TOUT COMPTE FAIT, l'équipée, peu convaincante selon certains, de quelque 350 chirurgiens libéraux outre-Manche n'aura peut-être pas été complètement vaine (« le Quotidien » des 9, 11 et 12 mai). Un mois plus tard, en effet, le Pr Jacques Domergue, député UMP de l'Hérault et président du Conseil national de la chirurgie (CNC), affirme que « les choses avancent un peu », après la dernière réunion organisée la semaine dernière au ministère de la Santé sur le bilan d'application de l'accord chirurgiens du 24 août 2004. De même, Philippe Cuq, président des Chirurgiens de France et du syndicat UCF en cours de fusion, « a eu l'impression » à cette occasion que le ministre, Xavier Bertrand, « voulait régler le contentieux avec les chirurgiens ».
Or la mise en musique de l'accord chirurgiens, signé l'été dernier sous la menace d'une cessation d'activité et d'un exil symbolique de 2 000 praticiens en Angleterre, dépend en grande partie des mesures prises par l'Uncam (Union nationale des caisses d'assurance-maladie) et les centrales syndicales signataires de la nouvelle convention. « Il y a deux camps, observe le Dr Jean-Gabriel Brun. D'un côté, le camp du ministre, plus proche des chirurgiens. De l'autre, l'Uncam, qui écoute davantage ses partenaires conventionnels », poursuit le président de l'Union collégiale des chirurgiens et spécialistes français (Uccsf-Alliance), qui a paraphé la convention mais a pris depuis ses distances avec les autres parties signataires.
L'affaire de la Ccam.
En présence du « patron » de la Sécu, Frédéric van Roekeghem, et de plusieurs représentants du CNC et des syndicats, Xavier Bertrand a passé en revue les principaux points litigieux de l'accord chirurgiens, dont la fameuse revalorisation de 25 % des actes chirurgicaux attendue entre le 1er octobre et le 1er avril. Les praticiens de la spécialité n'ont cessé de répéter que le compte n'était pas bon depuis l'entrée en vigueur au 31 mars de la classification commune des actes médicaux techniques (Ccam V1), dont plus de 60 % des 7 200 libellés concernent des actes chirurgicaux. « Nous considérons, comme beaucoup de sociétés savantes et de syndicats verticaux, qu'il nous faut un peu de temps pour corriger toutes les anomalies de la Ccam : erreurs de transcodage [à partir des tarifs de l'ancienne nomenclature Ngap, ndlr] , actes oubliés, incompatibilités, libellés inadaptés... », rappelle le porte-parole des Chirurgiens de France. En comparant les précédents tarifs Ngap et les nouveaux tarifs Ccam, Jacques Meurette, du Syndicat des médecins libéraux (SML), reconnaît que les chirurgiens viscéraux de son secteur ont vu leurs tarifs augmenter de seulement « + 11 % en secteur II et (de) + 21 % environ en secteur I ».
A la Confédération (Csmf), Christian Espagno a relevé des hausses de « + 11 % en secteur II et (de) + 23 % en secteur I » pour 850 actes réalisés par des confrères en neurochirurgie. « Le ministre a demandé une expertise contradictoire », précise le Dr Brun, afin d'obtenir un état des lieux plus précis des revalorisations tarifaires. Le président de l'Uccsf constate que les chirurgiens, soutenus par le CNC « n'ont pas obtenu satisfaction » sur l'idée d'un moratoire jusqu'au 1er octobre pour l'application de la Ccam aux chirurgiens, mais « la situation reste confuse ». La version actualisée de la Ccam (V2) sera sans doute validée avant l'été mais ne sera mise en place techniquement par les prestataires informatiques « qu'à la fin de septembre, malgré les inconvénients que cela pose pour la T2A » (tarification à l'activité), précise le Dr Espagno. En tout cas, « Xavier Bertrand a dit qu'il ne validerait pas la Ccam V2 avec des erreurs dedans », relève le président du CNC.
Secteur optionnel.
