Le Dr M . n'a pas l'habitude des manifs, il en a même plutôt peur. « Dans mon pays (le Maroc), ce n'est pas comme ici, manifester est illégal. » Alors il se fait tout petit dans les rangs, il n'a pas osé mettre sa blouse ni brandir l'une des banderoles revendicatives et il préfère garder l'anonymat. Il est là, pourtant, sous les fenêtres du ministre de la Santé, « parce que cela en vaut vraiment la peine et que j'en ai marre ».
L'un de ses collègues, anapathologiste, a quitté son Auvergne pour participer à sa première manifestation. « Je gagne ma vie correctement, bien sûr, mais je voudrais me stabiliser. » Les revendications des médecins à diplôme étranger ne se limitent pas à l'augmentation de leurs salaires, ils veulent sortir de la précarité.
« On me dit : "Tu devrais acheter plutôt que louer." Mais je ne sais pas à quelle sauce je serai mangé dans trois ans. » Le Dr Antoun Souhaid, membre du Snpadhue (Syndicat national des praticiens à diplôme hors Union européenne), poursuit : « Quand on rencontre les anciens internes que l'on a formés, qui sont devenus PHet pas nous, c'est assez humiliant. Je n'ose même pas dire que je suis médecin, vu que je ne suis pas inscrit à l'Ordre », renchérit un autre.
Une commission d'autorisation.
Après s'être époumonés pendant une heure à l'angle de l'Avenue de Ségur, les manifestants ont posé leurs pancartes et écouté le Dr Talal Annani, président du Snpadhue, leur livrer les annonces du ministère. « Il y a ouverture de négociations, rassure-t-il. Et ça, c'est nouveau. » Le ministère accorderait la possibilité aux titulaires d'un DIS (diplôme interuniversitaire de spécialité) ou du Csct (certificat de synthèse clinique et thérapeutique) de passer devant une commission d'autorisation, sans examen donc, à condition de justifier de cinq ans d'exercice en hôpital. Il semble qu'il accepte aussi de remodeler la nouvelle procédure d'autorisation (NPA) en intégrant dans le concours la validation des acquis de terrain. « Voilà deux avancées incontestables, confie le président. Un conseiller du ministrenous a promis cette modification dès la prochaine session en mars, sans pour autant s'engager formellement. Je crois qu'il a compris que nous sommes déterminés à aller jusqu'au bout et que nous avons trouvé un soutien médiatique. »
Sages-femmes, dentistes et pharmaciens étaient également dans l'expectative. « Ils nous donnent des primes de-ci de-là pour nous clouer le bec, mais c'est de l'exploitation pure et simple », peste Houda Penvern, sage-femme algérienne mariée à un Breton. Depuis quinze ans qu'elle exerce en France figure sur sa feuille de paie : auxiliaire puéricultrice. « Ils sont parfaitement au courant au ministère, pourtant ils ouvrent de grands yeux quand on aborde le sujet. »
Le syndicat renonce au préavis de grève qu'il avait menacé de déposer et se donne six mois pour voir les choses se concrétiser. Après-demain, le Dr Annani présentera le dossier devant les députés qui devront modifier la loi de 1999 (dite CMU) pour la mise en place de la commission d'autorisation.
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