LE QUOTIDIEN
Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale fixe à 3 %, comme l'an dernier, la progression du chiffre d'affaires de l'industrie pharmaceutique en 2002. Au-delà, les laboratoires seront financièrement sanctionnés. Quelle est la réaction du président du SNIP ?
JEAN-JACQUES BERTRAND
Rien n'a changé. Le même système d'inspiration comptable sert de schéma pour déterminer la limite des dépenses à ne pas dépasser pour les médicaments. Sans que l'on se pose la question de la réalité des besoins médicaux et des attentes des Français, sans que l'on prenne en compte des paramètres comme le vieillissement de la population, la mise sur le marché de médicaments qui coûtent de plus en plus chers en recherche et développement, sans que l'on s'interroge sur les nouvelles thérapeutiques à mettre en uvre. Il est aujourd'hui irréaliste de maintenir ce taux de 3 %, alors même que chacun en convient : la hausse naturelle des dépenses de médicaments ne peut être chaque année inférieure à 6 ou 7 %. Ce qui, par ailleurs, est le cas des autres pays européens.
On nous reproche un système de santé trop dispendieux. Mais si je me réfère aux comptes de la santé en 2000, la part des dépenses de santé dans le PIB augmente à un rythme relativement lent ; elle croît de 0,8 point du PIB depuis le début des années quatre-vingt-dix. De ce point de vue, explique ce document, la France se place au quinzième rang des pays de l'OCDE. Il n'y a donc pas lieu de crier au scandale.
Mais les dépenses de médicaments progressent d'une façon beaucoup plus rapide.
Moins, là encore, que dans la plupart des pays développés, comme le démontrent toutes les statistiques internationales qui mettent la France derrière des pays comme le Royaume-Uni, l'Italie, l'Espagne, et bien évidemment les pays de l'Amérique du Nord.
Cela ne signifie pas cependant qu'il faille rejeter toute idée de maîtrise des dépenses. Mais un tel dispositif ne doit plus reposer, comme aujourd'hui, sur des critères uniquement comptables. Il faut se donner pour objectif d'améliorer la qualité des soins. Et surtout l'élaboration d'un système de maîtrise doit concerner et impliquer l'ensemble des acteurs du monde de la santé.
Et pas simplement l'industrie pharmaceutique, selon vous ?
La solution du problème est globale et concerne chaque professionnel de santé et, bien sûr, les pouvoirs publics et l'assurance-maladie. On ne peut pas faire porter tous les efforts sur l'industrie pharmaceutique. Elle est toujours la seule, ou presque, à être mise à contribution. Déjà le plan du gouvernement de juillet dernier, avec des baisses de prix d'un total de 2,4 milliards, qui touchent également de façon incompréhensible et inacceptable les médicaments innovants, a frappé les laboratoires de plein fouet. Avec les reversements, les contributions, les taxes diverses sur les spécialités ou les ventes directes aux officines, l'industrie pharmaceutique va reverser à l'assurance-maladie 5 % de son chiffre d'affaires en médicaments remboursables. Soit pas loin de 5 milliards de francs. C'est trop, et cela ne constitue en aucune façon une solution.
Il n'accroît pas simplement les taxes sur la promotion ; il les alourdit considérablement, notamment pour les premières tranches de dépenses. C'est incompréhensible. Lorsque l'on sait que la majeure partie des dépenses de promotion, 80 %, concerne la visite médicale, le gouvernement, en prenant cette mesure, nous dit clairement : licenciez ! Il faut savoir que dans les dépenses de promotion, non seulement sont pris en compte les salaires des délégués médicaux, mais aussi leurs primes d'intéressement et de participation. On est dans l'absurde.
Nous ne nous y sommes jamais opposés, et, pour notre part, nous avons toujours été favorables à des rencontres, à des discussions avec l'ensemble des partenaires concernés par cette question. Le gouvernement a préféré la taxation unilatérale à la concertation. C'est dommage. La visite médicale est d'abord le moyen privilégié d'informer le médecin des nouveaux médicaments. Cette information est de plus en plus fiable, contrôlée, encadrée strictement par les autorités de santé. Elle est indispensable aux médecins. Il ne sert à rien, sous prétexte de faire baisser les dépenses de médicaments à la charge de l'assurance-maladie, de taxer un peu plus les laboratoires et la promotion. Il ne faut d'ailleurs pas être dupe : ces taxes supplémentaires, qui, dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2002, procureront quelque 800 millions de francs de plus à l'assurance-maladie, sont avant tout mises en place pour en réduire le déficit.
