Le génome de Bacillus anthracis, le bacille du charbon, vient d'être entièrement séquencé par des chercheurs américains (Institut for Genomic Research, Rockville, Maryland). Deux équipes, dont une en collaboration avec des chercheurs français de l'INRA (Jouy-en-Josas), ont analysé ce génome par comparaison avec celui de bactéries apparentées.
Les résultats de ces travaux devraient conduire à une meilleure compréhension de la physiologie du pathogène et ainsi permettre de le combattre plus efficacement.
B. anthracis appartient à la même famille de bactéries que Bacillus cereus, une bactérie commune du sol, et Bacillus thuringiensis, un bacille s'attaquant aux insectes. Comme la majorité des bactéries, ces trois organismes possèdent, en plus de leur chromosome, des petites molécules d'ADN circulaires supplémentaires que l'on nomme plasmide. C'est sur ces plasmides que sont généralement localisés les gènes codant pour les protéines conférant leur virulence aux organismes pathogènes. Il a été fait l'hypothèse que B. cereus, B. thuringiensis et B. anthracis appartenaient à une seule et même espèce bactérienne, mais différaient par la nature de leurs plasmides respectifs. La disponibilité de la séquence de B. anthracis a permis de comparer les génomes de ces différents organismes afin de tester cette hypothèse.
Read et coll., d'une part, et Ivanova et coll., d'autre part, ont effectivement montré qu'il existait une très forte conservation entre les génomes de B. cereus de B. anthracis, y compris au niveau de l'ADN plasmidique.
Un insert codant pour des toxines
La seule différence importante observée au niveau génétique entre ces deux organismes concerne la présence d'un îlot de pathogénicité sur un des plasmides du bacille du charbon. Cet insert contient des gènes codant pour les toxines responsables du pouvoir mortel de la bactérie ; il aurait été acquis récemment (à l'échelle de l'évolution) par la bactérie. En outre, la mise en évidence d'une mutation au niveau d'un gène régulateur dans le génome de B. anthracis suggère que l'expression des facteurs de virulence doit être différente chez les deux bactéries.
De plus, les travaux de Read et coll. et Ivanova et coll. ont clairement mis en évidence que des facteurs de virulence étaient également codés par l'ADN chromosomique. Ils ont notamment retrouvé sur les chromosomes de ces bactéries des gènes similaires à ceux impliqués dans la pathogénicité de Listeria ou d'autres bactéries spécifiques des insectes.
Enfin, par le biais de cette analyse, de nombreuses protéines de surface du bacille du charbon constituant de bonnes cibles vaccinales ou médicamenteuses ont pu être identifiées. Ces travaux pourraient donc conduire à la mise en place de stratégies de lutte contre cet agent infectieux plus efficaces que celle dont nous disposons actuellement.
« Nature » du 1er mai 2003, pp. 81-91.
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