LES POUVOIRS PUBLICS n’ont pas traîné pour tirer les premières leçons du scrutin pour le renouvellement des assemblées des unions régionales de médecins libéraux (Urml).
Ces élections professionnelles, un an après l’entrée en vigueur de la nouvelle convention médicale, ont abouti à un affaiblissement général des signataires (Csmf, SML et Alliance) et à une poussée indéniable des opposants, avec notamment 60 % des voix généralistes pour les adversaires des modalités d’application de la réforme du médecin traitant (MG-France, FMF et Espace Généraliste). Le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, a aussitôt annoncé sur Europe 1 qu’il recevrait l’ensemble des syndicatsmédicauxafin de voir «comment améliorer les choses».
«Ce sera fait sous dix jours et sans discrimination», précisait-on en début de semaine au ministère. Pour quoi faire ? Xavier Bertrand évoque déjà la «simplification administrative» des conditions d’application de la réforme du médecin traitant et des parcours de soins, que nombre de praticiens libéraux ressentent comme une « usine à gaz » bureaucratique.
Ce premier message envoyé par le gouvernement est clair : même si ce scrutin n’était pas – officiellement – un référendum pour ou contre la convention, le statu quo pur et simple n’est pas tenable, alors que la réforme Douste-Blazy/Bertrand repose principalement sur la mobilisation des médecins généralistes placés au coeur de la coordination des soins et de la politique de maîtrise médicalisée. «Le gouvernement est obligé de revoir sa copie et de créer les conditions d’une renégociation, analyse Claude Pigement, responsable national du PS à la santé. Chacun sait qu’aucune réforme ne peut réussir sans les médecins et encore moins contre eux.»
« Plan Marshall » et représentativité.
En recevant les syndicats, le ministre ne sera pas déçu. Sous sa nouvelle étiquette de «premier syndicat de médecins généralistes», MG-France, qui réunit demain son bureau national et le 22 juin son comité directeur, demandera au gouvernement un «plan Marshall» d’investissement sur les soins primaires. Objectif : créer les conditions politiques d’une remise à platde la convention médicale qui, selon lui, ne donne pas aux généralistes les moyens de leurs missions.
Forte de 16,5 % des suffrages généralistes, la FMF-G appellera le ministre à reconnaître «de fait» sa représentativité syndicale «issue des urnes». Et exigera une première série de mesures symboliques : titularisation des postes de généralistes enseignants et reconnaissance universitaire de la médecine générale.
Espace Généraliste, nouveau venu dont la percée sur l’échiquier syndical (12,5 % des voix en présentant des listes dans une dizaine de régions seulement) a privé MG-France d’un large succès, voit plus loin. «C’est la place que la société veut pour ses médecins qui doit être remise à plat». Partisan d’une recomposition du paysage médical, l’organisation du Dr Claude Bronner appelle les opposants à se rencontrer sans délai pour présenter des «propositions communes». Dans la même veine, le petit Syndicat de la médecine générale (SMG) réclame la réunion «d’états généraux» de la discipline .
Mais qu’il s’agisse du « deuxième tour » (élections des bureaux des Urml) ou de la future politique conventionnelle, les alliances syndicales s’annoncent acrobatiques. Entre les querelles de personnes (MG-France/Espace Généraliste), des positionnements a priori divergents (FMF/MG-France), le front des opposants se révèle hétéroclite. Qu’importe : le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF-G, veut croire qu’un «front» des « anti » peut aboutir à une majorité de gestion, «convaincu que MG-France, Espace Généraliste et la FMF-G peuvent construire un programme avec 95% de propositions communes».
Dès ce soir, la FMF devait débattre de l’opportunité de signer la convention... pour modifier le système de l’intérieur.
De fait, si juridiquement la convention médicale actuelle n’est pas menacée (le droit d’opposition majoritaire doit s’exercer dans le mois suivant la signature de l’accord), la négociation de futurs avenants pourrait se révéler délicate. Frédéric van Roekeghem, directeur de la Cnam, ne s’y est pas trompé en regrettant l’ «éclatement du paysage syndical».
En attendant le jeu des alliances, chacun est tenté de jouer sa partition. Chez les spécialistes, l’Union collégiale des chirurgiens, médecins et spécialistes de France (Uccmsf, 8,4 % des voix) a réclamé à l’assurance-maladie une convention «plateaux techniques lourds».
Des partenaires de la Sécu plus exigeants.
La situation est d’autant moins lisible que les deux principales centrales signataires (Csmf et SML) n’ont pas l’intention de laisser le champ libre aux opposants. Toujours premier syndicat en nombre de voix, la Csmf constate «l’émiettement» des votes chez les généralistes «avec deux pôles équilibrés» et rappelle son leadership relatif chez les spécialistes (38,6 %). Là aussi, la mise en garde est limpide : rien ne sera possible sans la Confédération qui, déclare son président, «reste le syndicat moteur».
Faut-il y voir un signe ? Dès les résultats connus, la Csmf a dénoncé l’ «inertie» de ses « partenaires » (les caisses et l’Etat) qualifiés de «boulets à traîner» dans ces élections . «Contraintes inutiles, tracasseries, harcèlement technocratique, défauts de communication»: la Csmf a mis la Cnam devant ses responsabilités en annonçant sans doute un positionnement plus exigeant. Sa branche spécialiste (Umespe) multiplie déjà les appels aux pouvoirs publics pour mettre de l’huile dans les rouages, qu’il s’agisse des parcours de soins, de la nomenclature, de la T2A, des dispositifs médicaux et, bien sûr, des «engagements» passés sur la création du secteur optionnel.
Pas en reste, le SML, qui organise une assemblée générale extraordinaire samedi et dimanche prochains pour «déterminer sa stratégie», juge que les pouvoirs publics «n’ont pas suffisamment pris en compte les signaux d’alarme que le SML avait lancés». Le syndicat du Dr Cabrera demande que soient revus «un certain nombre d’éléments dans le pilotage du système».
Au lendemain du scrutin, la Cnam se retrouve dans une situation peu confortable avec, d’un côté, des adversaires de la convention renforcés et déterminés à en découdre et, de l’autre, des soutiens critiques qui reprochent à l’assurance-maladie d’avoir miné le terrain.
Nombre de sièges par syndicat, généralistes et spécialistes confondus (hors DOM) | |
Csmf : | 347 |
FMF : | 273 |
MG-France : | 168 |
SML : | 125 |
Espace généraliste : | 61 |
Union collégiale : | 45 |
Alliance : | 8 |
Fnep : | 1 |
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