B IS repetita : près d'un an après le plan Aubry de juillet 2000 qui, pour réduire le montant des dépenses de médicaments à la charge de l'assurance-maladie, préconisait des baisses de prix de 20 % étalées sur trois ans, pour certaines spécialités jugés peu performantes par la commission de la Transparence (chargée d'étudier en particulier la demande de remboursement présentée par les laboratoires pharmaceutiques), Elisabeth Guigou et Bernard Kouchner s'apprêtent à annoncer ce jeudi, à l'issue de la réunion de la commission des comptes de la Sécurité sociale, un nouveau dispositif pour essayer d'enrayer une nouvelle fois le dérapage constaté.
Est-ce à dire que le plan Aubry n'a pas marché ? On serait tenté de le croire, même s'il faut sans doute nuancer cette question en considérant que ses effets n'ont pas encore pu se faire entièrement sentir au cours de l'an 2000, puisque les premières mesures ne sont entrées en application qu'à l'automne dernier. Mais les statistiques publiées par l'assurance-maladie sur les dépenses de médicaments pour les derniers mois de l'an 2000 et surtout les premiers mois de 2001 n'ont pas été influencées par ces mesures, puisque l'on est largement, depuis le début de l'année, au-dessus du taux fixé (plus 3 %) par le gouvernement pour des dépenses de médicaments en 2001.
Baisses de prix
Même s'il apparaît que les remèdes employés par le prédécesseur d'Elisabeth Guigou au ministère de l'Emploi et de la Solidarité n'ont eu que des effets limités, le gouvernement s'apprête à les reprendre, et même à les amplifier, dans le plan qui devrait être dévoilé aujourd'hui par la ministre et par Bernard Kouchner, ministre délégué à la Santé. Le ministère de l'Economie et des Finances, qui souhaitait que soit abaissé sans discernement le prix de tous les médicaments, n'a pas eu gain de cause, puisque ces baisses de prix seront limités à deux catégories :
- Aux spécialités dont le service médical rendu (SMR) aura été jugé insuffisant par la commission de la Transparence qui, en deux ans et demi, a passé au crible l'ensemble de la pharmacopée française. 18,6 % des 4 490 médicaments étudiés par la commission (soit 835) ont obtenu un SMR insuffisant et devraient donc subir des baisses de prix (d'environ 8 à 10 % en moyenne) pour une économie estimée par les pouvoirs publics à 800 millions de francs en année pleine. Il reviendra au Comité économique du médicament, et notamment à son président, Noël Renaudin, de discuter avec les industriels des modalités d'application de ces baisses de prix, peut-être étalées dans le temps, afin de ne pas trop pénaliser les firmes les plus fragiles. Mais le gouvernement semble avoir abandonné l'idée, défendue par certains hauts fonctionnaires des Finances et même des Affaires sociales, d'un déremboursement brutal de ces médicaments. Il est vrai que sont concernées d'abord des firmes françaises qui n'ont pas manqué d'expliquer à leurs interlocuteurs gouvernementaux que tout déremboursement se traduirait par des suppressions d'emploi. En ces périodes de mobilisation forte des syndicats de salariés pour la défense de l'emploi et l'impact qu'ont provoqué dans l'opinion certains plans sociaux, le gouvernement n'a pas voulu prendre un tel risque.
- Aux spécialités qui ont été le plus prescrites l'année dernière. Le gouvernement a été impressionné par l'évolution des prescriptions concernant certaines spécialités, même parmi les plus efficaces, notamment les statines. En effet, même si c'est un anti-ulcéreux qui reste, de loin, en tête des médicaments les plus prescrits et remboursés, on trouve, notait la dernière enquête de l'assurance-maladie, MEDICAM (« le Quotidien » du 7 mai 2001), cinq statines parmi les principaux produits dont la croissance des remboursements en valeur a été la plus forte entre 1999 et 2000. L'idée du gouvernement est donc de contrôler plus étroitement les dépenses occasionnées par ces médicaments, certes efficaces, mais très onéreux pour l'assurance-maladie. Il reviendra, là encore, au comité économique de discuter avec les fabricants des moyens d'abaisser cette facture et donc le prix des produits. Mais il est clair que le gouvernement ne veut pas lâcher la pression sur ce point, puisqu'il compte, selon les indiscrétions qui circulaient ces derniers jours, obtenir au moins 1,2 milliard d'économies sur ces spécialités.
Mais cette mesure ne sera pas de nature à calmer la grogne des industriels, et notamment des dirigeants des multinationales. Preuve en est la déclaration de Hank McKinnel, président de Pfizer, premier laboratoire mondial depuis la fusion avec Warner-Lambret, qui, dans un récent entretien publié par « le Monde », fustigeait la politique française du médicament. Laquelle « est une erreur magistrale, affirme-t-il, en ce sens que le gouvernement punit les innovations. Et si, en plus, le produit rencontre du succès, c'est-à-dire qu'il répond aux besoins du patient, il en écrase davantage le prix ». L'enquête (voir page 4) du Syndicat national de l'industrie pharmaceutique (SNIP) et des laboratoires internationaux de recherche (LIR) va dans le même sens.
Prescription en DCI
Si le gouvernement compte donc agir sur les prix pour dégager certaines économies (2 milliards en tout), il mise aussi sur la politique des génériques pour y parvenir. Dire que celle-ci a été pour l'instant décevante est un euphémisme, même si les pharmaciens s'insurgent souvent contre les assertions de la CNAM et des pouvoirs publics. Les génériques représentent aujourd'hui moins de 3 % du marché français, bien loin des ambitions que le gouvernement mettait dans l'octroi du droit de substitution aux pharmaciens. C'est pour relancer ce processus que le plan sur le médicament devrait désormais autoriser la prescription des médecins en DCI. De fait, certains praticiens le font déjà, mais cette pratique est simplement tolérée par des caisses primaires. Désormais, le gouvernement veut rendre ce droit légal, sans pour autant que ce mode de prescription soit obligatoire. Ce qui laisse dubitatifs bien des pharmaciens, qui ne croient pas que les médecins seront légion à prescrire la molécule plutôt que la marque.
En revanche, l'institution d'un tarif de remboursement unique pour la même classe thérapeutique, fixé en fonction de la spécialité la moins chère de la classe, semble avoir été abandonné par le gouvernement : le système était trop compliqué à mettre en place et surtout dangereux pour la politique des génériques.
Reste que l'économie souhaitée par le gouvernement grâce au générique, un milliard en année pleine, reste encore bien ambitieux, vu les résultats obtenus jusque-là.
Enfin, les pharmaciens ne devraient pas être épargnés par ce plan gouvernemental, puisqu'il serait envisagé de baisser de 30 centimes le montant du forfait par boîte qui leur est attribué aujourd'hui. Soit une économie, selon un expert de la pharmacie d'officine, d'environ 500 à 600 millions de francs.
Mais cela devrait demander un changement de vignette. A six mois de la mise en circulation de l'euro, qui exigera un changement de nouvelles vignettes, le jeu en vaut-il la chandelle ? En clair, la baisse du forfait pour le pharmacien pourrait ne pas entrer en vigueur avant le début de l'année prochaine. En tout, le gouvernement espère donc de son plan une économie de 3,5 milliards en année pleine.
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