A RAMATUELLE, en clôture de la onzième université d'été de la Csmf, le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, a réussi une forme de prouesse : se faire applaudir (assez) longuement par les cadres confédérés sans rien promettre de concret aux médecins libéraux pour 2006, sinon sa volonté de continuer sur la voie de la « confiance », du « partenariat » et du « respect mutuel ».
Pour le gouvernement, comme pour le directeur de la Caisse nationale d'assurance-maladie (Cnam), l'équation financière (et politique) est délicate, faute de marge de manœuvre.
La commission des comptes de la Sécu donnera des indications précises aujourd'hui sur le déficit de l'assurance-maladie attendu en 2005 (8,3 ou 8,4 milliards d'euros) et sur celui de la branche en 2006 ; l'objectif du gouvernement est de limiter cette impasse financière à 6,5 milliards d'euros.
Mais la volonté de réduire rapidement le déficit l'année prochaine se heurte à un double obstacle : l'atonie de la croissance qui tarit les rentrées de cotisations (ce qui a conduit le gouvernement à multiplier les recettes de poche pour boucler le projet de loi de financement de la Sécu 2006) et la difficulté de maîtriser durablement les dépenses, au-delà de l'effet psychologique. A cet égard, si la dynamique de maîtrise médicalisée est indéniablement enclenchée avec 600 millions d'euros d'économies (contre un milliard attendu cette année), les résultats de prescriptions poste par poste se révèlent fragiles et très inégaux (lire page 4).
Bertrand : les rendez-vous de la convention seront tenus.
A Ramatuelle, devant le principal syndicat-partenaire, le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, a donc soufflé le chaud et le froid, et s'est montré tout aussi prudent sur la carotte que sur le bâton.
Certes, les efforts des médecins libéraux « portent leurs fruits » et il n'est « pas question de faire les erreurs du passé », allusion directe au plan Juppé qui, en 1995, avait substitué la maîtrise comptable à la maîtrise médicalisée de 1993. Xavier Bertrand promet que l'objectif de dépenses assigné aux soins de ville en 2006, bien qu'inférieur à celui de l'hôpital, ne sera pas « une provocation » et qu'il permettra de tenir « tous les rendez-vous conventionnels ». En demandant un effort « plus important » sur le médicament en 2006, le ministre de la Santé trouve également, de façon habile, un argument pour expliquer aux médecins qu'il donne mécaniquement un ballon d'oxygène pour les honoraires, puisque les deux postes se rejoignent dans l'enveloppe des soins de ville.
Enfin et surtout, l'hôpital devra apporter lui aussi son écot à la maîtrise des dépenses, qu'il s'agisse « des consultations externes, des règles de prescriptions, des achats, de la réglementation sur l'ordonnancier bizone ».
Mais tout en tenant ce discours sécurisant pour les libéraux, Xavier Bertrand se montre « exigeant », insiste sur la nécessité de dégager sans délai ces fameuses « marges de manœuvre, des marges que vous devez créer », exhorte les médecins, non pas à « appliquer » la réforme, mais à s'y « impliquer » sans relâche . « Sur certains points, met en garde le ministre, nous sommes au-delà des objectifs (IJ) , sur d'autres points (statines, ALD), ils ne sont pas atteints : dans les jours qui viennent, il est très important de regarder pourquoi ces objectifs ne sont pas tenus. » Frédéric van Roekeghem, directeur de l'Union nationale des caisses d'assurance-maladie (Uncam), n'a pas dit autre chose à Ramatuelle en annonçant aux militants de la Conf' que le dernier trimestre 2005 serait « décisif, stratégique » pour apprécier les économies . Et donc les contreparties tarifaires. « Les trois mois qui viennent vont déterminer notre conviction, analyse le patron de l'assurance-maladie. Est-ce qu'en décembre, on pourra vraiment dire "la maîtrise médicalisée, ça marche" ? Nous sommes sur la bonne voie, mais plus nous obtenons de résultats rapidement, plus nous prouverons que ça peut marcher sans contrôles. »
Forfait « prévention » : l'idée qui monte.
Gouvernement, assurance-maladie et médecins ont donc un intérêt commun : le succès de la maîtrise médicalisée. La crédibilité de la réforme est en jeu. Les socialistes déjà, par la voix de leur délégué national à la santé, Claude Pigement, ont dénoncé l' « échec patent » du plan Douste-Blazy. La pression sur les syndicats « conventionnistes » risque de monter dans les prochaines semaines.
Du coup, il est probable que, le moment venu, les partenaires conventionnels évalueront les résultats des engagements de maîtrise médicalisée, non pas seulement au 31 décembre 2005, mais « en tendance annuelle » c'est-à-dire depuis que la convention est opérationnelle (avril ou même juillet 2005, selon les interprétations). La Csmf vient de poser des jalons en rappelant que les commissions conventionnelles locales, relais de la maîtrise sur le terrain, ne sont en place que depuis avril. En procédant de la sorte, il sera plus facile d'expliquer, au début de 2006, que la dynamique est favorable et qu'il faut motiver les médecins par des revalorisations.
Lesquelles ?
A Ramatuelle, ni le gouvernement ni la Cnam n'ont promis une augmentation de l'acte de base du généraliste au 1er janvier prochain, au grand dam des médecins confédérés. Si « la question des honoraires n'est pas taboue », déclare Xavier Bertrand, les hypothèses à l'étude portent davantage sur des revalorisations ciblées : consultations des praticiens qui exercent dans des zones sous-médicalisées; forfait « prévention » ou « éducation à la santé » pour le médecin traitant, plus facile à justifier auprès du grand public ; majoration de trois euros pour les consultations des généralistes chez les enfants de deux à six ans, ainsi que le prévoit la convention ; sans oublier le coup de pouce sur la majoration de coordination pour les médecins correspondants. Un inventaire non exhaustif qui ne coïncide pas forcément avec les attentes des médecins, longtemps habitués à des hausses mécaniques du C.
Mais la discussion conventionnelle, qui s'engagera dans les mois qui viennent, peut réserver des surprises et la Csmf a répété que la revalorisation des actes cliniques restait la « priorité » 2006. Sans oublier le rendez-vous de la réforme des consultations. Sur ce dernier point, la réponse de Xavier Bertrand n'aura guère rassuré les confédérés. « Je souhaite que la Ccam clinique mette moins de temps à se réaliser que la Ccam technique », qui a mis une décennie à voir le jour.
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