L E générique, combien d'économies ? Voilà bien un sujet qui fâche.
Car si, du côté de la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM), on ne cache guère sa déception devant les faibles résultats que cette politique aurait produits, du côté des pharmaciens d'officine, qui jouent gros, en l'occurrence, on réfute l'idée d'un échec. Et ce n'est sans doute pas un hasard si Bernard Capdeville, président du principal syndicat d'officinaux, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), se fâche tout rouge, ou presque, lorsqu'on évoque le problème. « En 1999, répète-t-il, le marché du générique a été multiplié par deux, de 2,6 milliards de francs à 5,1 milliards de francs. » Ce qui n'est pas si mal, poursuit le président de la FSPF, alors que « le droit de substitution n'est entré vraiment en vigueur qu'en septembre 1999, et que de nombreux médecins y sont farouchement opposés ».
Les études de la CNAM
Des statistiques qui n'émeuvent guère les responsables de l'assurance-maladie qui, eux aussi, sortent leurs chiffres. En 2000, dit-on à la CNAM (voir les schémas ci-dessous), les médicaments génériques ont simplement représenté un chiffre d'environ 2,4 milliards de francs. Ce qui est peu, selon ces experts, face aux 95 milliards remboursés pour le médicament, par l'ensemble des régimes de protection sociale. « Le taux de génériques délivrés en officine a été inférieur à 3 % », commente encore le directeur adjoint de la CNAM, Pierre-Jean Lancry. L'assurance-maladie, qui devrait publier, dans quelques semaines, une étude complète (« Genericam ») sur la prescription, la délivrance de génériques, n'en démord pas : le succès attendu du droit de substitution et des avantages accordés pour la délivrance des génériques, notamment en ce qui concerne le plafonnement des remises qui est beaucoup plus élevé que pour les autres médicaments, n'est pas au rendez-vous.
Et pour preuve, beaucoup mettent en avant la dernière étude MEDICAM de l'assurance-maladie (« le Quotidien » du 7 mai) sur les médicaments remboursés en 2000. On note que le Di-Antalvic est encore le 15e médicament en valeur de remboursement ; mais que son générique le plus important, le Dialgirex, n'apparaît pas dans les statistiques. Certes, les pharmaciens pourront arguer du fait que le Di-Antalvic a connu en 2000 une baisse de 16 %, mais, commente Pierre Jean-Lancry, si « la politique des génériques était un succès, la baisse de ce médicament princeps devrait être plus importante et notable ». Sans mettre en cause les pharmaciens, « qui font, dans leur très grande majorité, leur travail de substitution », Pierre-Jean Lancry, préconise maintenant d'aller plus loin, et vite. « Les campagnes de communication, tant télévisées que radiophoniques, ou dans la presse écrite ne suffisent plus, il faut faire autre chose », insiste-t-il.
L'exemple de la Marne
En clair, mettre en place de nouveaux dispositifs, qui pourraient faciliter la tâche du pharmacien. Et, à cet égard, la prescription du médecin sous DCI, sans que soit mentionné le nom de marque d'un médicament, ni même celui d'un laboratoire, est préconisée par la CNAM. Aujourd'hui, une telle prescription n'est pas autorisée et pourrait être un motif de non-remboursement. En réalité, elle est tolérée, mais encore rarement pratiquée.
Et l'assurance-maladie met en avant l'exemple de la Marne où la caisse primaire de ce département ( « dans lequel exerce le Dr Claude Maffioli, président de la CSMF », commente malicieusement Pierre-Jean Lancry), encourage, depuis plusieurs années, la prescription en DCI des médecins.
« La prescription en DCI, précise un responsable de la caisse primaire, a libéré les médecins et les pharmaciens » : les premiers, en effet, ne s'offusquent pas que leur prescription soit changée, puisque, en réalité, elle ne l'est pas, et les seconds n'ont plus d'états d'âme pour prescrire un générique. Tant et si bien qu'au cours des derniers mois, « le département, que ce soit en volume ou en coût, est parvenu à obtenir des résultats se situant à plus de dix points, au-dessous des résultats nationaux moyens ».
De même, on constatera avec intérêt que 42 % des médicaments délivrés dans la Marne et contenus dans le répertoire des génériques (qui comprend des médicaments princeps et des copies) sont effectivement des génériques. Pour autant, peut-on étendre cet exemple au niveau national ? Le gouvernement y serait favorable, puisque Elisabeth Guigou, ministre de l'Emploi et de la Solidarité, devrait annoncer, à l'issue de la réunion de la Commission des comptes de la Sécurité sociale le 17 mai, que sera autorisée, voire encouragée, la prescription sous DCI, c'est-à-dire sous le nom de la molécule.
Le tarif de référence en question
Autre projet du gouvernement, évoqué il y a quelques jours dans ces colonnes : l'institution d'un prix de référence, c'est-à-dire d'un tarif de remboursement unique pour l'ensemble d'une classe thérapeutique, quel que soit le prix du médicament choisi par le médecin. Proposée dans le plan stratégique de la CNAM, qui voulait que toutes les classes soient concernées par un tel projet, cette réforme ne serait applicable, du moins dans un premier temps, que pour les génériques. Un système qui n'est pas sans danger pour l'avenir de ces médicaments, car rien n'empêcherait dès lors le fabricant du produit princeps d'abaisser son prix au niveau de ce tarif de référence. Ce qui pourrait condamner les génériques. « Le danger n'est pas à écarter, reconnaît d'ailleurs Pierre-Jean Lancry, mais tout dépend du niveau du prix de référence . Il ne faudrait pas qu'il soit trop rigoureux. »
Du côté des industriels qui se sont lancés dans le générique, la réserve est forte : « Une telle politique, explique Stéphane Joly, président de Bayer Classics, pourrait déboucher sur une guerre des prix, dommageable à tous. » Et l'on aurait tort, insiste-il, de mettre en place des mesures trop contraignantes, « alors que le marché du générique est en pente ascendante ».
Une affirmation contestée par le Dr Michel Chassang, président de l'UNOF (qui regroupe les généralistes de la CSMF), pour qui « le générique ne marche pas du tout, ni chez les médecins, ni chez les patients, ni chez les pharmaciens ».
Cette hostilité se retrouve chez un certain nombre de généralistes, ce qui ne manque pas d'embarrasser les pouvoirs publics qui comptent sur la prescription en DCI et l'implication d'un tarif de référence pour annihiler ces oppositions.
Même si le développement des génériques suppose d'abord l'adhésion du public. Et là, rien n'est encore vraiment gagné, malgré les campagnes de communication qui se succèdent ces derniers mois.
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