursements.
Dès lors, la décision du ministre (qui devrait être connue au début de la semaine prochaine) paraît évidente : un taux de remboursement de 15 %. Reste à savoir s’il sera définitif ou limité dans le temps, comme pour les veinotoniques. La Haute Autorité, dans son avis de demain, consciente des difficultés qu’un déremboursement total et brutal impliquerait, proposerait un remboursement temporaire à un taux transitoire, soit 15 % jusqu’au 1er janvier 2008, comme pour les veinotoniques.
Une porte de sortie pour le gouvernement qui pourrait l’emprunter, même si la décision de limiter dans le temps ce remboursement à 15 % n’est pas encore réellement arrêtée.
Mais pour les industriels du médicament, qui mettent en garde depuis un certain temps le gouvernement au sujet de la dégradation des résultats de leur secteur d’activité, la coupe est pleine : «Après la décision des autorités de baisser le prix de certains médicaments, voilà le retour des déremboursements.»«Attention à ne pas aller trop loin, prévient Christian Lajoux, président du Leem (Les Entreprises du médicament). Ce n’est pas la meilleure façon d’inciter les entreprises nationales ou internationales à investir pour l’emploi ou l’innovation.»
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