Si elles repassent au ralenti à la télévision, les images de la récente chute du footballeur français Robert Pirès pourront servir de démonstration au mécanisme de la rupture du ligament croisé antérieur (LCA). Alors que le sportif lancé à toute vitesse pour rattraper un ballon finit sa course, en évitant un tackle, le pied reste bloqué au sol par les crampons, tandis que le genou tourne vers l'intérieur. Le ligament soumis à une tension intense ne résiste pas et se rompt. Le mécanisme analysé plus finement est l'association d'un valgus du genou avec flexion et rotation externe du pied.
Cet accident si fréquent au football, explique le Dr Françoise Sabourin (hôpital de la Salpêtrière, Paris, l'ADAPT Saint-André), peut arriver classiquement dans deux autres circonstances. Tout d'abord, lors du contre-pied. Le footballeur fait semblant de se diriger d'un côté pour brutalement changer de direction, ou l'adversaire, alors qu'il change de direction, lui bloque le pied au sol. Ici encore, des éléments communs : vitesse, puissance musculaire, direction et pied cramponné au sol. Dans le cas d'une rupture du LCA droit, par exemple, le pied droit se trouve en rotation interne, le haut du corps est tourné vers la droite, la rupture survient lors de l'opposition brutale du corps au changement de direction.
L'appel de saut
Troisième cause classique, l'appel de saut. Ici encore, la puissance musculaire du joueur lors de l'hyperextension violente du genou soumet le LCA à une tension excessive.
Le Dr Sabourin ajoute l'existence de critères individuels anatomiques, notamment une échancrure intercondylienne étroite qui facilite la survenue de lésions ligamentaires. Grâce à l'IRM, on sait que le plus souvent le ligament rompu était sain. Les distensions antérieures à la lésion sont peu fréquentes.
« Les accidents surviennent essentiellement quand le joueur est surpris par un adversaire lors d'un choc. En pleine action, dans une phase codifiée de jeu, il s'attend à l'attaque adverse, musculairement verrouillé et proprioceptivement prêt, il peut réagir à la charge adverse. »
Les dangers du football, au niveau ligamentaire s'entend, viennent de la combinaison de plusieurs éléments : l'astuce de jeu, la mobilité et la vitesse. Pour ce dernier élément, il est indispensable de bien s'accrocher au sol grâce à des chaussures cramponnées. Elles immobilisent le pied lors des rotations vives imposées par la vitesse des déplacements. La masse musculaire importante du footballeur joue ici en sa faveur. Potentialisée par une remarquable proprioception, elle autorise un bon contrôle de ses mouvements.
Sports à pivot-contact
« Quant au traitement, il dépend du sport pratiqué, du niveau de l'athlète et du contexte professionnel ou amateur », poursuit Françoise Sabourin. Un adepte de sports dits à pivot-contact (football, rugby) ou impliquant un partenaire (judo) ou des pivots précis (danse) nécessite un LCA fonctionnel. En revanche, des sports dans l'axe, tels que le cyclisme, la natation, la course de fond, mettent moins à contribution le croisé antérieur, sauf aux plus hauts niveaux. Ainsi, un professionnel tel Robert Pirès justifie une intervention chirurgicale. « En raison de son intelligence musculaire et de sa grande capacité de récupération, le sportif de haut niveau est plus rapidement sur le terrain que le sportif amateur. » Chez ces sujets d'exception, il existe des protocoles postopératoires de kinésithérapie précoce. Leur capacité de récupération musculaire est accélérée grâce à l'importance de la masse musculaire et la bonne proprioception. Avec une prise en charge telle que pratiquée actuellement, la période d'incapacité peut être écourtée.
Dans le cas de l'amateur de sport dont l'activité professionnelle est autre, la chirurgie peut être indiquée, notamment en cas de lésion méniscale. L'amélioration est perceptible au 3e mois. La reprise de l'entraînement d'un sport dans l'axe est autorisée au 6e mois. Il faut patienter un an avant la reprise au niveau antérieur.
Enfin, un sportif « du dimanche » pratiquant plutôt footing ou vélo justifie un traitement à part entière centré sur la rééducation visant à compenser l'instabilité du genou par un renforcement musculaire adapté. L'intervention n'est alors indiquée que si l'instabilité du genou est une gêne dans la vie quotidienne.
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