ÉCRITE pour son frère Niklas Ek, sa femme, l'Espagnole Ana Laguna, et le Français Yvan Auzély, « Tulips » vient à Paris interprétée par ses créateurs avec l'Allemande Sabine Kupferberg, pilier du NDT où elle est entrée en 1975 en même temps que Kylián et le Danois Egon Madsen, plus nouveau venu.
Aucune chorégraphie de Mats Ek ne nous avait autant touché depuis sa « Carmen » de 1992 qui est au répertoire du Ballet de l'Opéra de Lyon et, bien sûr, sa «Giselle ». Par sa dimension théâtrale, shakespearienne même : Niklas Ek a l'étoffe d'un Hamlet et Ana Laguna la fragilité apparente d'une Ophélie.
On laissera au bénéfice du doute la réalité d'un argument à cette longue pièce où les scènes dansées alternent dans un équilibre parfait avec celles purement théâtrales. On peut y voir seulement l'exploitation de thèmes, chers à Mats Ek, du rêve, de la folie, des rapports avec la mère, du désir. Le tout avec toujours le geste juste, un humour incisif, étrange, tantôt cruel, tantôt burlesque comme dans l'extraordinaire solo dansé par Laguna sur O sole mio.
Le choix de la musique est pour beaucoup dans la réussite de cette pièce. Le collage comporte entre autres des pièces de Górecki, Pärt, Grieg et Barber dont l'« Adagio pour cordes » est le support de moments extraordinaires. Le dispositif du décor de Peter Freiij, la virtuosité des éclairages de Göran Westrup ajoutent à l'étrangeté de l'ensemble.
Le vocabulaire choisi par Ek est assez reconnaissable avec ses pas glissés, sa grande demande physique et ses tonalités désespérées. On ne se risquera pas à détailler le talent des cinq interprètes ; tous sont superlatifs et chacun à sa manière empoigne le spectateur durant les deux heures de ce fascinant spectacle que l'on peut qualifier comme une des plus grandes réussites de théâtre dansé.
Inépuisable Giselle.
Dans sa « Giselle », créée en 1982 pour le Ballet Cullberg à Stockholm et entrée au répertoire du Ballet de l'Opéra de Paris en 1993, les Wilis sont priées de déposer leurs ailes au vestiaire !
Plus de chaumière pour Giselle, ni d'épée pour Albrecht, pas plus de cor de chasse pour Hilarion. Mais une Giselle demeurée du village, une quasi-Bécassine qui se laisse séduire par Albrecht, un séducteur de la ville. L'affaire tourne mal, se termine dans un hôpital psychiatrique par une formidable rédemption par l'amour. Personne ne meurt dans cette « Giselle » mais on va au bout des émotions et des situations avec la force des images et de la danse.
Si on retrouvait Nicolas Le Riche, toujours aussi émouvant dans le rôle déchiré d'Albrecht et José Martinez, moins à l'aise, plus emprunté que Wilfried Romoli qui alterne avec lui dans le rôle d'Hilarion, l'intérêt était focalisé par la prise de rôle de Marie-Agnès Gillot, sa première depuis sa nomination au titre de danseuse Étoile cette année (voir « le Quotidien du Médecin » du 19 avril). Après avoir longtemps joué le double rôle de Batilde/Myrta, elle aborde le rôle de Giselle auquel elle tenait plus que tout. La performance est magnifique, elle y est totalement convaincante et brille par un naturel épatant dans un rôle qui ne l'est pas vraiment.
Autant dans les bonheurs maladroits du premier acte que dans les souffrances du second à l'hôpital psychiatrique, elle est d'emblée la Giselle que l'on attendait, avec la certitude qu'elle ira encore plus loin dans ce rôle quelle s'approprie aujourd'hui.
L'Opéra national de Lyon reprend « Carmen », de Mats Ek, avec comme artiste invitée Sylvie Guillem, au Théâtre romain de Fourvière, les 23, 25 et 26 juin.
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