SANS SURPRISE, la Commission des comptes de la Sécurité sociale (CCSS, où siègent les partenaires sociaux et les représentants du monde de la santé) a estimé que le déficit du régime général, toutes branches confondues, atteindrait 8,9 milliards d'euros en fin d'année, contre – 9,5 milliards d'euros à fin 2007 et – 8,7 milliards à fin 2006 (« le Quotidien » du 18 juin). Éric Woerth, ministre du Budget et des Comptes publics – qui a coanimé la CCSS avec la ministre de la Santé et la secrétaire d'État chargée de la Solidarité –, a fait remarquer que ces chiffres provisoires «respectent le cadrage financier» de la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2008, quoique celle-ci anticipait un déficit un peu inférieur de 8,8 milliards d'euros. En revanche, la CCSS a fait état d'une légère amélioration du solde de la branche maladie, puisque le trou évalué à – 4,2 milliards d'euros dans le PLFSS 2008, pourrait être finalement réduit à – 4,1 milliards d'ici à la fin de l'année. Ce résultat, qui place pour une fois la branche maladie en meilleure posture que la branche vieillesse, serait obtenu grâce au dynamisme des recettes (cotisations sociales et CSG) et en dépit d'un dépassement tendanciel de l'ONDAM estimé à 700 millions d'euros (alors que le comité d'alerte a récemment évalué ce même dépassement «entre 500 et 900 millions d'euros»). Cela reste «en dessous du seuil d'alerte de 1,15milliard d'euros, mais c'est encore trop», a déclaré Eric Woerth. «Le dérapage est bien réel, nous ne pouvons pas nous satisfaire de ce dépassement, a renchéri Roselyne Bachelot. Si nous souhaitons revenir à l'équilibre au plus tard en 2011 [conformément au voeu du Premier ministre, NDLR] et éviter de reporter la charge de financement sur les générations futures, nous devons assurer un pilotage au plus près de l'ONDAM et, à cette fin, continuer à être vigilants pour contenir les dépenses. »
Contraints de mettre en oeuvre en urgence un plan d'économies pour redresser la branche maladie en 2007 – deux mois à peine après leur nomination –, les deux ministres considèrent désormais qu'il vaut mieux prévenir une procédure d'alerte que la guérir. Mais ils semblent ainsi changer en cours de route la règle du jeu traditionnelle selon laquelle un ONDAM pouvait être dépassé impunément dans la limite du seuil d'alerte (0,75 % de l'objectif), puis rebasé continuellement chaque année. Roselyne Bachelot a souligné lors d'un point presse qu'elle souhaitait pour sa part «un effort d'ajustement graduel et non un plan (d'économies) annoncé avec grand fracas». Comparés à «un marathon», ces efforts en vue du respect de l'ONDAM 2008 seraient «concertés, soutenus, équitables».
Sans attendre les propositions de l'Union nationale des caisses d'assurance-maladie (UNCAM), Roselyne Bachelot invite «les gestionnaires des caisses» des trois régimes à «redoubler leurs efforts» en donnant «une impulsion nouvelle à la maîtrise médicalisée» en général et à la maîtrise des dépenses de médicaments en particulier, notamment en mettant complètement en musique les mesures déjà prévues pour l'année en cours.
La ministre a listé les contreparties possibles des prochaines négociations conventionnelles sur la revalorisation des médecins généralistes, telles que «des mesures opérationnelles sur la répartition des médecins sur le territoire, mais aussi des engagements précis et réalistes en termes de maîtrise médicalisée». Roselyne Bachelot suggère de même à Frédéric Van Roekeghem, patron de l'UNCAM, un renforcement du plan de contrôle des caisses «sur les postes en plus forte croissance» (indemnités journalières, facturation à l'hôpital, produits de contraste utilisés en imagerie médicale…). La ministre «souhaite également que la CNAM travaille à la construction de référentiels de prescription, par exemple sur des classes de médicaments et des actes de masso-kinésithérapie».
Le médicament visé.
Pour le médicament, elle demande des «efforts en terme de qualité de la prescription et d'amélioration de l'information». À cette fin, un portail Internet mis en place «avant 2009» visera à mieux faire connaître aux prescripteurs les «stratégies thérapeutiques les plus efficientes» et les prix des prescriptions. Roselyne Bachelot attend aussi «une gestion plus dynamique» de la liste des médicaments et dispositifs médicaux tarifés en sus de la T2A, au moyen de référentiels de bon usage et d'un réexamen des critères d'inscription et de sortie. Par ailleurs, la ministre n'exclut pas, «avant la fin de l'année, des baisses ciblées des prix de certaines spécialités pharmaceutiques, notamment des génériques» (sans les chiffrer). Enfin, elle a décidé de «geler 70millions d'euros sur le fonds d'intervention pour la coordination et la qualité des soins (FICQS)» sans pénaliser les maisons de santé ni le projet dossier médical personnel que le fonds sert à financer. Quant à la piste d'un transfert de charges de la Sécu vers les organismes complémentaires, elle se concrétisera plutôt dans le PLFSS 2009.
> AGNÈS BOURGUIGNON
Les mesures de la LFSS 2008 en suspens
Interrogés par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, Roselyne Bachelot et Eric Woerth ont dû rendre des comptes aux députés sur l'agenda de mise en œuvre de l'ensemble des mesures contenues dans la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2008.
La ministre de la Santé a ainsi annoncé pour « la fin de l'année » le premier rapport-bilan sur l'application des franchises (mesure phare de la LFSS 2008, entrée en vigueur dès le 1er janvier), et le fléchage des sommes économisées vers la lutte contre l'Alzheimer et les cancers, et les soins palliatifs. La LFSS 2008 prévoit 850 millions d'euros d'économies grâce aux franchises, lesquelles doivent participer au financement des dépenses liées aux plans Cancer (13 milliards d'euros en 2007), Alzheimer (2 milliards) et aux soins palliatifs (environ 500 millions d'euros).
Les deux décrets visant à mieux encadrer les dépassements d'honoraires des médecins (article 39) sont attendus en juillet et à l'automne (« le Quotidien » du 18 juin).
Pour les établissements de santé passés à la T2A (tarification à l'activité) à 100 %, le décret d'application de l'article 62 fixant des critères précis de déséquilibre financier (afin de justifier un plan de redressement qui aménage le contrat d'objectifs et de moyens conclu avec l'ARH) est actuellement « en contreseing », a indiqué Roselyne Bachelot. « Le déficit d'un hôpital n'est pas une fatalité », a souligné la ministre, qui a pointé « le manque de réactivité des établissements hospitaliers publics aux plans d'investissement ». Dans ces conditions, a-t-elle ajouté, « la lourdeur de gestion peut secréter des déficits. La T2A fait autant de perdants que de gagnants. Mais il y a des écarts de coûts très importants entre certains établissements » aux situations identiques. Quant au rapport sur la mise en œuvre de la convergence tarifaire public/privé, il « sera bien remis le 15 octobre », comme prévu.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature