« NOTRE TEXTE N'EST SANS doute pas parfait », avoue humblement le Pr Jacques Domergue, l'un des cinq députés UMP à l'origine d'une proposition de loi qui vise à faire revenir les assureurs sur le marché de la RCP (responsabilité civile professionnelle), avec des tarifs de 30 à 40 % moins chers que ceux en cours. « Mais la situation est tellement critique que nous avons jugé nécessaire de faire avancer le problème », dit-il.
Le texte propose de transférer certaines charges des compagnies d'assurance qui couvrent la RCP vers l'Oniam, Office national d'indemnisation des accidents médicaux (« le Quotidien » d'hier). Ce que les assureurs ne rembourseront plus, ce sera aux usagers de le payer, via l'Oniam : pour renflouer les caisses de ce dernier, les députés suggèrent de taxer chacun des 20 millions de foyers français d'un montant avoisinant les quatre euros. Les parlementaires espèrent que ce nouveau geste en faveur des assureurs les incitera à réduire notablement leurs tarifs dès la promulgation de la loi. Mais l'objectif premier est autre : « Depuis deux ans, on a fait des replâtrages, il est temps de faire revenir les assureurs, dit Jacques Domergue . Nous espérons pousser le ministre de la Santé à prendre une décision ». L'objectif semble atteint : « Ça remue au cabinet », croit savoir le chirurgien.
Un rapport attendu.
Pour preuve, la publication du rapport Igas-IGF censé faire le point sur l'évolution de la sinistralité en médecine, annoncée depuis deux mois et régulièrement repoussée, serait imminente, promettait le ministère de la Santé en milieu de semaine. Ce document, le Dr Jacques Meurette, président de l'UCF (Union des chirurgiens de France) et membre du BCT (bureau central de tarification des assurances), l'attend avec impatience. « J'espère que la proposition de loi va faire sortir du bois le gouvernement et le contraindre à publier le rapport, car il faut absolument résoudre le problème dans les six mois. » C'est en effet à la fin du mois de juin que les contrats reconduits par le Gtam prendront fin. Les spécialistes à risque et les cliniques qui n'auront pas saisi le BCT à temps risquent donc à nouveau de se retrouver sans couverture.
Médecins et cliniques ne veulent plus payer leur assurance à l'aveugle, et attendent la preuve que la flambée de leurs primes correspond bien à une augmentation des sinistres et des indemnités versées ces dernières années.
Mais ce ne sont pas les seuls à exiger davantage de transparence : les usagers, qui risquent d'être nouvellement taxés, ont aussi leur mot à dire. « On n'acceptera pas de mettre au pot sans avoir compris pourquoi», prévient Alain-Michel Ceretti, le président du Lien (association de lutte, d'information et d'étude des infections nosocomiales). Sans une explication claire rendue par le rapport, cette future taxe serait considérée comme « un impôt injuste et un cadeau aux assureurs », dit Alain-Michel Ceretti, qui, sur le fond, n'est pas opposé à l'idée des députés. « Dans un système solidaire où les revenus des médecins sont plafonnés, je suis d'accord pour faire supporter le coût de la RCP par la solidarité nationale. Mais à une condition, ajoute-t-il : la proposition de loi ne tient la route que si la hausse des primes s'explique par la hausse de la sinistralité. » Ce dont le président du Lien semble douter : « Je viens d'apprendre que dans un cas sur deux, les caisses qui font un recours ne réclament pas à l'assurance l'argent qui leur est dû. Si bien que les assurances versent 30 % à 40 % d'indemnités de moins que ce qui est écrit sur le papier », affirme Alain-Michel Ceretti, qui soupçonne les assureurs de profiter de la situation « de manière éhontée ».
Après cinq mois de travail au BCT, Jacques Meurette s'est forgé une opinion similaire : « Je constate que la sinistralité n'est pas aussi élevée qu'on le pensait, alors que les provisions faites par les assureurs sont vraiment importantes. »
Le rapport Igas-IGF saura-t-il faire la lumière sur la situation ? Le Pr Domergue ne place pas trop d'espoir dans sa publication : les rapporteurs lui auraient laissé entendre qu'il faudra attendre deux ou trois ans pour y voir clair et tirer les conséquences des lois Kouchner et About. « Or, d'ici là, les praticiens et les établissements concernés auront disparu ! », s'inquiète-t-il.
Pour Sabine Guiné, de la FHP (Fédération de l'hospitalisation privée), l'intérêt du rapport Igas-IGF se situe ailleurs : « Il devrait être le détonateur du lancement par les ministères de la Santé et des Finances d'un travail de fond sur la RCP. » Voici le calendrier 2004 imaginé par Sabine Guiné : étude des différents projets offrant une issue à la crise au cours du premier trimestre, débat au Parlement au deuxième trimestre, discussion des tarifs 2005 au troisième trimestre, et renouvellement des contrats au dernier trimestre. Un calendrier idéal, reconnaît-elle. Mais en même temps, un calendrier inéluctable : « Fin 2004, nous n'accepterons pas de proposer le même scénario qu'en 2002 et en 2003 à nos cliniques adhérentes », lance-t-elle à l'adresse du gouvernement.
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