« LA REFORME de l'assurance-maladie s'effectue sans les usagers en général et sans les patients mucoviscidosiques en particulier. » La phrase est lapidaire et résume l'état d'esprit qui prévaut dans les rangs de l'association Vaincre la mucoviscidose. Cette dernière avait obtenu, par une circulaire d'octobre 2001, que l'Etat s'engage à financer (à hauteur de 4,57 millions d'euros sur 3 ans) des Centres de ressources et de compétences mucoviscidose (Crcm). Si le premier versement a eu lieu comme prévu en 2002, le deuxième s'est fait attendre jusqu'en décembre 2003 et l'association sollicite en vain le ministère, qui refuse de confirmer un éventuel troisième versement. La même circulaire prévoyait la mise en place d'une démarche d'évaluation qui n'a pas vu le jour.
Ce silence des pouvoirs publics n'est que la partie émergée de l'iceberg. Dans un contexte déjà difficile pour les patients, les membres de l'association dénoncent une régression des droits et expriment leur inquiétude face aux différentes réformes en cours. « La lutte contre la mucoviscidose se mène autant dans les couloirs des ministères que dans les salles de soins des hôpitaux », commente le président Jean Lafond. Parmi les mesures incriminées, le déremboursement des médicaments à SMR insuffisant, en particulier les aérosols (colimycine) ou les vitamines, non justifiés médicalement pour le patient lambda mais essentiels pour le mucoviscidosique : l'association propose que le SMR soit fixé au cas par cas, en consultant les spécialistes et les associations de patients. Le Pr Jean Navarro rappelle également que la prévention des infections n'est pas prise en charge (lingettes, solutions hydroalcooliques) et que les difficultés sociales (financement des produits, du transport, des aides ménagères, de la scolarité à distance, du manque à gagner professionnel, etc.) sont autant de « coups de griffe » que subit l'autonomie du patient. L'association milite contre la suppression de l'allocation adulte handicapé (AAH) lors d'une hospitalisation, alors que « les malades ont des charges fixes ».
Richesse thérapeutique et indigence sociale.
Pour autant, les patients mucoviscidosiques n'ont jamais vécu aussi bien ni aussi longtemps, à en croire les statistiques de l'Observatoire national de la mucoviscidose (ONM), qui recense en détail 70 % d'entre eux. Les 5 500 malades français seraient une population jeune, mais où la part des adultes tendrait à augmenter (l'espérance de vie à la naissance dépasserait aujourd'hui les 38 ans) et où la quasi-totalité des enfants seraient scolarisés. La mise en place des Crcm a permis une meilleure prise en charge par la concentration des patients. Les progrès de la recherche ont donné lieu à de nouvelles médications : panel de traitements des symptômes (principalement pulmonaires et digestifs) liés à des épisodes inflammatoires et infectieux, sortie de nouvelles molécules destinées à corriger les défaillances de la protéine Cftr en cause, essais cliniques pour une future thérapie génique sur le gène correspondant.
Parallèlement, l'espoir ultime des patients que représente la transplantation pulmonaire correspond en France à une activité dont l'état serait « désastreux et scandaleux », selon l'association. L'un des auteurs du rapport de l'ONM, Gil Bellis, estime que si, aujourd'hui, un patient sur deux en liste d'attente pourra bénéficier d'une greffe, ce ne sera plus le cas que d'un patient sur quatre à l'horizon 2010. Surtout, en plus des limites habituellement rencontrées (pénurie de greffons, compatibilité, etc.) pour ce type d'intervention, l'association observe une « perte de chances liée aux moyens ou à la logistique ». Ainsi des centres transplanteurs refuseraient des greffons par manque de moyens matériels ou personnels, ce qui aurait entraîné des décès sur liste d'attente : « Vous imaginez que quand on est médecin on le supporte mal, quand on est parent ou patient on ne le supporte pas du tout », s'indigne à juste titre le Pr Navarro. « Nous avons toujours présenté des solutions qui vont dans le sens du patient et de l'économie », rappelle de son côté Jean Lafond, qui espère cette fois se faire entendre des pouvoirs publics.
* Tél. 01.40.78.91.91, www.vaincrelamuco.org.
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