Un nouvel accord conventionnel à la fin de 2002
Le système de contributions imposées chaque année à l'industrie pharmaceutique par le biais du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, l'alourdissement des taxes, les baisses de prix, le plan médicament : tout cela ne vous incite-t-il pas à remettre en cause le système conventionnel dont beaucoup s'interrogent aujourd'hui sur son utilité ?
Certains, je le sais, se posent la question. Mais le système conventionnel, qui lie l'industrie pharmaceutique à l'Etat, permet à chaque laboratoire de discuter avec le comité économique des produits de santé des modalités d'application, pour ce qui le concerne, du plan médicament et des baisses de prix, par exemple. C'est toujours mieux que de se voir imposer des mesures autoritaires, même s'il est vrai que, en définitive, ces baisses de prix sont irrémédiables. Mais elles peuvent être modulées, en fonction de la situation de chaque entreprise. Il est vrai cependant qu'à chaque fois que le gouvernement prend des mesures hors du cadre conventionnel, cette question se pose.
La convention actuelle s'achève à la fin de 2002. Les discussions qui auront lieu l'année prochaine pour la discussion d'un nouveau contrat cadre devront bien prendre en compte le fait que les entreprises ont besoin d'avoir une certaine visibilité dans le temps. C'est pour cela qu'elles signent des conventions.
Rien n'est exclu. Beaucoup d'entreprises importantes ont été choquées par la décision du gouvernement de baisser le prix des médicaments innovants, efficaces, de pénaliser ainsi des spécialités qui avaient montré toute leur utilité, et de punir dans le même temps les entreprises qui les avaient mises sur le marché. Des voix se sont fait entendre pour poser la question des investissements en France. Déjà, je constate que les programmes des entreprises sont moins nombreux qu'auparavant.
SMR : insuffisance ne signifie pas inutilité
Pour préserver ces médicaments innovants, certains, même parmi les industriels, préconisent de dérembourser carrément les médicaments à SMR insuffisants. Est-ce aussi votre sentiment ?
L'intérêt économique de cette mesure serait très limité. Car avec les baisses de prix, les baisses de taux de remboursement prévues par le plan du gouvernement, le poids de ces produits dans la prise en charge de l'assurance-maladie va baisser de 40 à 50 % dans l'année qui vient. De plus, il ne faut pas croire qu'en déremboursant ces produits, on va retrouver 100 % des sommes en question. Enfin, il est certain que le gouvernement n'a pas déremboursé ces spécialités, car il craignait un transfert de prescriptions vers d'autres spécialités plus chères. Ce n'est donc pas aussi simple que certains le croient. Par ailleurs, ces spécialités, mêmes si elles ont un SMR insuffisant, ne sont pas inutiles, notamment pour certains patients. Insuffisance ne signifie pas inutilité. Enfin, rien n'a été prévu, rien n'a été fait pour préparer le passage de ces spécialités vers d'autres formes de distribution. Je pense, en particulier, à l'automédication, qui reste encore bien confidentielle en France.
Présidence du SNIP : le changement dans la continuité
Vous quittez la présidence du SNIP en décembre prochain, après un mandat de deux ans, comme vous l'avez souhaité. N'est-ce pas un délai trop court pour mettre en place une politique syndicale ?
Nous avons voulu limiter désormais le mandat du président du syndicat à deux ans. Il faut, au SNIP, un président attaché à la réalité du terrain. Par ailleurs, il doit être impliqué pour faire avancer les dossiers collectifs.
Mener deux fonctions en parallèle est épuisant.
L'autre avantage d'un mandat court est d'apporter des approches et des idées nouvelles.
Le changement se fera dans la continuité. Mon successeur, désigné depuis un an, Jean-Pierre Cassan, suit de très près, avec moi, tous les dossiers importants et anime des commissions et réunions. Il ne sera donc pas en terrain inconnu au 1er janvier prochain, lorsqu'il occupera mon fauteuil et il sera tout de suite opérationnel.
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