La Ccam a introduit une différenciation des tarifs opposables entre secteur I et secteur II, au grand dam des chirurgiens, remettant plus que jamais à l'ordre du jour la question du fameux point 9 de l'accord du 24 août 2004, censé rendre une liberté de choix de secteur d'exercice à environ 4 000 médecins spécialistes anciens chefs de clinique-assistants (Acca) installés en secteur I (1). Pour des raisons politiques, et en dépit de tous les espoirs soulevés chez certains par le point 9, « le secteur II ne sera pas ouvert », affirme le Dr Brun. Si choix il y a, ce sera entre le secteur I à tarifs opposables et le nouveau secteur optionnel (prévu par l'accord d'août) ouvrant un petit espace de liberté tarifaire. Les partenaires conventionnels devraient commencer à négocier sur le contenu de ce secteur du « troisième type » dès le 16 juin, à partir des orientations fixées le même jour par le Conseil de l'Uncam en la matière. L'attractivité de ce secteur optionnel dépendra du positionnement des curseurs : part de l'activité à réaliser en tarifs opposables (en contrepartie d'une prise en charge partielle des cotisations sociales) et plafond des dépassements sur chaque acte. Le Dr Cuq souhaite qu'il « convienne à 90 % des chirurgiens » (secteurs I et II compris), en autorisant jusqu'à « 30 à 40 % de dépassements », correspondant à la moyenne nationale pratiquée par les 80 % de chirurgiens libéraux en honoraires libres. « Le ministre ne veut pas qu'il soit un secteur de pacotille et il a tout à fait raison », poursuit Philippe Cuq.
Le leader des Chirurgiens de France reste par ailleurs « surpris par la lenteur » du dispositif de permanence des soins des spécialistes en établissement. Début juin, la moitié des 128 centres d'urgences Upatou ont signé des contrats, prévoyant une rétroactivité des rémunérations, au 2 décembre pour les gardes sur place en réanimation et au 12 février pour les astreintes des chirurgiens et anesthésistes. Mais l'argent qui va avec n'est toujours pas versé.
(1) Dont environ 650 chirurgiens et 165 anesthésistes.
Jeudi, une nuit de négociation
LA NUIT du 16 au 17 juin promet d'être longue pour le directeur de l'Union nationale des caisses d'assurance-maladie (Uncam), Frédéric van Roekeghem, et les dirigeants des trois syndicats médicaux signataires de la convention du 12 janvier (Csmf, SML et Alliance).Malgré la polémique lancée par MG-France et la Mutualité française sur un éventuel report de l'entrée en vigueur des parcours de soins coordonnés, les partenaires conventionnels restent confiants quant au lancement effectif du dispositif du médecin traitant au 1er juillet. Selon l'assurance-maladie, les caisses auraient déjà reçu « 15 millions de formulaires » et pourraient parvenir à inclure « 18 millions » de patients de plus de 16 ans (dont « 70 % des personnes en ALD ») fin juin, compte tenu de l'accélération des retours de formulaires (près de 200 000 par jour contre environ 150 000 précédemment).
Il reste que l'Uncam et les syndicats signataires de la convention ont encore du pain sur la planche avant le 1er juillet, puisqu'ils sont résolus à boucler la négociation des points conventionnels les plus urgents restant en suspens. La liste des dossiers urgents en instance est longue : deuxième version actualisée du versant technique de la classification commune des actes médicaux (Ccam V2), calendrier de paiement des rémunérations liées à la permanence des soins des généralistes, tiers payant pour les patients à bas revenus dans les parcours de soins, conditions de l'accès spécifique en psychiatrie, consultation de consultant (C2) pour les anesthésistes, majoration ciblée pour les actes lourds des anapaths, option de coordination pour les pédiatres de secteur II, et - last but not least - secteur optionnel prévu à la date butoir du 30 juin par l'accord chirurgiens du 24 août 2004 (voir article ci-dessus). La définition des contours de ce secteur optionnel, étendu à toutes les spécialités, nécessitera un cadrage du conseil de l'Uncam réuni le 16 juin au matin.
Vu son volumineux ordre du jour, la séance de négociation nocturne du 16 juin, réclamée depuis déjà plusieurs semaines par les syndicats, ne sera vraisemblablement pas la dernière avant le 1er juillet.
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