Le génome exprime des ARN non codants et antisens à profusion

« Science »  publie cette semaine les derniers résultats obtenus par le consortium international de chercheurs chargés d'analyser l'activité du génome humain. Ce groupe de chercheurs a patiemment identifié, séquencé et localisé l'ensemble des molécules d'ARN produites par les cellules humaines pour dresser une carte de notre transcriptome*. De ce travail ressortent deux découvertes étonnantes.
Tout d'abord, il est apparu que le génome humain exprime beaucoup plus de molécules d'ARN non codant qu'on ne l'imaginait. Selon le dogme central de biologie moléculaire, chacun de ces gènes doit coder pour une molécule d'ARN qui code elle-même pour une protéine. Pourtant, il est apparu que si les cellules humaines produisent comme attendus près de 21 000 molécules d'ARN codant pour des protéines (le génome humain contient environ 22 000 gènes), elles produisent également près de 23 000 ARN non codants, qui ne seront jamais traduits en protéines. Ces ARN non codant jouent probablement différents rôles dans le contrôle de l'expression génétique, reste à trouver lesquels.

Mise au point de nouveaux médicaments.
En outre, l'étude poussée du transcriptome humain a révélé que la production cellulaire d'ARN anti5sens est loin d'être anecdotique. A la majorité des gènes humains correspondent non seulement une molécule d'ARN « sens » qui code pour une protéine, mais aussi une molécule d'ARN « antisens ». Les ARN antisens sont capables de s'apparier aux molécules « sens » et de bloquer leur traduction en protéine. Depuis quelques années, ce mécanisme naturel d'inhibition de l'expression génétique est utilisé pour la mise au point de nouvelles classes de médicaments antiviraux et antitumoraux. On savait que la cellule l'utilisait spontanément pour contrôler l'expression de certaines protéines. Mais il était admis que les ARN antisens naturels étaient rares, tout du moins dans les cellules de mammifères. Les derniers résultats du projet « transcriptome humain » montrent exactement le contraire et suggèrent que les antisens joueraient des rôles biologiques bien plus importants qu'on ne l'imaginait.

« Science » du 2 septembre 2005.
* Si le génome est l'ensemble des gènes portés par les chromosomes d'un organisme, le transcriptome correspond à l'ensemble des molécules d'ARN qui sont transcrites à l'intérieur de ses cellules.