L'imatinib mesylate (Glivec), un nouveau antitumoral, paraît être une révolution dans le traitement des leucémies myéloïdes chroniques (LMC), à trois titres. Tout d'abord au niveau de sa facilité d'utilisation : ce médicament est prescrit à raison de quatre comprimés de 100 mg par jour, en général. Ensuite, l'imatinib mesylate est une molécule spécifiquement dirigée contre la protéine produite par le gène responsable des leucémies myéloïdes chroniques, le gène BCR ABL. Enfin, les études cliniques ont montré une bonne efficacité associée à une absence d'effets secondaires chez les patients traités.
Inhiber les protéines à activité tyrosine-kinase
L'histoire de ce médicament aurait pu ne pas être sans l'opiniâtreté d'un chercheur de la côte est des Etats-Unis, Brian Druker, chercheur et clinicien.
Dans les années quatre-vingt-dix, au sein des Laboratoires Ciba-Geigy, Elisabeth Buchdunger recherche des molécules capables d'inhiber des protéines à activité tyrosine-kinase. Elle met ainsi au point l'imatinib mesylate, une 2-phényl-pyrimidine qui, sur un modèle de lignée cellulaire K562 de leucémie myéloïde chronique, se fixe sur les sites ATP de la protéine leucémique. Ce résultat prometteur vaut à cette molécule de traverser l'océan Atlantique pour atterrir dans le laboratoire de Brian Druker, un chercheur américain spécialiste des leucémies myéloïdes chroniques. Rapidement, il montre in vitro que l'imatinib mesylate inhibe sélectivement les cellules qui portent la translocation BCR ABL des LMC. Fort de ce résultat, Brian Druker persuade alors le nouveau laboratoire Novartis de poursuivre le développement de cette molécule dans cette maladie.
En collaboration avec le National Cancer Institute (Houston, Etats-Unis), Brian Druker commence des essais cliniques, l'un sur les phases chroniques des LMC résistantes à l'interféron, le traitement de référence, et l'autre sur les transformations aiguës. Les résultats ont été publiés dans le « New England Journal of Medecine » du 5 avril 2001.
91 % de rémissions hématologiques
En 1999, et pour la première fois en France, le Pr François Guilhot (président du Groupe français de la leucémie myéloïde chronique), du service d'oncologie hématologique et thérapie cellulaire du CHU de Poitiers, participe à son tour, avec le centre de Bordeaux (Pr J. Reiffers), au développement clinique de cette molécule.
Au total, 130 patients ont été traités dans son service et, depuis, une quinzaine de centres nationaux d'hématologie l'ont rejoint. « Nous avons participé à un essai de phase II qui a inclus 532 patients atteints de phase chronique de leucémie myéloïde chronique déjà traités par interféron associé à la chimiothérapie. Nous avons présenté les résultats en mars 2001 », indique le Pr Guilhot.
« Les résultats de cet essai clinique montrent 91 % de rémissions hématologiques et 55 % de réponses cytogénétiques majeures, c'est-à-dire une diminution d'au moins 35 % de cellules porteuses de la translocation du chromosome de Philadelphie. Les effets secondaires sont peu importants et les cas nécessitant l'arrêt du traitement sont exceptionnels. » Pour l'instant, et dans l'attente de la mise au point de nouvelles techniques d'évaluation du maintien de son efficacité après arrêt du traitement, l'imatinib mesylate reste un traitement à long terme.
Aux Etats-Unis, le Glivec vient d'être approuvé par la FDA sous le nom de Gleevec dans le traitement des leucémies myéloïdes chroniques, et il devrait être autorisé en Europe à la fin de 2001.
Des essais thérapeutiques dans les tumeurs solides
Quel est l'avenir de cette nouvelle thérapeutique moléculaire spécifique ?
Parallèlement à son activité sur les leucémies caractérisées par une translocation, l'imatinib mesylate s'est révélé actif en laboratoire sur la protéine KIT, le produit du proto-oncogène cKIT, et sur le récepteur du PDGF présent dans divers types de cancers, comme les tumeurs stromales, les gliomes et les cancers du poumon à petites cellules. « Ces découvertes ont ouvert la voie à de nouveaux essais thérapeutiques dans les tumeurs solides », précise le Pr Guilhot. Parmi celles-ci, les cancers gastro-intestinaux ont répondu de façon extraordinairement positive au STI 571. D'ailleurs, dans ce cadre, les bons résultats du Glivec, chez une patiente finlandaise présentant une tumeur gastro-intestinale avec de multiples métastases hépatiques et rénales, et précédemment traitée de façon classique, seront présentés à Eurocancer.
En passe de devenir l'un des programmes de développement de traitement anticancéreux les plus rapides de l'histoire (moins de dix ans), l'imatinib mesylate ouvre également la voie à une nouvelle ère thérapeutique qui devrait alléger la prise en charge des patients par une facilité d'emploi, et augmenter l'efficacité thérapeutique par une plus haute spécificité.
<*L>D'après un entretien avec le Pr François Guilhot, service d'oncologie hématologique et thérapie cellulaire, CHU de Poitiers.
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