La Haute Autorité de santé (HAS), présidée par le Pr Laurent Degos, « recommande le retrait du remboursement » de 221 médicaments sur les 245 dont elle a effectué la réévaluation entre avril 2004 et juin 2005 (liste disponible sur www.has-sante.fr).
Une recommandation qui intervient au lendemain de l'annonce par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) de sa décision de retirer du marché, dès le 24 octobre, 10 médicaments immunostimulants à base d'antigènes bactériens, pour « balance bénéfice-risque non favorable ».
Selon le Pr Degos, plusieurs arguments ont fondé la décision de la HAS : « Il est temps de s'engager dans une gestion active du périmètre des biens et services remboursables » ; si bien qu'il faut s'attendre à un réexamen périodique des médicaments. De plus, « les médicaments à SMR insuffisant n'ont pas vocation à être pris en charge par l'assurance-maladie obligatoire ». Enfin, ces déremboursements donneront à l'assurance-maladie des marges de manœuvre financières qui lui permettront de « prendre en charge prioritairement les traitements les plus innovants ».
Le Pr Etienne Caniard, un des sages de la HAS, apporte une autre recommandation : « Nous sommes opposés à l'instauration d'un taux de remboursement minoré pour ces médicaments à SMR insuffisant car cette prise en charge partielle pourrait s'accompagner d'un remboursement par les complémentaires qui risquerait de faire perdre l'aspect pédagogique de cette mesure. »
Test d'autorité et de crédibilité.
« Si des mesures transitoires devaient être prises par le gouvernement, ajoute Laurent Degos, ce devrait être pour un temps limité .»
Voilà donc venue l'heure du premier test d'autorité pour la Haute Autorité. Le gouvernement va-t-il suivre intégralement ses recommandations, en différer l'application, ou en aménager la rigueur par l'introduction d'un taux de remboursement à 15 % par la Sécu ? Laurent Degos relativise. « Si notre recommandation n'est pas suivie d'effet, nous n'aurons pas à réagir. Nous sommes là pour donner des avis, pour éclairer la population. Si nous ne sommes pas suivis aujourd'hui, nous le serons demain... même si nous souhaitons que cela soit vite fait. »
Le ministère de la Santé devrait annoncer sa décision d'ici à la fin du mois, même s'il n'y a pas de délai de réponse obligatoire. Mais les laboratoires pourront encore déposer un recours devant la Commission de la transparence. Et ils disposent légalement d'un délai de six mois, avant le déremboursement, pour faire la publicité de leurs médicaments auprès du grand public (« le Quotidien » du 15 septembre). L'entrée en vigueur de ces déremboursements, si elle a lieu, ne pourrait donc intervenir avant le 1er avril 2006.
Avant même de savoir si le gouvernement suivra les recommandations de la HAS, les réactions n'ont pas manqué. Côté médecins libéraux d'abord. Pour le Dr Pierre Costes, président de MG-France, « si ces médicaments sont déremboursés, les prescripteurs devront soit se reporter vers d'autres thérapies qui peuvent se révéler plus coûteuses, soit supprimer un suivi médical qui peut être préventif. Il va y avoir une incompréhension des patients qui vont considérer qu'un médicament non remboursé n'est plus un médicament ». Le Dr Michel Chassang, président de la Csmf, est également dubitatif. « Nous allons continuer à prescrire les médicaments à SMR insuffisant car, pour nous, ils ne sont pas inefficaces, il ne faut pas raconter de sornettes. »
Le « G5 », qui regroupe les principaux laboratoires français, est particulièrement virulent. Il exprime son « opposition à des décisions d'ordre économique qui amèneraient à installer progressivement en France une médecine ne garantissant pas à chaque citoyen un égal accès aux soins. [..] Les économies escomptées seraient annulées, voire dépassées par les surcoûts engendrés par les reports de prescription, toujours observés lors des précédents déremboursements. » Un argument qu'a d'emblée balayé Laurent Degos, qui estime que « rien n'est convaincant dans la littérature disponible sur les effets report ». Quant au Leem (Les Entreprises du médicament), il estime que « la notification de SMR insuffisant n'exclut pas l'intérêt thérapeutique de ces produits pour les patients ».
A la Mutualité française enfin, on demande au gouvernement de « prévoir le déremboursement rapide » de ces médicaments « afin que les fonds publics et mutualistes ainsi libérés puissent améliorer la prise en charge de personnes en situation de handicap ou en difficultés sociales ».
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